Il se tenait hier une table ronde sur la neutralité du Net au Sénat. Le débat, qui pouvait être suivi depuis le site du Sénat en Streaming, il était composé de 2 tables rondes :
- une sur la neutralité des réseaux
- une autre sur la neutralité des contenus
… ça laissait augurer des choses assez agaçantes relatives aux contenus, ça n’a pas manqué. Nous étions restés sur la consultation de l’ARCEP (voir les vidéos) où le secrétariat d’Etat à l’Economie Numérique concluait à une quasi neutralité et posait la question de la liberté d’accès aux contenus légaux. Un mot lourd de sens qui ouvre la boite de Pandorre, à savoir l’utilisation de technologies d’inspection de paquets en profondeur (Deep Packet Inspection) afin de faire de la reconnaissance de contenus pour « dépolluer Internet » comme certains aiment à le décrire.
La première table ronde sur la neutralité des contenus était comme à prévoir une franche rigolade. Jérémiades habituelles, le réseau est saturé, on va tous mourir, la création en premier… vous connaissez la suite, je me suis demandé à quel moment ils allaient demander la mise en place d’une vignette IPV4 pour dédommager l’industrie du disque du nombre d’iPod vendus dans le monde et qui ont tué les CD. Ce n’est qu’en conclusion de cette table ronde, que le mot de filtrage est lancé. Le terme à retenir, pas de nouveauté, c’est les contenus « légaux ».
La seconde table ronde, tout de suite plus sérieuse avec les représentants de l’INRIA ou de l’UFC Que Choisir, était tout de suite d’un tout autre tenant. Bernard Benhamou a fait quelques rappels assez bienvenus sur la nature du réseau Internet, pareil du côté de l’INRIA, et Edouard Barreiro de l’UFC Que Choisir a, comme on s’y attendait tenu un discours limpide sur les dangers du filtrage et les dangers d’un Internet à 2 vitesses, celui du riche et celui du pauvre, insistant lui même sur la fin (ironiquement?) sur la notion de contenus « légaux ».
Nathalie Kosciusko-Morizet est venue conclure et j’ai cru déceler dans ses conclusions quelque chose d’assez différent de ce qui en était sorti à l’ARCEP. Il semble que beaucoup de choses aient évoluées depuis le colloque de l’ARCEP et on nous a épargné le coup de l’Internet Quasi Neutre (et par définition, quasi pas neutre). NKM a par exemple fait remarquer fort justement que la thématique dissociant les contenus du réseau n’était peut-être pas une bonne approche et que si le réseau est neutre, alors on a même plus besoin de se demander si les contenus le sont. J’abonde personnellement en ce sens puisque déployer des technologies de reconnaissance de contenus c’est, par définition, rendre le réseau non neutre (en opposant une intelligence, restreint le routage des paquets, en y posant un critère qui n’impacte pas sur son propre bon fonctionnement mais sert des demandes de tiers).
Attention, ne nous enflammons pas, le filtrage reste au programme, les technologies de reconnaissance de contenus sont toujours autant portées par les ayants-droit et avec le nouveau petit cadeau à 25 patates, on se dit que ça finance largement le déploiement du DPI en coeur de réseau, que dans un excès de cynisme, ayants-droit et fournisseurs d’accès Internet vendraient sur abonnement pour contourner les problèmes de viol de correspondance qui demeurent un sérieux obstacle à sa généralisation.
Si légiférer sur la question de la neutralité du Net et sur les outils de reconnaissance de contenus par extension peut sembler séduisant pour Nathalie Kosciusko-Morizet qui l’a même proposé aux commissions., il me semble surtout vital de ne pas se voir mettre en place des technologies que l’on détournerai pour servir des intérêts privés. Nous avons surtout besoin d’acteurs forts.