Droit à l’oubli numérique : pourquoi c’est crétin ?

Attention, malgré un titre provocateur, ma position sur ce point est loin d’être tranchée, je ne nie pas qu’il existe des cas dramatiques, en revanche je trouve stupide de légiférer sur ce qui est techniquement absurde et dangereux (notre corpus législatif est déjà suffisant pour répondre aux problématiques de retraits de contenus diffamatoires ou portant atteinte à la personne). Je réagis à un tweet de @versac signalant qu’une consultation est actuellement en cours sur ce thème et dénonçant par là les « sécuricistes » … point sur lequel je le rejoins parfaitement, et voici pourquoi :

Primo, la problématique :

Oui certaines personnes, peu éduquées numériquement ont à souffrir de ce que la tendance marketing actuelle appelle la e-réputation. Il y a même des cas dramatiques (Cyndy Sanders si tu me lis…). Pour les gens comme tout le monde (… tout le monde n’a pas le don d’un Frédéric Lefèbvre pour se faire détester des internautes) tout commence par une confiance excessive sur les informations qu’ils diffusent sur le Net via des blogs, des réseaux sociaux ou autres. L’information peut être reprise, déformée et rediffusée… comme dans la vraie vie. Il y a bien des cas dramatiques qui existent, par exemple des mineurs s’exhibant devant des webcams et se retrouvant sur des sites malsains, mais là encore il s’agit d’un manque véritable d’éducation et les parents en sont au moins aussi responsables que les victimes elles mêmes.

De nombreuses questions autour de ce fumeux concept de droit à l’oubli :

  • Que sommes nous prêts à accepter pour pardonner la bêtise des uns et le manque d’éducation des autres ?
  • Comment faire pour sortir des informations qui sont entrées dans le réseau ?
  • Combien cela couterait-il ?
  • Qui appliquerait un blocage (les FAI ?) ou ferait appliquer un retrait de contenu ?
  • On le ferait sur demande de n’importe qui ou faudrait il que ce soit un juge qui ordonne pour un motif constitué légalement le droit à l’exercice de cette demande d’oubli ?
  • Est-ce que ça ne risque pas de nuire à des choses bien utiles comme le site Archive.org qui s’est donné pour mission d’être la mémoire du web ?

En pratique, faire retirer un contenu peut être envisagé comme la solution … sauf que le réseau des réseaux ne connaissant pas de frontière, l’information est répliquée et rediffusée hors de nos juridictions, elle est dans le cache des moteurs de recherche, sur les disques durs des gens qui l’ont visionné …. En soi, l’oubli sur Internet n’est donc techniquement pas possible, il est même complètement absurde. N’importe qui pourra l’archiver une information et la rediffuser des années après. On dit que les français n’ont pas de mémoire, c’est peut être aussi pour ça que le Net  un rôle sociétal à jouer.

Il m’est avi que ce droit à l’oubli est illusoir, c’est tout ce qu’un certain bisounours hémiplégique (Emmanuel Hoog, si vous ne voyez pas de qui je parle) a trouvé pour faire parler de lui … et il a réussit son coup. A quand une consultation publique sur l’engagement de l’Etat dans le déploiement d’un réseau fibré gigabit accessible aux particuliers (comme c’est déjà le cas en Corée du Sud) ?

Pour citer un ami qui se reconnaitra, « La France n’a pas les tuyaux de ses ambitions« , elle a en ce moment en revanche un faculté hallucinante à légiférer sur des âneries.

En complément d’information, je vous invite à lire le savant billet de Denis Ettighoffer avec lequel je me suis pourtant souvent opposé à l’époque où je n’étais qu’étudiant à l’ISTEC 😉

PS : Denis, je suis ravis de constater que vos positions sur le monde du logiciel libre ont évolué 😉

4 réponses sur “Droit à l’oubli numérique : pourquoi c’est crétin ?”

  1. Je trouve que ce concept a un danger assez important sur le mélange vie privée et vie publique.

    Ainsi, j'ai bien peur que des personnes politiques souhaitent faire disparaitre ce qui est considéré comme appartenant à la vie publique (des discours, des évènements comme le karcher de notre président …). Cet argument du droit à l'oubli, serait ainsi utilisé comme un droit à l'erreur.

    Cependant, n'est il pas dangereux que des personnes puissent modifier ce qui sert de mémoire (politique et sociale) sur leurs discours et actions antérieures ?

    Je me pose concrètement la question, même s'il me semble aussi important que le droit à l'oubli existe pour des affaires de vie privée.

  2. Hello Vincent,

    J'abonde évidemment dans ton sens, il serait trop facile pour un "puissant" d'accéder à un nouveau droit alors que les moins puissants, souvent pour des cas plus graves n'y accèdent que très difficilement.
    Par delà les aspects techniques qui sont en soi une atteinte à ce que le Net est, je t'invite à lire ce billet très bien écrit : http://www.spintank.fr/une-e-reputation-ca-ne-se-

  3. Bonjour,

    Juste deux éléments pour alimenter votre réflexion :
    – Le nouveau projet de réglement européen qui va remplacer la directive relative à la protection des données personnelles change la donne : il impose à l’organisation qui a rendu publique les données de prendre les mesures nécessaire pour faire supprimer les reproductions ayant été réalisées.
    – Voici le futur article 17 (dont la rédaction sera probablement encore modifiée avant son adoption ) : « [The organization that made the data public] shall take all reasonable steps, including technical measures (…), to inform third parties which are processing such data, that a data subject requests them to erase any links to, or copy or replication of that personal data. Where the controller has authorised a third party publication of personal data, the controller shall be considered responsible for that publication » (voir le commentaire http://www.donneespersonnelles.fr/6-things-you-need-to-know-about-the-new-eu-privacy-framework).

    En fait le risque que vous soulevez de dupicata des données sur des « scapers » (MFA généralement) est transféré aux entreprises qui gèrent les données personnelles. Cela risque de ne pas être toujours très simple…

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