ACTA : vers un Yalta de l’Internet ?

Alors qu’une poignée de politiques à travers le monde commencent à s’inquiéter de l’ACTA, cet accord commercial multilatéral de libre échange négocié secrètement, les pays, concernés ou pas (tous le seront à terme et nous allons ici le démontrer), commencent à prendre des mesures pour appréhender ce qui était jusqu’à aujourd’hui un espace virtuel d’exercice de ses libertés pas virtuelles du tout (nous avons, en France, une décision du Conseil Constitutionnel pour en attester).

Rappelons que l’ACTA vise à lutter au niveau mondial contre les échanges de fichiers soumis à copyright. L’ACTA est évidemment porté par les USA, forts de leur industrie culturelle et de la toute puissante RIAA dont on reconnait la griffe. La position des Etats-Unis est assez claire : elle souhaite mettre un terme aux échanges peer to peer (et pas seulement), mettre en place des dispositifs de filtrage (chose qu’elle ne peut pas faire de manière unilatérale à cause de la nature acentrée du réseau Internet), créer des officines privées sur le modèle HADOPI pour la mise en place d’une riposte graduée globale sans avoir à passer par un juge.

La lutte contre la contrefaçon numérique est elle vraiment nécessaire ?

Je sens que certains vont me trouver un peu gonflé, mais bon lâchons nous, vous allez voir c’est une question de point de vue. Si la contrefaçon numérique est inscrite dans le corpus législatif de nombreuses nation, ce n’est pas le fruit du hasard. On a toujours transposé au virtuel ce qui existait dans le réel, rien d’étonnant donc à voir apparaître des lois qui tendent à protéger ici le copyright ou là le droit d’auteur.

Depuis l’apparition de Napster, il est apparu comme une évidence que l’Internet était une énorme machine à copier. Sans contrainte, sans verrou, elle permet de faire des copies immatérielles à l’identique d’un bien culturel. La première réaction des industries a donc été de tenter de poser des verrous, d’abord avec les formats (toutes les tentatives ont été des flops retentissants : Real, Microsoft WMA/WMV/ASF, Sony …;  ensuite avec les DRM. Ceci aurait très bien pu fonctionner si la cupidité des uns et des autres ne les avait pas mener à tenter d’imposer chacun leur pseudos « standard » non intéropérables. On peut appeler cette période l’an 2 de l’Internet : celle où les industries ont tenté, par la technique, d’imposer au Net de la fermeture après plusieurs années d’ouverture. C’était évidemment voué à l’échec, quand on propose à un internaute de payer 20 euros un bout de plastique qu’il ne peut même pas lire dans sa voiture ou sur son ordinateur, à l’époque où les chaînes hi-fi son une espèce en voie de disparition, n’était pas une idée lumineuse. L’industrie a donc du faire marche arrière sur les DRM, avec les formats, c’est son second échec… les deux sur des mesures purement techniques.

Le téléchargement c’est tout sauf du vol

Un vol entend une soustraction, dans le cadre d’un échange sur Internet, le bien, dématérialisé, est dupliqué, et non soustrait. Ce fait, à lui seul, tend à démonter tout « vol », il n’y a pas soustraction, mais multiplication. Mais approfondissons un peu… Le droit d’auteur (et non le copyright, même si depuis la Convention de Bernes, les frontières entre droit d’auteur et copyright tendent à s’estomper), dit imprescriptible et inaliénable, se compose d’un droit dit moral (c’est lui qui est imprescriptible et inaliénable) et de droits dits patrimoniaux. Pour faire simple (mes compétences juridiques sont très limitées), le droit moral assure à l’auteur la reconnaissance de la paternité de l’œuvre tandis que les droits patrimoniaux font directement référence à son exploitation commerciale. Dans le cadre de la propriété littéraire et artistique, nous ajouterons à ceci les droits voisins qui couvrent les droits des interprètes et des producteurs et afférent également à l’exploitation de l’œuvre.

Un téléchargement (une copie) n’est pas une expropriation, l’auteur conserve la jouissance pleine et entière de ses droits moraux. Preuve de la cupidité et surtout du misérabilisme assistanat auquel certaines industries culturelles sont habituées, la France a officialisé fiscalement le « droit à la copie privée » en instituant une taxe sur les supports vierges. Attention cependant, la copie privée est une exception au droit d’auteur et comme toute exception, elle n’a pas pour vocation à devenir la règle. Seul problème, sur les plusieurs centaines de millions d’euros perçues, les artistes n’en ont pas vu la queue d’un.

Jusque là, les aspects juridiques n’avaient servi qu’à une chose : protéger les mesures techniques… et jusque là … c’est un FAIL sur toute la ligne. Il faut donc changer de stratégie.

ACTA : an 3 de l’Internet sale

Avec l’ACTA, on rentre dans l’an 3 de cette guerre perdue d’avance. On passe d’une stratégie globale que l’on appliquait aux fabricants, à une stratégie globale applicable localement par des états souverains en brandissant le bâton des mesures de rétorsion économique… ce qu’on appelle pudiquement le libre échange en économie. C’est malin, mais là encore ce ne sera pas suffisant. Le document de travail publié par La Quadrature du Net montre que le Japon et et les USA sont les deux locomotives de ce projet et n’hésitent pas à faire pression sur les Etats pour rendre les fournisseurs d’accès responsables de ce qui transite sur le réseau, portant ainsi un coup fatal à la neutralité du Net, principe fondateur du réseau qui s’il venait à être remis en cause modifierait profondément la nature de l’Internet tel que nous les connaissons. Je vous invite à écouter, une fois de plus, la définition que Benjamin Bayart donne de la neutralité du Net avec des mots intelligibles par tous.

  • A la question « Sommes nous capables de poser un dôme opaque sur un pays car le soleil est une concurrence déloyale aux producteurs d’électricité » … la France dit OUI … c’est notre exception culturelle à nous, les « créateurs de possible ».
  • A la question « Pouvons nous poser un dôme opaque sur plusieurs pays ? », la réponse est oui
  • A la question « Pourrons nous quand même voir le soleil malgré le dôme ? », la réponse est oui
  • A la question « Pouvons nous créer un réseau alternatif et délaisser un Internet non neutre au profit d’un réseau lourdement chiffré et impossible à surveiller ? », la réponse est oui, il en existe déjà plusieurs

Pourquoi l’ACTA ?

ACTA n’est ni plus ni moins qu’une réponse protectionniste à des difficultés économiques rencontrées par les USA, la Chine commence à faire peur et les USA travaillent donc leur point fort, leur industrie culturelle et entendent bien jouer de tout leur poids. La position du Japon est de marcher main dans la main avec les USA, et pour cause, le pays du soleil levant dispose d’une énorme industrie des biens culturels (si je vous dis consoles de jeux ?).

La Chine de son côté n’est pas vraiment concernée, il faut dire que le gouvernement chinois n’a pas attendu les ACTA pour filtrer Internet et que du coup, la Chine ressemble plus à un gros LAN qu’à l’Internet. Le piratage est loin d’être le problème du gouvernement chinois, il préfère surveiller et enfermer ses opposants, filtrer Twitter ou Facebook.

Les USA et le Japon ont un poids encore considérable sur l’économie mondiale, ils sont donc bien armés pour entrainer quelques pays dans leur vision du nouveau cyber ordre mondial, un monde où le copyright et les brevets porteraient atteinte à la neutralité du Net, et donc comme l’a souligné le Conseil Constitutionnel en France, porteraient de fait atteinte à la liberté d’expression, à la liberté d’entreprendre (un Internet filtré est le meilleur moyen de créer une importante distortion à la libre concurrence).

Il y aura forcément de la casse avec ACTA, les USA et le Japon entraineront avec eux les pays qu’ils tiennent économiquement dans le creux de leur main, si l’Europe courbe l’échine, c’est qu’elle dit oui à un Yalta de l’Internet dans lequel les valeurs qu’elle défend seront allègrement piétinée par des société privées.

ACTA : une version de travail du traité publiée par la Quadrature du Net

acta suxLa Quadrature du Net a publié une version de travail du traité international anti contrefaçon négocié secrètement depuis 2007 entre les USA et différents états. Il y est question de repression des téléchargement illégaux et les USA plaident pour une HADOPI mondiale se passant de juge alors que de nombreux pays s’inquiètent de la mise en place d’une riposte graduée à la française. Un article y est d’ailleurs consacré sur Le Monde.

Le document fait une cinquantaine de pages et ne reflète peut être pas ce que sera l’accord final, il donne cependant les orientations des pays qui participent aux discussions. Le document est assez édifiant sur la position des USA qui en appelle même à la résurection des DRM que l’on pensait abandonnés pour toujours (c’est déjà le cas pour les industriels). Une répression accrue des auteurs de logiciels ou matériels permettant de contourner des mesures de sécurité est aussi au programme, et toujours ce spectre qui plane au dessus des fournisseurs d’accès Internet à qui les USA voudraient confier le rôle de police du monde en les responsabilisant sur les contenus qui transitent sur leur réseau.

ACTA va sensiblement impacter Internet, la neutralité du Net va en prendre un coup, c’est désormais une certitude, il faudra jouer de trésors de patience et de pédagogie pour expliquer à nos députés européens que ce qui se joue n’est ni plus ni moins l’établissement d’un cyber nouvel ordre mondial guidé par l’ultra protectionnisme américain.

Filtrage du Net : petit Sarkozy peut-il devenir un grand Berlusconi ?

censure en italieLes bras m’en tombent, l’Italie  vient de voter la loi la plus débile de l’histoire de l’Internet européen (encore un domaine ou la France n’arrive pas à innover, et c’est pas faute d’essayer). Un décret impose à compter du 27 janvier 2010 une autorisation du ministère italien des communications pour pouvoir publier des vidéos sur le Net ! C’est l’une des plus fantastiques entraves à la Neutralité du Net qu’il nous est donnée de voir pour le moment près de chez nous… c’est vraiment tout près là, à tel point que ça risque de donner des idées à certains… d’ailleurs Copé l’a bien annoncé : « Il faudra qu’un jour ou l’autre on assume un débat public sur internet et la liberté ». « Cet immense espace qu’est internet, dans lequel on peut finalement diffuser n’importe quelle image, la tronquer dans tous les sens… » dormez tranquilles internautes français, les politiques s’occupent de tout, c’est pour vous protéger on vous dit.

DADVSI, HADOPI, LOPPSI … faut dire que ça sonne bien rital tout ça !

J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle :

  • La bonne : la France n’a pas le monopole de la cyber connerie.
  • La mauvaise : on pourrait très bien être les prochains.

Explication dans le texte :

Attention vous allez voir ça commence à se préciser, le gouvernement italien appuie son décret sur la directive européenne 2007/65/CE qui pourrait bien donner des idées  par chez nous. Pour parfaire le tableau, rappelons que Silvio Berlusconi est le propriétaire du plus grand groupe média italien, Mediaset, et qu’il réussit là un coup double : museler l’opposition sur autorisation mnistérielle et se débarasser de la concurrence « déloyale » que représente Internet. Permettez moi d’y voir un lien assez inquiétant avec cette déclaration de Nicolas Sarkozy “ Le problème d’Internet est considérable parce que comment voulez-vous que les gens achètent leur journal en kiosque s’il est gratuit sur Internet ? ” … pourquoi ne pas interdire les blogs pour sauver la presse après tout ?

Et maintenant la très bonne nouvelle :

Avec HADOPI 1, le gouvernement français a pris une énorme claque sur le coin du nez avec la décision du Conseil Constitutionnel qui consacre Internet comme un outil indispensable à l’exercice d’un droit fondamental : la liberté d’expression. Oh ceci n’arrêtera pas Nicolas Sarkozy dans son oeuvre de filtrage et trouvera surement quelques subterfuges  pour passer outre l’avis du Conseil des Sages avec une ou deux pirouettes (comme les ordonnances pénales) ou en nous trouvant un lien de filiation entre Ossama Bin Laden et Google… mais ce sera beaucoup plus compliqué qu’en Italie !

Mais n’oublions pas :

« Quand ils sont venus chercher les communistes,
Je n’ai rien dit,
Je n’étais pas communiste.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
Je n’ai rien dit,
Je n’étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus chercher les juifs,
Je n’ai pas protesté,
Je n’étais pas juif.
Quand ils sont venus chercher les catholiques,
Je n’ai pas protesté,
Je n’étais pas catholique.
Puis ils sont venus me chercher
Et il ne restait personne pour protester. »

Martin Niemöller

Google Chinagate : le Net bridé se débride

google chinagateVous n’avez certainement pas pu passer à côté de ce qui agite les relations Googlo chinoises ces deux derniers jours… le ton monte sérieusement. Factuellement, nous avons bien peu d’informations, juste assez pour comprendre la gravité de la situation et la bêtise sans borne de tout filtrage. Replaçons nous dans le contexte. La Chine n’a jamais crié sur tous les toits qu’elle accordait aux internautes la liberté d’expression sur le Net, et encore moins la liberté de s’informer de sources diverses et variées, on ne plaisante pas avec la subversion en Chine.

Fort de la connaissance des attentes de ce client particulier, Google ne pouvait cependant pas délaisser le plus grand marché en volume du monde. Etre présent en Chine était tout ce qu’il y a de plus normal pour le géant américain, quitte à laisser à la frontière ce qu’il défend ailleurs, la Neutralité du Net (vous savez ce truc « fourre tout » aux yeux de Nathalie Kosciusko-Morizet). Du coup, Google, se pliant aux volontés du gouvernement Chinois a filtré, pendant plusieurs années de nombreux sites étrangers ou locaux en rapport de prêt ou de loin avec les droits de l’Homme (ONG, opposants …).

Puis un jour, comme ça, sans raison apparente, le loup montre les crocs. Google dénonce une attaque d’une ampleur impressionnante et surtout, utilisant des techniques très sophistiquées … aussi sophistiquées que celles qu’emploirait un Etat qui pratique la cyber guerre offensive. Des comptes mails d’opposants politiques du gouvernement chinois auraient été la cible de ces attaques. Ce, peu après la condamnation du Dr Liu Xiaobo à 11 ans de prison pour « subversion ».

Y’a comme de l’eau dans le gaz …

Google.cn a décidé en réaction de lever tout filtrage, les internautes chinois, bien que filtrés par le firewall gouvernemental maison (une sorte de filtre parental anti subversion un peu sur le modèle de celui qu’on souhaite nous faire avaler en France), trouvent via Google réponse à leurs questions les plus « subversives ».

En réaction, le gouvernement chinois répond par ce qu’il sait faire le mieux … la censure.

Je sais pas vous mais moi, j’ai comme envie de demander des comptes au député Myard sur le modèle de société numérique qu’il défend.

Alors ça veut dire quoi une attaque « hautement sophistiquée » ?

Loin de moi l’idée de mettre en cause les conclusions de experts en sécurité que Google et les 32 autres sociétés étrangères qui ont été la cible de ces attaques, mais il convient cependant de comprendre de quoi on parle avant de se faire sa propre opinion.

Depuis fin décembre, une poignée d’importantes vulnérabilités ont été découvertes dans le format PDF de l’éditeur logiciel américain Adobe (qui comte lui aussi parmi les cibles de ces attaques). La vulnérabilité exploitée par les assaillants n’aurait été patchée par Adobe que mardi dernier… mais nous allons revenir là dessus un peu plus loin.

Le format d’Adobe aurait donc été exploité pour inoculer un cheval de Troie, et collecter d’impressionnantes quantités d’information de ces cibles, ce trojan nommé Trojan.Hydraq , stocké sous forme de dll sur les systèmes cibles ouvre un backdoor (une porte dérobée) et collecte tout ce qu’il peut sur la machine infectée. Jusque là rien que de l’hyper classique en somme… Sauf que la cible, à en croire ce qui s’est écrit ici ou là, c’était le code sources d’applications (dont certaines applications web de Google… comme Gmail), révélant ainsi des informations sensibles exploitables par les intrus en vue de récupérer des informations personnelles ciblées, celles de militants en faveurs de la protection des des droits de l’Homme.

Disclose or not disclose ?

Cette petite histoire nous démontre, une fois de plus, que la sécurité par l’obscurantisme et le manque de correctif immédiat à une vulnérabilité peut couter cher, très cher. Aussi je me permet de revenir sur l’interessant, car factuel, billet d’Eric Freyssinet relatif à la décision de la cour de Cassation qui réprime “le fait sans motif légitime, d’importer, de détenir, d’offrir, de céder ou de mettre à disposition un équipement, un instrument, un programme informatique ou toute donnée conçus ou spécialement adaptés pour commettre des atteintes aux systèmes de traitement automatisé des données”. Derrière cette décision, le full disclosure, ou le fait de dévoiler au public les mécanismes et le code en vue de l’exploitation d’une faille de sécurité est dans une certaine mesure directement visé. Tout est dans l’intention pourrait on retenir. Cependant, le responsible disclosure (dévoiler publiquement l’exploit après que la vulnérabilité ai été patchée), ça ne fonctionne pas toujours. Ainsi, il peut se passer plusieurs jours, semaines, mois ou années avant qu’une réponse ne soit apportée. C’est ce laps de temps qu’il convient de réduire un maximum, mais que beaucoup trop d’éditeurs logiciels (propriétaires ou libres), laissent filer… si la faille n’est pas publique, après tout … pourquoi se presser ? Le full disclosure, quoi qu’on en dise a une vertu, il agit comme un véritable coup de pied aux fesses et contraint à la réponse rapide, avant une éventuelle exploitation.

Attention, je ne dis pas que si le zero day exploit qui a été utilisé pour les attaques dont nous parlons ici avait été rendu public, ceci ne serait pas arrivé… Le format PDF suscitte l’attention de beaucoup d’experts en sécurité informatique depuis environ un an. Nombreux sont ceux qui s’accordaient à dire que ceci allait arriver, l’histoire leur a donné raison … faut dire qu’ils avaient de sérieux arguments (null, mais sérieux … humour de geek … désolé)  et les yeux se portaient alors sur JBIG2…. Bravo Cédric, une fois de plus, tu ne t’étais pas planté. Les tâtonnements des uns et des autres ont finalement permis à des personnes pas super bien intentionnées d’aboutir à ce zero day exploit qui aurait été utilisé pour attaquer Google et une trentaines de sociétés poids lourds du Net.

Méditons … que ce serait il passé si ce zero day avait été dévoilé publiquement avant son exploitation ?

Encore une fois, je sais que je radote, mais la sécurité est un process, pas produit, les modèles de réponses que l’on souhaite apporter à ces problématiques, surtout quand elles concernent une vulnérabilité dont on sait que la propagation pourrait être répide et coûteuse doivent être définis par un cadre légal, cependant je m’interroge aujourd’hui sur une mesure d’interdiction… même si les arguments de la cour de Cassassion sont de bon sens.

La Quadrature du Net a besoin de vous

2009 a été une année bien chargée pour la Quadrature du Net, collectif citoyen qui regroupe des milliers de contributeurs pour offrir une abondante source d’information, de nombreuses documentations et outils qui ont trouvé écho jusque dans les rangs de l’hémicycle. La quadrature aux cotés des mousquetaires a été l’un des opposants les plus farouches à la loi Création et Internet. C’est aussi la Quadrature du Net qui apporté une information juste sur le Paquet Telecom.

2010 s’annonce encore plus chargée avec l’application d’HADOPI et le fiasco annoncé, mais surtout sur l’ACTA et LOPPSI qui arrivent tous deux dans quelques semaines. Il y sera question de filtrage, d’atteintes à neutralité du Net et du bridage des libertés numériques. La Quadrature du Net a besoin de votre soutien financier pour continuer à fonctionner. Un appel au don a été lancé, vous pouvez vous rendre ici pour lui témoigner votre soutien.

ACTA : La Commission Européenne s’exprime officiellement

S’il est une blague beaucoup moins drôle et bien plus secrète qu’HADOPI qui se joue actuellement, c’est bien l’ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement). Depuis plusieurs années, des négociations secrètes multilatérales se tiennent, menées par l’administration américaine, qui entend mettre fin aux échanges illégaux de fichiers copyrightés sur Internet. On reconnait évidemment derrière la griffe des lobby de l’industrie des biens culturels. Au menu, on retrouve les grands classiques : le filtrage, une riposte graduée … et des atteintes évidentes aux libertés individuelles et au principe de Neutralité du Net. Des documents qui ont fuit font état de déconnexion des internautes qui téléchargent, un peu comme pour le modèle à la française… mais sans intervention d’un juge.

Pour la première fois, la Commission Européenne, par la voix d’un fonctionnaire de la Commission de l’UE impliqué dans les négociations, a donné sa position officielle sur le négociations en cours et l’opacité qui les entoure. Les nombreuses associations de défense des droits de l’Homme et des organisations non gouvernementales ont demandé à ce que soient rendues publiques ces négociations.

Dans les véritables nouveautés, on apprend par exemple que la Neutralité du net est plus que remise en cause puisque la responsabilité des hébergeurs et des fournisseurs d’accès (tels que définis en France dans la LCEN) pourraient directement être mise en cause avec l’ACTA. Ils deviendraient de fait responsables des contenus, avec tous les problèmes que l’on connait sur les réseaux sociaux et les sites qui proposent du contenu généré par les utilisateurs. Ceci reviendrait à les obliger à une modération à priori des contenus soumis.

Autre point de détail, il a été entériné récemment avec le Paquet Télécom que toutes procédure de déconnexion d’un internaute ne peut se faire en Europe sans passer par les mains d’un juge. On sait que la France continue à faire pression sur le l’Europe pour édulcorer ce point. HADOPI est le parfait exemple d’une loi qui sera inapplicable en l’état.

Le porte parole de la Commission Européenne indique que les documents de négociation de l’ACTA pourraient être prochainement rendus publics. En France, de rares députés comme Nicolas Dupont Aignan, déjà très actif et remonté contre HADOPI,  plaident également en faveur de la transparence sur ces négociations.

Les pathétiques justifications de Jacques Myard sur la nationalisation d’Internet

frchinaComme je vous l’expliquais dans le billet précédent, Jacques Myard est du genre à creuser quand il a touché le fond … et il le prouve dans un momumental billet sur son blog où il revient sur ses déclarations, les justifiant par des raisonnements d’une autre planète.

Monsieur le député, vous ne l’aurez pas volé, voici la réponse que mérite vos positions.

« Nationaliser Internet ! Et vive la polémique !

Fallait pas commencer ! En tout cas, vous aurez réussi à faire parler de vous.

Sur Radio Courtoisie, Jacques MYARD a évoqué la nécessité de «nationaliser Internet ». Ces quelques propos suscitent un buzz médiatique et font le tour de la Toile. De quoi s’agit-il ?

D’une énormité … et on va vous expliquer pourquoi.

Tout d’abord, il faut se féliciter de la sensibilité des uns et des autres à propos d’un Internet mythique qui appartiendrait à tout le monde.

Mythique … voyez vous ça. Visiblement, la notion même d’Internet vous échappe totalement, pour vous la faire courte, il s’agit d’un réseau acentré reposant sur des protocoles ouverts et neutres, chaque noeud du réseau apporte de l’intelligence, en celà, l’Internet appartient bien à tout le monde, c’est un fait, mais pour savoir celà, il faut le pratiquer et non le consommer comme cette petite phrase anodine mais très révélatrice, nous donne une indication sur la pratique que vous en avez…

Il est certes un moyen d’information désormais incontournable, mais bien souvent aussi un moyen de désinformation, que des Etats et leurs services spéciaux n’hésitent pas à utiliser.

Vu sous cet angle, vous avez raison monsieur le député, d’ailleurs la pratique française est d’une bêtise rare et précieuse, ou alors il s’agit de trésors d’hypocrisie déployés pour faire passer la France pour un pays de Hippies, mais permettez moi de sourire. Faites croire à qui vous voudrez que la France ne s’adonne pas aux techniques d’info guerre, mais pas à moi.

« Nationaliser Internet » ne signifie en aucun cas créer une police des échanges entre particuliers, sous réserve de la diffamation ou la violation des droits d’auteurs. Nous sommes un Etat de droit.

Nous y voilà, les deux pieds dedans : la diffamation, le droit d’auteur … puis l’opposition politique, la divergence d’opinion, l’incompatibilité d’humeur (j’entends sonner les sirènes du CSA et de la labellisation des sites web, pas vous ?)… et que faites vous de la pédophilie et de la cybercriminalité ? La protection de l’enfance c’est pas grave ça, bloquer les circuits financiers bien connus des cyber mafias c’est pas à votre portée ça … en revanche, protéger les intérêts des moines copistes de DVD et vous assurer que vos opposants ne fassent pas trop de bruit, ça c’est important ! Votre justification est effrayante monsieur le député : une police des échanges … commencez par donner les moyens à la police et à la gendarmerie de lutter contre la pédophilie et la cybercriminalité si vous voulez être pris un tant soit peu sérieux.

En revanche, il faut savoir qu’Internet fonctionne par l’attribution des DNS (Domain Name System) aux différents opérateurs, sorte de routeur central du système, lequel est totalement aux mains d’une société américaine, l’ICANN, laquelle est elle-même le faux nez du gouvernement américain.

Là encore, vos informations sont incomplètes, vous assimilez une institution tout à fait respectable, l’ICANN (une organisation de droit privé à but non lucratif), au gouvernement américain, en omettant de préciser que l’ICANN et ses satellites régionaux sont un modèle de neutralité, valeur sur laquelle le Net s’est construit. La résolution des DNS et leur acheminement vers des adresse IP est nécessaire au niveau mondial, il va falloir que vous nous expliquiez par quel raccourcis technique vous parvenez à penser qu’en nationalisant l’Internet français vous allez pouvoir vous passer de la résolution des noms de domaines étrangers et surtout en quoi cela va nous mettre à l’abris du risque d’écoutes inhérent à TCPIP par des tiers étrangers… laissez moi deviner, vous allez whitelister les domaines étranger et autoriser ou non les serveurs DNS root français de résoudre tel ou tel domaine étranger… euh … non mais sérieusement …comment vous dire ça poliment… ça ressemble à s’y méprendre à une Albânerie vu d’ici. Vous parlez de la Chine, mais connaissez vous le nombre de fonctionnaires que l’armée emploie pour un résultat assez ridicule vu que tous les chinois contournent le firewall en un simple clic sur une extension Firefox ?

Cela signifie que les États-Unis sont totalement maîtres du système et peuvent ainsi espionner le monde entier, pour leur propre sécurité, mais aussi pour leurs intérêts industriels ou commerciaux.

Je vous rassure, nous aussi on sait le faire et on ne s’en prive d’ailleurs pas. Je vous invite à vous rapprocher des services compétents, même si notre frenchlon à nous est un peu flouté sur Google Maps, il existe bel et bien… Vous n’étiez pas au courant peut-être ?

frenchlon
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Ils savent, eux, ce qu’est l’intelligence économique.

Et oui, nous c’est avec l’intelligence qu’on a du mal, pas vraiment avec l’économie.

De surcroît, le logiciel du principal système d’exploitation est truffé d’erreurs permettant de multiples attaques de hackers qui peuvent paralyser des systèmes entiers, allant des hôpitaux aux centrales nucléaires, en passant par les médias.

Dieu ce que je suis d’accord avec vous sur ce point ! Et bien changez de système d’exploitation, interdisez Windows ! Nationalisez Mandriva !

Le cas de l’attaque russe sur l’Estonie en avril 2007 ou encore la tentative chinoise de blocage des bases de données du gouvernement allemand en mai 2007, alors même qu’Angela MERKEL se trouvait en visite officielle à Pékin, en sont des exemples développés dans le rapport d’information n°2085 (page 203) des députés Jacques MYARD et Jean-Michel BOUCHERON « Les enjeux géostratégiques de la prolifération ».

Avec des administrations qui tourent encore sur Windows 2000, ou les serveurs percés d’une institution de normalisation française bien connue qui offrent au Net les documents confidentiels envoyés par des entreprises ou le mot de passe en clair de leur  base de données accessible via un simple navigateur … moi, je serais vous, je commencerais à faire le ménage avant de crier au piratage et j’instaurerais un délit de négligence caractérisée pour nos administrations françaises. Les « pirates » ont bons dos monsieur le député.

Il est donc indispensable de maîtriser ce réseau qui échappe aujourd’hui totalement à la France et aux Etats européens.

C’est surtout à vous qu’il échappe.

L’une des solutions, avancée par Louis POUZIN, inventeur du principal protocole de l’Internet, le TCP/IP, serait que la France maîtrise ses DNS et crée des espaces de confiance au sein d’Internet qui échapperaient à toute tentative d’intrusion ».

Faire confiance à qui ? A des agents assermentés ? A une haute autorité ? Qui m’assure que la résolution des domaines se fera en toute transparence alors que vous projetez ouvertement de mettre en place des DNS menteurs ? Qui me garantit que mon blog existera encore si vous mettez vos projets à execution, que deviendra ma liberté d’entreprendre ? Non merci, je ne veux pas vous faire confiance, pas après la lecture de votre argumentaire surréaliste.

Cette « nationalisation » d’Internet, loin de porter atteinte à la liberté de communication, va au contraire la renforcer.

Monsieur le député, j’ai entendu vos arguments, je les trouve affligeants tant techniquement que politiquement et vous entendre parler de liberté de la communication après une telle démonstration relève plus d’une blague de comptoir que d’une proposition politique sérieuse.

Jacques MYARD entend déposer une proposition de loi en ce sens. »

Ca aura au moins le mérite de nous faire passer pour des abrutis finis dans le monde entier (ça rigole jusqu’en Suède d’ailleurs), merci monsieur le député de couvrir de honte le pays des Droits de l’Homme.

A passage, puisque les DNS vous fascinent tant, je vous suggère de commencer par configurer correctement votre nom de domaine. J’aurais beaucoup aimé poser un lien sur votre billet, mais ceci est impossible … permalink / redirect à la racine… les bonnes pratiques du Net on se doutait bien que ce n’était pas trop votre truc mais là vous enchaînez les FAIL.

** Edit : on me souffle dans l’oreillette que ce sont de vilaines frames toutes sales **

La table ronde Neutralité du Net à la Cantine devrait être streamée live

J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle

streaming-net-neutrality-la-cantineLa bonne nouvelle est que vous allez, si tout se passe bien, pouvoir suivre en direct la table ronde qui se tiendra ce soir à la Cantine à partir de 20h30 sur la Neutralité des Réseaux (le système vidéo hard/soft est en Béta à la Cantine et les tests ont été réalisés cette après midi on croise donc les doigts pour que ça tienne, merci Ubicast).

Voici le lien du stream : http://lacantine.ubicast.eu/videos/live/lacantine/

La mauvaise nouvelle : c’est un player flash tout sale.

Lot de consolation : je compte récupérer la vidéo et la réencoder dans un format propre et vous la proposer en téléchargement le plus tôt possible.

Table ronde Net Neutrality à la Cantine : pourquoi est-ce nécessaire ?

Pour une poignée quasi négligeable d’internautes, les principes qui ont permis au réseau Internet d’être ce qu’il est aujourd’hui sont à peu prêt clairs. A en lire certaines réactions à l’annonce de la table NetNeutralityCantWaitronde qui se tiendra demain soir à la Cantine, quelques internautes semblent désabusés et s’interrogent sur le bien fondé de cette rencontre. pourtant, les raisons ne manquent pas et il serait mal venu de baisser les bras. Nous manquerions à notre devoir, les gens qui savent auront toujours plus de mal à expliquer à posteriori pourquoi ils n’ont pas réagis, je ne veux pas être de ceux là.

Je vais ici brièvement tenter de vous expliquer pourquoi il est souhaitable, non seulement que cette première table ronde ai lieu, mais également la nécessité que d’autres autour du même thème s’organisent, à la Cantine comme ailleurs.

  • Il y a 32 millions d’internautes en France (chiffres à fin 2008), environ 300 000 d’entre eux ont visionné les vidéos disponibles en ligne de Benjamin Bayart et ont donc une bonne première approche de la Net Neutrality. 300 000 sur 32 millions, ça ne fait même pas 1% .
  • Sur ces chiffres, vous vous dites que les professionnels du Net sont informés de ce qu’il pourrait advenir à leur business si le Net venait à être filtré par un moyen x ou y ? Et bien non, la majorité des Net entrepreneurs sont à des années lumières de connaître l’impact d’un dispositif de filtrage sur leur propre infrastructure. On sait par exemple que le SAAS pourrait en faire les frais
      • Combien de gens sont sensibilisés à ça ?
      • Quelle tête feront ils le jour où ceci sera pour eux une réalité ?
      • A qui devront ils s’adresser ?
      • Qui payera la facture ?
  • Si HADOPI a été une démonstration de déni de la réalité de la part du législateur, il faut se rappeler que LOPPSI ne s’annonce pas plus glorieuse en terme de consultation de la société civile et d’études d’impact préalables. Ce n’est donc pas la moment de se démobiliser. HADOPI est un combat d’arrière garde, le Paquet Télécom récemment adopté, l’ACTA, sont ceux d’aujourd’hui et mettent directement en péril cette neutralité. Il faut bien comprendre que c’est au niveau international que la mise en danger de l’Internet se joue, non au niveau national. Pour exemple, au niveau européen, la France continue de faire pression sur le Parlement afin de faire sauter l’obligation de recourir à un juge pour appliquer une sanction (oui la France a compris qu’en l’état, HADOPI est inapplicable, c’est bien pour cette raison que le texte a été durci et qu’HADOPI 3 le durcira encore plus, jusqu’à l’obligation de la mise en place de dispositifs de filtrage que la LOPPSI vise à officialiser. La décision de mise en place de ces dispositifs aux effets non mesurés et qui ont montré leurs limites partout où ils ont été essayés reposent sur des analyse fallacieuses, non publiques et dangereuses car elles n’impacteront pas qu’Internet).
  • Le filtrage sur les sites de jeux d’argent a pris tout le monde de court, là où nous attendions un filtrage des sites pédo-pornographiques, le gouvernement a jugé plus opportun de permettre à certains grands groupes bien connus de rapatrier leurs serveurs se trouvant à Maltes. A aucun moment ces personnes qui exercent encore à l’heure actuelle cette activité en toute illégalité ne seront inquiétées.
  • En parallèle des jeux d’argent, ce qui est déjà condamnable par la loi, comme l’incitation à la haine raciale n’est toujours pas ou très peu réprimé et on nous fait miroiter le filtrage comme une solution à tous les maux du Net. Évidemment, les moyens donnés à l’autorité judiciaire pour faire appliquer les lois en vigueur frisent le néant et tendent même à se réduire.
  • Pour qu’un filtrage et un traitement automatisé des communications soit efficace, encore faut il que ces communications passent en clair. En toute logique, on peut donc se demander si le prochain chantier du gouvernement ne va pas être de s’attaquer aux outils de chiffrement.
  • Les multiples « petits incidents » qui se font en ce moment légion comme l’éviction de Frédéric Lefèbvre de Twitter ou l’annonce farfelue de la mort d’un tel ou d’un tel sont autant d’arguments pour certaines personnes de relancer le débat sur la labellisation des sites web par une « autorité indépendante » dépendante directement du gouvernement (toujours par nominations) ou par le CSA, ce qui revient exactement au même.

Si vous mettez tous ces éléments bout à bout, vous obtenez une situation explosive qu’il convient d’exposer au grand public. La pédagogie est plus que nécessaire car on parle d’expliquer des choses complexes et qui auront un impact sur notre quotidien à tous. Vous direz quoi quand votre blog ne sera plus accessible depuis un réseau wifi public ou que Facebook aura viré les photo pourtant privées et partagées en famille de votre bébé un peu trop dénudé ?

En conclusion, si vous pensiez avoir tout vu avec HADOPI 2, sachez que vous êtes loin du compte que le pire est encore devant nous. Il me semble donc impératif de sensibiliser un vaste public afin que ce dernier prenne conscience des dangers de ces dérives totalitaristes. C’est en ce moment qu’il faut agir, le premier semestre 2010 va être particulièrement intense et c’est le moment pour tous de s’armer d’arguments pour offrir la trousse à outils décisionnelle nécessaire à nos députés. Je suis convaincu, qu’il existe de nombreuses alternatives au filtrage pour faire appliquer la loi, tout en respectant nos libertés individuelles et j’espère ne pas être le seul.

PS : nous essayons de trouver une solution afin d’enregistrer le débat de demain à la Cantine et de vous le rediffuser en téléchargement. Ce n’est pas une promesse mais nous étudions toutes les possibilités, si certains d’entre vous veulent / peuvent venir filmer et sont équipés pour, ils sont évidemment les bienvenus.