HADOPI : attention chérie, ça va spammer… ou pas

On avait failli l’attendre, le dernier décret d’application a été publié Lundi dernier. Il s’agissait du dernier obstacle… du moins sur le papier. Nous avons donc maintenant tous les ingrédients pour que la machine à spam la plus onéreuse du monde se mette en route. C’est donc très prochainement que nous allons pouvoir assister au spectacle que nous promet ces premiers envois de mails. Le décret se compose de 3 articles, un seul est réellement digne d’intérêt, le premier. On y apprend la teneur des pièces constituant le dossier, mais on assiste aussi au mini putsch adressé aux fournisseurs d’accès Internet en leur expliquant que même si le coût de la procédure n’est pas évoqué, ces derniers devront fournir une identification sous huitaine et fournir sous quinzaine les pièces sur les agissements de l’internaute pris en « flagrant délit d’ip sur un réseau p2p » (à l’insu de son plein gré ou pas… ce qui constitue bien le délit de négligence caractérisée que la HADOPI va tenter de réprimer comme elle le peut alors que de son côté l’Etat a toujours autant de mal à considérer avec diligence ses propres négligences caractérisées et même caractéristiques). En attendant, il faudra bien payer la facture si on veut mettre le feu au SMTP, et on imagine mal certains FAI sponsoriser les fantasmes de quelques uns, même si pour d’autres ceci ne devrait pas être un véritable obstacle.

Le décret explique aux fournisseurs d’accès qu’ils sont contraints de coopérer, amendes à la clef. A notre connaissance aujourd’hui, l’état des négociations sur la charge des identifications est au point mort. A titre indicatif, pour un particulier, dans le cadre d’une procédure, une identification se monnaye une trentaine d’euros, la HADOPI devrait avoir un prix de gros (8,5 euros par IP), mais 50 000 identifications par jour, ça représente quand même une petite somme très rondelette de 425 000 euros par jour, auxquels on ajoutera les frais de fonctionnement de la HADOPI, de ses prestataires techniques, des frais de justice pour l’Etat induits par des personnes accusées à tort (HADOPI a encore moins de chance de devenir rentable qu’un Twitter like sur France.fr)… je suis curieux de voir comment le candidat Sarkozy va justifier cette gabegie pour « protéger » cette industrie qui se voudrait culturelle. C’est pourtant la question que risque de lui opposer ces internautes qui figurez vous … sont aussi munis d’une carte d’électeur, un concept qui n’a pas été assimilé de tous. Machine à spam ou machine à perdre les élections, à ce niveau là on qualifiera ça de pléonasme.

On s’allonge sur le sofa et on sort les cacahuètes

On commence par les procès verbaux établis sous forme électronique, c’est une nouveauté, ça risque de prendre un peu de temps niveau rodage et on devrait assister, même avec une automatisation assez poussée, à quelque couacs. Soyons sympas et appliquons un coefficient d’erreur de 10% en phase de lancement, vu que le projet a du subir quelques lifting, la constitution même du constat de l’infraction avec les pièces requises s’est complexifiée à cause d’un petit détail… Seedfuck … vous savez le logiciel qui selon Franck Riester n’existe pas mais qui a quand même « un peu » modifié la procédure de constat de l’infraction. TMG expliquait ainsi qu’un morceaux du fichier devrait être téléchargé par ses soins pour que la collecte de preuves soit complète et surtout que le dossier transmis atteste bien qu’il y a eu un échange délictueux (pas d’information sur le surcoût de la procédure, ni sur le pièces matérielles à charge qui seront incorporées au dossier transmis à la HADOPI et qui faisait déjà cruellement défaut dans le premier décret d’application).

On nous aurait menti ?

Si vous ne l’aviez pas encore compris, HADOPI, c’est un truc qui est sensé vous terroriser, un peu comme une arme tactique de dissuasion. Mais au bout du compte, HADOPI, ce n’est pas un dispositif qui est sensé fonctionner ni être opérationnel à plein régime. On a fait une belle loi, avec des absurdités sans nom en total décalage avec les réalités techniques et budgétaires, mais c’est tout à fait normal vu qu’on ne compte pas l’appliquer de la manière dont elle est décrite (on peut aussi s’interroger sur les objectifs réels de la mise en place de ce dispositif). Nous nous sommes dotés d’un outil que nous n’aurons jamais les moyens de mettre en oeuvre, on ajoute à ceci le coût du travail parlementaire en temps de crise et le ridicule qui a plané et plane encore sur les pseudos solutions de sécurisation dont on risque de parler très vite … HADOPI n’est elle pas un fantastique trojan pour une suite que l’on connait tous et qui est déjà inscrite dans le marbre ?

Hole196 : Une vulnérabilité identifiée dans WPA2

Le WPA2 est le protocole de chiffrement pour communications sans fil considéré jusque là comme le plus robuste. Des chercheurs de AirTight semblent avoir mis en évidence une faiblesse permettant à un utilisateur du réseau de bypasser le chiffrement de la clef privée ansi que l’authentification. Il devient ainsi capable d’intercepter le trafic qui transite sur le réseau et donc d’attaquer les machines qui s’y trouvent. Une présentation de la vulnérabilité et de son exploitation aura lieu au Defcon de Las Vegas à la fin du mois, nous en saurons alors un peu plus sur ce trou affectueusement baptisé Hole196.

En attendant, et à juste titre, Numerama et PCInpact s’interrogent sur notre désormais célèbre délit de négligence caractérisée qui tendrait à vouloir que le commun des mortels sécurise son accès Internet, alors que le gouvernement lui même a bien du mal à sécuriser ses propres sites web et pour reprendre l’ expression consacrée qui me fait bien rire, manque de diligence dans la mise en oeuvre de la résolution de l’incident .

Recherche développeur Drupal pour remplacer André Santini à l’Assemblée Nationale

C’est dans l’air, André Santini, député maire d’Issy-les-Moulineaux, récemment élu président du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris (SGP) dans des circonstances contestées, avait annoncé qu’il abandonnerait un de ses mandats. On se souvient que l’année dernière encore, son suppléant et porte parole de l’UMP, Frédéric Lefèbvre, avait fait son entrée dans l’hémicycle par jeux de chaises musicales. André Santini était alors secrétaire d’Etat à la Fonction publique.

Une rumeur assez insistante tendait à souffler qu’André Santini cèderait son siège de député des Haut de Seine à Jean Sarkozy. Patrick Devedjian interrogé par la presse sur l’éventuelle accès de Jean Sarkozy à l’Hémicycle a répondu : « Ce sont des supputations. Je ne peux pas vous répondre ». C’est en fait celui de conseiller régional qu’il abandonne, Jean Sarkozy devra donc attendre les prochaines législatives auxquelles André Santini a annoncé ne pas se représenter pour s’écharper avec Frédéric Lefèbvre. Après la grosse blague de l’EPAD, Jean Sarkozy n’en finit plus d’agiter le 92.

Le « Grand Paris » est un ambitieux projet avec lequel on nous pas mal rabattu les oreilles pendant la campagne des dernières régionales, aujourd’hui, le site mis en place en sous domaine de celui du ministère de la culture (Grand Paris / culture … vous voyez pas le rapport ? On s’en fout c’est pas la première foi que le Ministère de la Culture se voit confier des sujets qu’on ne lui demande pas de maitriser) fait triste mine. Déjà, ça commence par un bel avertissement quand on tente d’y accéder. Le site semble exactement du même acabit que France.Fr (jamais un gouvernement n’aura réussi à plomber l’image de marque de Drupal à ce point).

Le site web du Grand Paris, je ne vais pas perdre de temps à vous faire une nouvelle visite guidée mais en deux trois clics, vous devriez vous faire votre opinion.

Une négligence caractérisée de plus pour le Ministère de la Culture … bon on arrête ? Le gouvernement est-il prêt à reconsidérer son délit de négligence caractérisée ou il faut vraiment qu’on vous démontre qui est le plus négligent :

  • l’internaute qui se fait plomber son ordinateur par un trojan ?
  • ou l’Etat qui investi des millions d’euros dans des sites web qui risquent de finir en ftp de p0rn et warez ?

Tout ça pour vous dire que vu que Jean Sarkozy n’a toujours pas son DEUG de droit, je propose qu’un développeur Drupal (BTS, 3 mois d’expérience appréciés) brigue le poste de député des Hauts de Seine, il sera bien plus utile à la Nation que Jean Sarkozy.

Updated : je ne perdrai pas mon temps à commenter le screenshot suivant mais vous vous doutez de tout le bien que j’en pense… Le site a certainement subit un Cross Site Scripting, la doc de Drupal est pourtant limpide à ce sujet.

Bettencourt et De Maistre déboutés : une petite victoire pour Mediapart

mediapart twitterC’est sur son Twitter, que Mediapart a annoncé aujourd’hui que la Cour d’appel déboutait Liliane Bettencourt et Patrice De Maistre, confirmant ainsi que Mediapart pouvait publier les enregistrements. C’est un vraie petite victoire pour le site d’information qui avait révélé ce qui est sur le point de devenir une affaire d’Etat (une de plus) du mandat de Nicolas Sarkozy et qui touche au financement des partis politiques.

Cette décision de la Cour d’Appel fait suite à un premier rejet du TGI de Paris affirmant ainsi la légitimité de cette publication réalisée dans un but d’information légitime. La défense de son côté arguait d’une atteinte à la vie privée. Nul doute qu’elle fera date en matière de liberté de la presse, n’en déplaise à certains.

Voir l’article du Figaro

L’Europe se crispe face à l’ACTA

L’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) commence à faire apparaitre certaines dissensions entre les USA et l’Union Européenne… et bien il était temps ! Tout a commencé avec l’alerte donnée par des euro-députés qui avaient demandé à ce que le détail des négociations soit rendu public. On se souvient d’un vote très consensuel : 633 voix contre 13 se sont exprimées pour que le contenu du traité soit rendu public. Le commissaire européen au Commerce, Karel de Gucht avait fait le dos rond avançant un argument assez fallacieux : « Nous négocions cet accord pour améliorer la protection de l’innovation, pour protéger notre économie ». Argument fallacieux vous disais-je car j’ai franchement du mal à comprendre ce qui menace notre économie et comme beaucoup, je commence à être blasé de ce discours qui tend à dire qu’Internet va détruire toute notre économie. Dans quelques années, nous enfants riront de nous et observeront le produit d’une lapalissade que certains s’obstinent à nier : Internet sur l’économie, c’est un peu comme la loi de Lavoisier « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Certes, Internet va profondément modifier notre tissu économique, c’est inéluctable, et lutter contre serait une erreur magistrale. Opposer à la révolution informationnelle des mesures protectionnistes anachroniques, c’est signer notre arrêt de mort. La cible de l’ACTA, la contrefaçon, sur Internet, c’est l’échange de fichiers. En plus de 10 ans d’immobilisme des professions concernées, cette pratique est devenu un usage. Lutter contre des usages est en soi un peu idiot, mais dans ce cas précis, c’est surtout dangereux. ACTA prévoit par exemple un renforcement de la responsabilité des opérateurs de services qui remet directement en question notre LCEN et qui rend un fournisseur d’accès responsable des contenus qui transitent sur son réseau. Un risque de dérive aboutissant sur une entrave à la liberté d’expression et à des atteintes à la vie privée des citoyens européens serait une conséquence logique de l’ACTA. Un peu comme si on décrétait que la Poste était condamnable parce qu’un copain barbu vous a envoyé de l’antrax au bureau pour votre anniversaire.

Aujourd’hui c’est le gouvernement Néerlandais en la personne de la ministre des affaires économiques, Maria van der Hoeven et de Ernst Hirsch Ballin, ministre de la justice, qui demandait la plus grande transparence sur les négociations et exprimait son opposion à toute modification du droit européen qui pourrait résulter de cet accord. C’est plein de bon sens, certes, mais ça dénote quand même pas mal avec le rapport Gallo. La position du gouvernement néerlandais s’oppose directement aux velléités de riposte graduée à la française et avec la ligne dure que défend le rapport Gallo. Les Pays-Bas rejoignent ainsi l’Allemagne et la Suède dans la liste des pays qui affichent les plus grandes réserves sur ce traité.

ACTA inquiète de plus en plus l’Union Européenne. Numerama, prudent sur la question, parlait de divergences et revenait sur l’éviction de Luc Devigne, négociateur européen, que nous explique ici Astrid Girardeau. Il y a quelque jours, la Quadrature du Net publiait une version consolidée du traité qui serait le texte intégral, résultant des négociations de Lucerne. Un texte qui et consacre la responsabilité des opérateurs de services, principalement les fournisseurs d’accès Internet. La commission LIBE de l’Union Européenne levait alors un loup : « les fournisseurs d’accès à Internet doivent-ils être tenus responsables des actions commises par leurs clients et sont-ils obligés d’appliquer un filtrage du trafic sur leur réseau ? Dans ce cas-là, on pourrait arriver à des problèmes de violation de la liberté d’expression et de la vie privée ». Or, on le sait, le mélange des genres douteux qui pourrait conduire des fournisseurs d’accès, déjà fournisseurs de contenus, à se doter d’outils qui présentent un risque important pour la vie privée des abonnés et pour la neutralité du Net, serait une erreur stratégique lourde de conséquence que nous avions ensemble assez longuement évoqué ici.

Toujours issu du round de négociations de Lucerne, Marc Rees évoque une sacralisation des DRM (Digital Right Management), véritables verrous numériques… vous savez le truc qui vous fait que vous téléchargez systématiquement en P2P les MP3 des CD que vous achetez pour être en mesure de les écouter dans votre voiture, sur votre baladeur ou sur votre ordinateur.  Et là c’est le drame ! Un peu comme si on avait l’impression d’avoir déjà vécu ça par chez nous… c’est pas comme si on avait pas expérimenté le DADVSI. On sait que ça ne fonctionne pas (à un point tel qu’on attend toujours les études d’impact que nous avait en son temps promis le gouvernement), à ce jour, on ne connait toujours pas de cas de condamnation d’un Internaute pour avoir contourné un DRM. Puis quand on y regarde à deux fois, un Internaute qui contourne un DRM, c’est un internaute qui a acheté un disque (une espèce en voie d’extinction) et qui cherche à le lire.  Le contournement de DRM est un usage, en fait une réponse adaptée à une mesure protectionniste stupide.

Le prochain round des négociations de l’ACTA est attendu pour cet été à Washington.

Muriel Marland-Militello sur la liberté de la presse : et si ce n’était qu’un petit avant-goût de Christian Estrosi ?

Je viens de me farcir les 3 derniers billets de la député Muriel Marland-Militello. Je ne m’attendais certes pas à passer un bon moment… et bien j’ai été servi, j’ai aussi lu son droit de réponse qui me convient très moyennement, encore une fois, on tente de vous faire gober que c’est pour vous protéger vous, citoyens, alors que comme pour le droit à l’oubli, ceci n’est sensé protéger que quelques puissants, certainement pas le citoyen lambda. Fidèle à la position des anciens combattants de la guerre 3615, c’est bien une nouvelle attaque dans les règles à la liberté d’expression et surtout à la liberté de la presse à laquelle nous assistons, même si celle ci est très subtile. Si vous ne situez pas la madame, sachez que c’est elle qui avait marqué une distinction assez mémorable entre les internautes et les citoyens (comprenez que vous là, les internautes vous n’êtes pas des citoyens et que votre carte d’électeur est certainement pixellisée elle aussi… D’ailleurs, il est communément admis qu’en tant qu’internaute vous êtes sûrement plus zoophile que citoyen… je sais pas pour vous, mais moi je suis toujours scié de lire qu’il y  a de plus en plus en plus de pédo-nazi-zoophiles sur le Net et je ne comprends pas comment ces gens arrivent à tomber là dessus sans chercher ces contenus). En outre, ayant déjà pu constater de visu le gout prononcé de la député Militello pour la censure bête et méchante sur son blog, je ne perdrai pas de temps à aller le commenter pour me faire traiter d’anonyme couard, j’utiliserai donc en tout logique ma propre tribune.

Nous avons été gâtés cette année en matière de propositions stupides, un vrai feu d’artifice. Entre Jaques Myard qui veut nationaliser l’Internet, le sénateur Masson qui voudrait que les internautes s’authentifient sur le Net via un passeport électronique biométrique alors qu’il est lui même un spécialiste de l’anonymat condamnable et condamné par la justice, la vaste escroquerie du droit à l’oubli (qui pour le coup arrangerait bien le sénateur Masson), et maintenant Muriel Marland-Militello qui s’agace que la presse fasse son travail, tout émue qu’elle est que l’on s’attaque à ses copains Johnny Hallyday et Eric Woerth.

2010 c’est du super lourd en terme de tentatives de piétinement des libertés fondamentales. Bon il faut dire que la député Marland-Militello semblait s’ennuyer ferme, à un point tel qu’elle en est même venue à parler foot. Elle a donc décidé il y a une dizaine de jours de déposer une proposition de résolution sur la liberté de la presse. Tout de suite, ça commence assez fort à l’exposé des motivations : Johnny, et de manière plus discrète, l’affaire Eric Woerth. Et la député de la seconde circonscription de Nice met les pieds dans le plat en comparant sans la comparer, l’affaire Woerth à celle de la publication par l’Express de données soumises au secret médical (celles de Johnny Hallyday). Muriel Marland Militello s’était émue de cette publication mais ceci n’avait pas suffit à motiver une action parlementaire.

C’est bien l’affaire Woerth qui motive cette action. C’est pourtant franchement différent, le secret médical n’est pas ici violé, le ministre et sa femme occupe des fonctions qui dans le cadre de l’affaire Bettencourt peuvent soulever pas mal d’interrogations et j’ai le sentiment que la presse fait ici correctement son travail, sans attenter à la vie privée du ministre. Si Mme Woerth avait été kinésithérapeute, le mélange des genres subodoré par la presse aurait surement été moindre. Puis voilà que des témoignages des protagonistes de l’affaire enfoncent un peu plus le ministre

Dans le 3e et dernier billet, c’est plutôt ambiance cour de récréation : Muriel Marland Militello racle les fonds de tiroirs pour décocher une quiche à Christian Vanneste qui avait réagi à sa proposition : « Ainsi la presse est tout à fait nécessaire par exemple pour rapporter des propos d’un élu tenus publiquement même s’ils sont profondément choquants et condamnés par la suite par la justice ». Si vous n’avez pas compris l’allusion, peut être s’agissait-il de ceci. En fera t-elle de même avec Frédéric Mitterrand en le renvoyant sur un ring de boxe Thai ? Ici, on apprendra rien de plus, sinon que Muriel Marland-Militello réaffirme son attachement à la liberté de la presse. Oui enfin il y a liberté et liberté, et ayant déjà opposé ma notion de la liberté d’expression à celle de Muriel Marland-Militello, je vais conserver la mienne…

Alors y’a quoi dans ce machin ?

Dans l’exposé des motifs, on assiste à un rappel sur le fait qu’il s’agit d’une liberté fondamentale, juste au cas où vous étiez distrait. On assiste par la suite à un exposé cohérent, jusqu’à un truc qui me fait un peu plus tiquer : « Enfin le non-respect envers ces secrets par certains journalistes est incohérent avec l’attachement légitime de tous les journalistes au secret de leurs sources d’informations, secret récemment consacré par la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes. » Donc si ça fonctionne bien dans les deux sens selon le principe d’égalité devant la loi, les « sources » balancées à la police par des journalistes du service public ne seraient pas justiciables… tien tien… la suite risque d’être intéressante.

Attaquons le plat de résistance :

Vu la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, et notamment son article 12 qui énonce que « nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes » ;

Et hop, voila, « gogogadéto c’est pour votre sécurité », c’est la formule communément admise quand on cherche à restreindre vos libertés… on commence à les voir venir de loin celles-ci. On aurait aimé voir la député Marland Militello s’élever avec tant d’ardeur quand Jérôme Bourreau-Guggenheim s’est fait virer de TF1 de manière particulièrement abjecte, sur ordre du ministère de la culture, pour avoir exprimé ses opinions anti HADOPI savament argumentées, et dans un cadre strictement privé (désolé Jérôme, c’est ça d’être un internaute … tu n’es pas un citoyen. Eric Woerth et Johnny Hallyday sont plus citoyens que toi)… et que sa procédure a été classée sans suite. Cet exemple ne fait que confirmer cette tendance particulièrement énervante à faire passer des lois privatrices de libertés principalement destinées à des « gens plus égaux que les autres ». Ça devient vraiment énervant et là je pèse mes mots mais je risque bien de vous la faire version hardcore un de ces quatre matins… en vous racontant ce que je pense des tests ADN pour un vol de scooter , des histoires ministérielles auvergnates ou des relents de racisme ordinaire sur une plateforme super sociale dont l’UMP aurait demandé la fermeture s’il n’en était pas l’éditeur… et oui, l’Égalité aussi, inscrite dans notre constitution, c’est surtout un produit d’exportation. Quand c’est une valeur de la République qu’on piétine, ça va, c’est quand on piétine plusieurs qu’il y a des problèmes …

Ce qui nous amène directement aux considérants 3,4,5 et 6 qui sont le corps même de la proposition :

3. Considère que la divulgation non autorisée dans la presse d’informations relevant du domaine de la vie privée ou couvertes par un secret professionnel, et en particulier par le secret médical, porte une atteinte inacceptable aux droits et libertés fondamentales de la personne qui en est victime ;

4. Affirme que le « droit d’informer » doit se fonder sur une information obtenue de manière légale, loyale, et qu’elle doit être exacte, objective, pertinente et répondant aux exigences fixées par la loi et la jurisprudence ;

5. Que toute violation de ces principes est inacceptable et doit être condamnée, à commencer par les journalistes eux-mêmes afin de sauvegarder leur déontologie ;

6. Appelle la profession des journalistes et tous les médias à respecter à chaque instant la Charte de Munich, portant déclaration des devoirs et des droits des journalistes.

  • Le 3e point soulève une question sur la définition de la sphère privée d’une personne publique, ce n’est pas toujours évident de distinguer ce qui relève du public ou du privé, l’affaire Woerth en est une belle illustration.
  • Le 4e, lui, me fait penser qu’il transpire un peu le troll velu du vendredi nous allons l’illustrer comme suit : « Bonjour je suis journaliste pour les Infiltrés, je ne vais pas vous arrêter par contre je vais vous balancer à la police une fois que vous aurez fait péter les scores de mon audience… mais pour l’instant lâches mon slip » : là on est dans le domaine du loyal non ? Est-ce pour autant acceptable ?
  • Le 5e considérant me gêne particulièrement à cause du 3e : on parle de condamner l’exercice d’une liberté fondamentale en se basant sur des contours particulièrement subjectifs, ou qui le sont assez pour suffir à museler la presse par peur de la condamnation pour cause de vents contraires.
  • Le 6e et dernier considérant appelle à respecter la charte de Munich, rien à redire la dessus, si ce n’est que c’est une charte et non une loi avec son cortège de décrets d’application et sa jurisprudence et qu’il est donc très facile d’opposer le concept de vérité à un autre concept de droit assez généraliste pour que celui-ci devienne caduque

Il y a ensuite une dernière chose qui m’embarrasse quand je vois monter Muriel Marland-Militello au créneau pour placer un pion sur l’échiquier de nos libertés. La député Marland-Militello est une proche du ministre de l’industrie, Christian Estrosi, et j’ai très peur qu’Internet écope de ce dernier en Ministre, à la place de NKM. Il va donc de soi que je regarde avec un oeil très méfiant les errements de son entourage direct à propos du Net et de la liberté d’expression en général. Bref ces grandes manoeuvres commencent à sentir le remaniement ministériel estival, et le petit truc à faire en douce pendant que les internautes sont en vacances, c’est bien de placer Internet sous la coupelle du Ministre de l’Industrie, un fidèle porte-flingue de Nicolas Sarkozy.

ACTA : des soutiens bidonnés d’artistes ? … encore ?

Le rapport Gallo présenté le premier juin dernier et proposant de soutenir la branche la plus dure des positions proposée dans l’ACTA, (un accord commercial multilatéral visant à lutter contre la contrefaçon sur Internet) vient de trouver de bien curieux soutiens. Outre le fait que je ne connaisse pas 10% des artistes français de cette liste (il doit y avoir des gens qui tentent de télécharger du Arielle Dombasle sur Emule et qui sont à 3% du download avec 0 seeder depuis 2002), PCInpact met le doigt sur le cas de Michel Sardou qui s’exprimait récemment sur RTL à propos d’HADOPI. Il y affirmait qu’il était un grand pirate ans l’âme : « Je suis un pirate […] faut pas m’faire chier ! ». Du coup on doute un peu du soutien que ce dernier porte au rapport Gallo.

On se souvient aussi très bien du site j’aimelesartistes.fr qui affichait des soutiens imaginaires, comme celui du groupe Indochine. Pcinpact rappelle aussi le travail réalisé par la Quadrature du Net qui avait épluché cette liste de 10 000 artistes qui contenait même des personnages de science fiction !

De là à dire que nous sommes en face d’un petit bidonnage de plus… S’il ne s’agit pas d’un bidonnage, je m’interroge sur le nombre des artistes qui ont vraiment lu le rapport Gallo avant d’afficher leur soutien à un texte ultra répressif bafouant un peu plus les libertés fondamentales.

EDIT : On vient de me signaler que l’un des signataires, Lola Beris (Vox Angeli) est âgée de 13 ans! Du coup on comprend mal l’absence sur cette liste des Lapins Crétins ou de René la Taupe.

Des hacktivistes fakent le site gouvernemental diplomatie.gouv.fr

La blague est probablement d’origine québécoise, mais elle n’est pas vraiment au gout du Quai d’Orsay qui dénonce le faux. Il s’agit d’un typo squatting, un domaine très proche de celui du site officiel (deux caractères en moins), le site Diplomatiegov.fr annonce dans une vidéo que la France va rembourser une dette de 17 milliards de dollars à Haiti. Ça ressemble assez au canulard des Yes Men pendant le sommet de Copenhague.

Clubic met en perspective de ce typo squatting le terme de « Hacking » qui ne correspond à mon sens pas du tout à la réalité. Clubic revient sur l’intrusion qu’a subi le Quai d’Orsay en 2005 en la comparant un peu maladroitement à cette parodie. Ici pas d’intrusion , pas d’atteinte au système de traitement de données informatisées, tout au pire, une contrefaçon avec intention de tromper (et encore même ça c’est discutable vu le charmant filet d’accent présumé québécois de la personne sur la vidéo).

Bref ces deux événements n’ont vraiment rien à voir si ce n’est l’institution visée, le site diplomatiegouv.fr ne s’est pas rendu coupable de négligence caractérisée, il peut donc dormir sur ses deux oreilles, la HADOPI ne le coupera pas.

Ventes de disques en chute libre pour juin 2010

Numerama revenait hier sur le plongeon qu’accusent les ventes de disques en juin 2010 : les ventes dans les Grandes Surfaces Spécialisées (GSS) dégringolent très nettement, avec un recul de 20 % en volume et -17,7 % en valeur. Il faut mettre en perspective cette superbe dégringolade avec la croissance des ventes sur les plates-formes légales de téléchargement. Mais manque de bol, même Internet fléchit et accuse une baisse de 3 % en volume et 3,7 % en valeur.

Ces chiffres contrastent fortement avec les gargarismes de Pascal Nègre qui jubilait en martelant qu’HADOPI allait avoir un effet positif très perceptible sur les ventes de galettes en phtalocyanine. Le président d’Universal nous expliquait même que les réseaux sociaux serviraient de support pour diffuser la terreur que tout internaute se doit de ressentir à la réception d’un email de la HADOPI.

En toute logique, HADOPI 3 nous réserve l’institution d’une taxe sur les fournisseurs d’accès que la commission Zelnik se refusait d’envisager, ainsi qu’une hausse de la taxe sur la copie privée (vous savez, cette taxe qui taxe un truc interdit …). Tout ceci était dramatiquement prévisible et les majors ont réussi un tour de force en terme de manipulation des politiques. Les politiques (une poignée d’entre eux) ont été assez crétins pour envisager qu’Internet était la cause de tous les maux. Au lieu de s’orienter vers des solutions dictées par la raison, le législateur s’est entêté dans une logique de protectionnisme, tournant le dos au principe du fair use et tendant à instaurer un dictat du copyright, bien en phase avec l’ACTA.

Aujourd’hui, force est de constater que les ayants-droit ont mentis aux politiques, la Cour des Comptes américaine commence d’ailleurs à s’intéresser aux chiffres gonflés du piratage. En France, point encore de tel scandale, et on se souvient pourtant de Christine Albanel en train de marteler que la France était championne du monde du piratage (une albânerie de plus). Non seulement HADOPI à l’effet d’un moustique s’écrasant sur la coque d’un porte-avion, mais les mensonges des lobbys de la culture de masse commencent à se voir, et ça à terme, ça signe l’arrêt de mort des perfusions institutionnalisées.

Le constat pour les artistes risque d’être amer, car on peut se demander qui mène qui par le bout du nez. Les politiques ne seraient-ils tout simplement pas servis d’eux pour imposer des restrictions importantes sur les libertés des internautes et commencer à imposer une surveillance généralisée du Net ? Une fois que la boite à outil technique et juridique de l’Etat sera prête, ces derniers seront les grands oubliés, et ils auront réussi le tour de force de passer complètement à côté d’une juste rémunération que proposait la licence globale.

ACTA : une bataille gagnable

Et si tout basculait grâce à 5 gus dans un garage ? Et si l’Union Européenne était finalement capable de dire non ? La Déclaration 12 voit son échéance repoussée au 9 septembre 2010. Du temps supplémentaire afin de recueillir le nombre de signatures nécessaires soit 369 pour faire de la Déclaration 12, une déclaration officielle du Parlement Européen. La prochaine plénière de septembre sera donc décisive, mais on peut considérer que c’est plutôt très bien parti. Ces signatures de membres du Parlement Européen appuient la Déclaration 12 qui incite à plus de transparence et qui rappelle subtilement certaines libertés fondamentales sur lesquelles l’Union Européenne doit montrer une vigilance extrème et sur des points aussi cruciaux que la responsabilité des fournisseurs d’accès Internet, la liberté d’expression, l’innovation, la procédure judiciaire… elle ne devrait pas avoir à transiger.

Jeudi dernier à l’issue de la session parlementaire, Numerama rapportait qu’il ne manquait que 16 signatures pour atteindre les 369 nécessaires. Si cette déclaration s’officialisait, elle jetterai comme un froid sur cet accord commercial multilatéral à l’initiative de lobbys des industries culturelles. Portée depuis début mars par les eurodéputés Françoise Castex (S&D, FR), Alexander Alvaro (ALDE, DE), Stavros Lambrinidis (S&D, GR) et Zuzana Roithová (EPP, CZ), la Déclaration écrite n°12, résolument anti ACTA, pourrait faire date et redevenir ACTA comme un texte du passé. L’Union Européenne pourrait alors construire un cadre moins anachronique.

La déclaration n°12, même dénuée de valeur juridique, porte sur 7 points qui sont une attaque à visage découvert d’ACTA et qui ne sont pourtant que des rappels de principes généraux adoptés par l’Union Européenne et qu’elle est donc sensée défendre :

A. considérant les négociations en cours concernant l’accord commercial anti-contrefaçon (ACAC),

B. considérant que le rôle de codécision du Parlement européen en matière commerciale et son accès aux documents de négociation sont garantis par le traité de Lisbonne,

1. considère que l’accord proposé ne doit pas imposer indirectement l’harmonisation de la législation européenne sur le droit d’auteur, les brevets ou les marques et qu’il convient de respecter le principe de subsidiarité;
2. déclare que la Commission devrait immédiatement mettre à la disposition du public tous les documents relatifs aux négociations en cours;
3. estime que l’accord proposé ne doit pas imposer de restrictions à la procédure judiciaire ni affaiblir les droits fondamentaux tels que la liberté d’expression et le droit au respect de la vie privée;
4. souligne qu’une évaluation des risques économiques et d’innovation doit précéder l’introduction de sanctions pénales dans les cas où des mesures civiles sont déjà instaurées;
5. considère que les fournisseurs de services internet ne doivent pas être tenus responsables des données qu’ils transmettent ou hébergent par l’intermédiaire de leurs services dans une mesure qui impliquerait une surveillance préalable ou le filtrage de ces données;
6. signale que toute mesure visant à renforcer les compétences en termes de contrôle transfrontalier et de saisies de marchandises ne peut porter atteinte à l’accès à des médicaments légaux, abordables et sûrs à l’échelle mondiale;
7. charge son Président de transmettre la présente déclaration, accompagnée du nom des signataires, au Conseil et à la Commission, ainsi qu’aux parlements des États membres.

Il faut mettre en perspective cette déclaration en pleine période de vote du rapport Gallo qui fait bien tâche à côté de cette déclaration en affichant des recommandations pro HADOPI et acquises à la défense d’un copyright de manière aussi aveugle que dangereuse. Récemment repoussé pour la rentrée le rapport Gallo s’attaque à la responsabilité des FAI sur les contenus qui transitent sur leur réseau et dissimule mal ses multiples atteintes à la neutralité du net.