Pourquoi et comment les clients victimes de la boulette du Crédit Lyonnais pourraient être poursuivis par leur banque… et condamnés ?

Il y a des actualités comme ça qui font sourire, puis méditer. Les clients du Crédit Lyonnais utilisant l’application mobile ont eu la surprise d’accéder à des comptes qui n’étaient pas les leurs. Au moment où ces lignes sont écrites, on ne sait pas si l’incident est circonscrit à l’application ou s’il a impacté l’ensemble du service en ligne, la communication de la banque étant, comme il est de rigueur dans cette situation, la plus succinctement embarrassée possible.

Très rapidement, sur les réseaux sociaux, dont Twitter où j’ai découvert cette information, la nouvelle fait le tour du Net… les témoignages de clients du Crédit Lyonnais, pour le moins surpris, se multiplient. On rigole bien puisque l’impact d’une telle boulette demeure théoriquement limité, attendu qu’on ne peut pas faire un virement sans qu’une autre vérification que cette authentification « par erreur » sur le compte d’un tiers soit réalisée (par l’entremise d’un smartphone ou par le biais d’un autre dispositif… bref une authentification à facteurs multiples est nécessaire si vous voulez transférer des fonds, il me semble bien qu’il s’agit d’une norme bancaire de nos jours, mais je suis loin d’être un spécialiste du sujet).

On sent que la soirée va être longue, on peut sentir l’odeur de la sueur sous les aisselles de l’admin ou du développeur responsable du déploiement en production qui a mené à cet incident, on se prépare un énorme bucket de popcorn et on attend donc avec l’impatience d’un enfant de 6 ans devant un sapin le 24 décembre, que le Crédit Lyonnais communique.

Dramatiquement prévisible, ce communiqué tombe très, trop rapidement. Il est notamment relayé sur Twitter par BFM Business qui le relaie probablement lui aussi très… trop rapidement. Il minimise tant que faire se peut la portée de l’incident en assurant qu’il n’a concerné que quelques centaines de clients, une information invérifiable pour le moment. Le communiqué nous apporte une information plus suspecte, le Crédit Lyonnais assure qu’aucune donnée n’était nominative. En clair que les personnes qui ont accédé à des comptes qui n’étaient pas les leurs ne peuvent en aucun cas identifier les propriétaires légitimes de ces comptes. N’étant moi-même pas client de cette banque, je ne vais pas m’aventurer à expliquer qu’il doit probablement y avoir un moyen de lever cet anonymat relatif, mais des témoignages, toujours sur les réseaux sociaux semblent indiquer le contraire. Peut-être pas simplement pour le propriétaire du compte courant (et des comptes épargne … vous me voyez venir), mais probablement plus simplement pour les bénéficiaires de virements, qu’il faut généralement déclarer et autoriser de manière formelle.

Là où l’histoire devient moins drôle maintenant, c’est que selon l’arrêt de la cours d’appel de Paris du 5 février 2014, dit « Affaire Bluetouff », les clients du Crédit Lyonnais qui ont accédé à des comptes qui n’étaient pas les leurs, et qui se sont baladés sur l’application après avoir compris qu’il y avait quelque chose d’anormal, qui se sont rendus sur ces pages de comptes épargne par exemple, ou pire qui ont exporté des données bancaires en PDF qui n’étaient pas les leurs… se sont rendus coupables de maintien frauduleux dans un système d’information, et en cas d’export de ces données… de vol de données, données fixées sur plusieurs supports dont certains librement accessibles au public, c’est à dire de diffusion de ces données à caractère personnel !

J’invite maintenant tous les juristes qui ont largement commenté cet arrêt avec des analogies foireuses de maison avec des fenêtres, des murs et d’autres bidules dedans, à méditer l’impact de ce même arrêt avec ce cas bien concret…

À votre avis, si le Crédit Lyonnais venait à déposer une plainte contre x, qu’arriverait-il aux clients à la fois victimes et coupables qui :

  • ont accédé sans intrusion à un STAD en pensant accéder à leur espace ;
  • se sont maintenus frauduleusement sur des comptes qu’ils savaient ne pas être les leurs ;
  • ont volé des données en les exportant ou en prenant des captures d’écran qu’ils ont ensuite diffusé publiquement (même caviardées) ;
  • ont donné l’alerte sur les réseaux sociaux… ?

Question subsidiaire : que risque le Crédit Lyonnais (en vrai) ?

Bisous et bonne nuit.

/b/

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