Pour une poignée quasi négligeable d’internautes, les principes qui ont permis au réseau Internet d’être ce qu’il est aujourd’hui sont à peu prêt clairs. A en lire certaines réactions à l’annonce de la table ronde qui se tiendra demain soir à la Cantine, quelques internautes semblent désabusés et s’interrogent sur le bien fondé de cette rencontre. pourtant, les raisons ne manquent pas et il serait mal venu de baisser les bras. Nous manquerions à notre devoir, les gens qui savent auront toujours plus de mal à expliquer à posteriori pourquoi ils n’ont pas réagis, je ne veux pas être de ceux là.
Je vais ici brièvement tenter de vous expliquer pourquoi il est souhaitable, non seulement que cette première table ronde ai lieu, mais également la nécessité que d’autres autour du même thème s’organisent, à la Cantine comme ailleurs.
- Il y a 32 millions d’internautes en France (chiffres à fin 2008), environ 300 000 d’entre eux ont visionné les vidéos disponibles en ligne de Benjamin Bayart et ont donc une bonne première approche de la Net Neutrality. 300 000 sur 32 millions, ça ne fait même pas 1% .
- Sur ces chiffres, vous vous dites que les professionnels du Net sont informés de ce qu’il pourrait advenir à leur business si le Net venait à être filtré par un moyen x ou y ? Et bien non, la majorité des Net entrepreneurs sont à des années lumières de connaître l’impact d’un dispositif de filtrage sur leur propre infrastructure. On sait par exemple que le SAAS pourrait en faire les frais…
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- Combien de gens sont sensibilisés à ça ?
- Quelle tête feront ils le jour où ceci sera pour eux une réalité ?
- A qui devront ils s’adresser ?
- Qui payera la facture ?
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- Si HADOPI a été une démonstration de déni de la réalité de la part du législateur, il faut se rappeler que LOPPSI ne s’annonce pas plus glorieuse en terme de consultation de la société civile et d’études d’impact préalables. Ce n’est donc pas la moment de se démobiliser. HADOPI est un combat d’arrière garde, le Paquet Télécom récemment adopté, l’ACTA, sont ceux d’aujourd’hui et mettent directement en péril cette neutralité. Il faut bien comprendre que c’est au niveau international que la mise en danger de l’Internet se joue, non au niveau national. Pour exemple, au niveau européen, la France continue de faire pression sur le Parlement afin de faire sauter l’obligation de recourir à un juge pour appliquer une sanction (oui la France a compris qu’en l’état, HADOPI est inapplicable, c’est bien pour cette raison que le texte a été durci et qu’HADOPI 3 le durcira encore plus, jusqu’à l’obligation de la mise en place de dispositifs de filtrage que la LOPPSI vise à officialiser. La décision de mise en place de ces dispositifs aux effets non mesurés et qui ont montré leurs limites partout où ils ont été essayés reposent sur des analyse fallacieuses, non publiques et dangereuses car elles n’impacteront pas qu’Internet).
- Le filtrage sur les sites de jeux d’argent a pris tout le monde de court, là où nous attendions un filtrage des sites pédo-pornographiques, le gouvernement a jugé plus opportun de permettre à certains grands groupes bien connus de rapatrier leurs serveurs se trouvant à Maltes. A aucun moment ces personnes qui exercent encore à l’heure actuelle cette activité en toute illégalité ne seront inquiétées.
- En parallèle des jeux d’argent, ce qui est déjà condamnable par la loi, comme l’incitation à la haine raciale n’est toujours pas ou très peu réprimé et on nous fait miroiter le filtrage comme une solution à tous les maux du Net. Évidemment, les moyens donnés à l’autorité judiciaire pour faire appliquer les lois en vigueur frisent le néant et tendent même à se réduire.
- Pour qu’un filtrage et un traitement automatisé des communications soit efficace, encore faut il que ces communications passent en clair. En toute logique, on peut donc se demander si le prochain chantier du gouvernement ne va pas être de s’attaquer aux outils de chiffrement.
- Les multiples « petits incidents » qui se font en ce moment légion comme l’éviction de Frédéric Lefèbvre de Twitter ou l’annonce farfelue de la mort d’un tel ou d’un tel sont autant d’arguments pour certaines personnes de relancer le débat sur la labellisation des sites web par une « autorité indépendante » dépendante directement du gouvernement (toujours par nominations) ou par le CSA, ce qui revient exactement au même.
Si vous mettez tous ces éléments bout à bout, vous obtenez une situation explosive qu’il convient d’exposer au grand public. La pédagogie est plus que nécessaire car on parle d’expliquer des choses complexes et qui auront un impact sur notre quotidien à tous. Vous direz quoi quand votre blog ne sera plus accessible depuis un réseau wifi public ou que Facebook aura viré les photo pourtant privées et partagées en famille de votre bébé un peu trop dénudé ?
En conclusion, si vous pensiez avoir tout vu avec HADOPI 2, sachez que vous êtes loin du compte que le pire est encore devant nous. Il me semble donc impératif de sensibiliser un vaste public afin que ce dernier prenne conscience des dangers de ces dérives totalitaristes. C’est en ce moment qu’il faut agir, le premier semestre 2010 va être particulièrement intense et c’est le moment pour tous de s’armer d’arguments pour offrir la trousse à outils décisionnelle nécessaire à nos députés. Je suis convaincu, qu’il existe de nombreuses alternatives au filtrage pour faire appliquer la loi, tout en respectant nos libertés individuelles et j’espère ne pas être le seul.
PS : nous essayons de trouver une solution afin d’enregistrer le débat de demain à la Cantine et de vous le rediffuser en téléchargement. Ce n’est pas une promesse mais nous étudions toutes les possibilités, si certains d’entre vous veulent / peuvent venir filmer et sont équipés pour, ils sont évidemment les bienvenus.