Neutralité du Net : Orange, je te vois !

Un petit billet pour rebondir sur l’analyse du rapport gouvernemental sur la Neutralité du Net par Fabrice dans Read Write Web. On se demande effectivement qui est l’auteur du rapport, j’ai personnellement beaucoup de mal à penser qu’il est l’oeuvre du cabinet de Nathalie Kosciusko-Morizet. On ne peut s’empêcher de constater que les positions exposées dans ce rapport sont celle d’Orange. Ceci expliquerait par exemple qu’il soit si bancal. Si vous n’êtes pas convaincus, la seule mention d’un « internet ouvert » que l’on oppose dans ce rapport à un Internet neutre, c’est un copyright Orange. D’ailleurs, quand on revisionne la vidéo de l’ARCEP, c’est bien Stéphane Richard qui « préfère la définition d’Internet ouvert«  et il s’en explique.

Stéphane Richard confessera d’ailleurs qu’il n’y comprend pas grand chose et mettra en avant « la fraicheur de son regard » :  « je ne suis pas un vieux manitou des Télécoms« . Il expliquera aussi que le rôle essentiel d’un opérateur télécom, c’est avant tout la gestion du traffic « sans quoi c’est la fin d’Internet »… ben voyons !

Bref en revoyant cette vidéo, vous avez un condensé du rapport soit disant gouvernemental sur la neutralité du Net. C’est à dire un papier d’amateur level newbie et fier de l’être qui se sent investi d’une mission que personne ne lui a confié, à savoir réguler au lieu d’acheminer.

En tout cas un doute sérieux plane sur ce rapport : par qui a t-il été rédigé et dans quel but ?

Neutralité du Net : la « quasi censure » est préconisée dans le rapport du Gouvernement

Le mois d’août promettait d’être riche en sucre, on a pas été déçu. La semaine dernière c’était une ordonnance de référé qui demandait poliment (sous peine d’amende de 10 000 euros par jours) aux fournisseurs d’accès Internet (pas tous, juste les 7 plus gros) de bloquer, par tous les moyens possibles (DPI, blocage DNS, IP, rafale d’AK47…) les sites de jeux en ligne qui n’ont pas de licence française. Un traitement que la LOPPSI promettait de n’appliquer qu’aux sites pédophiles. On s’est tout de suite dit que le lobby de la propriété intellectuelle (les moines copistes de DVD), allaient se ruer sur l’occasion afin de profiter (gratuitement) du zèle des fournisseurs d’accès.

On attendait avec une impatience non dissimulée les enseignements que le gouvernement allait tirer de son élan démocratique qu’inspirait un débat public sur la neutralité du Net. Le rapport circule en haut lieu, il s’intitule, tenez vous bien : « La neutralité de l’Internet. Un atout pour le développement de l’économie numérique ». Regardons ce qui, selon le gouvernement, représente des atouts pour le développement de l’économie numérique.

Avec un titre comme ça, on s’attend forcement à des mesures chocs qui favoriseront l’émergence de nouveaux acteurs, de nouveaux services, avoir un vrai Net exemplaire où tout est fait pour que la France se donne les moyens d’innover. On s’attend à des mesures spectaculaires comme l’Etat qui mettrait 15 milliards d’euros sur la table pour couvrir la France avec un réseau optique gigabit … mon dieu ce que vous êtes naifs !

La date de divulgation partielle de ce rapport est finement étudiée, comme toutes les âneries les plus difficiles à faire avaler à l’opinion publique, on a choisi de balancer ça en plein milieu des vacances en priant pour que la 3G ne passe pas sur la plage. Bien joué, mais manque de bol, moi les vacances en zones de tiers monde numérique (celles qui était sensées ne plus exister en 2012… vous savez le fameux plan Numériques 2012) ce n’est pas trop ma tasse de thé, j’ai un mot de mon docteur. Et pour ce que je découvre depuis hier par bribes sur le contenu de ce rapport, je dois bien avouer que je n’étais pas non plus à jour de mes vaccins… je suis tout simplement écoeuré qu’un dossier aussi important ai fait l’objet d’arbitrages interministériels d’une telle inconscience et qui masquent mal cette incompétence crasse qui plane au dessus de l’Elysée dés que l’on touche à Internet. Ce n’est pourtant pas compliqué, personne n’a demandé au gouvernement de spécifier IPV7 pour un draft à l’IETF, à peine attendons nous de lui qu’il respecte ce vieux texte poussiéreux qu’est la Constitution française et qu’il applique à l’Internet la même jouissance de nos libertés fondamentales qui font la fierté de notre République… Et bien non, au lieu de ça, la France est sur le point de rejoindre la liste des pays qui pratiquent la censure sur le Net, aux côtés de la Chine et de l’Iran… un résultat vraiment spectaculaire pour ce qui se présentait comme une consultation emprunte d’un élan démocratique.

Quand on lit ce qui ressort des bribes du rapport publié par Libération sur son site Ecrans, on craint le pire et on se dit qu’on avait déjà au moment de cette consultation, flairé un mauvais coup. Comme je n’ai toujours pas eu accès au rapport dans son intégralité j’émets donc quelques réserves mais je vais quand même me permettre de commenter ce que j’ai pu en lire. En outre, je ne saurais trop vous recommander la lecture attentive de l’article d’Astrid Girardeau sur Owni qui s’interroge sur la finalité du débat qui a animé cette consultation et qui souligne que le rapport ne se limite pas à la neutralité du net, mais englobe la neutralité des réseaux.

Je vais donc partir du principe que l’auteur de ce rapport franchement orienté est l’oeuvre d’une personne qui ne prend pas la mesure de ce qu’elle rapporte ici, je n’irais même pas perdre mon temps à aller chercher des « coupables », car vous allez voir que la situation a plus besoin de bonnes volontés pour trouver des solutions et éviter une catastrophe qu’autre chose. Il est clairement temps que nous nous mettions tous au travail, et ça va passer par supporter plus que jamais les travaux de la Quadrature du Net.

Allez, assez de blahblah, examinons ce qui ressort de ces conclusions.

Le document de 34 pages commence par des chiffres sur l’utilisation d’Internet et un historique sur la neutralité du Net. Ecrans entame le sujet en soulignant que « le Gouvernement consacre plus de la moitié du rapport aux « risques de congestion du réseau », considérés « de plus en plus importants ». » A ce niveau là, on parle encore de traffic shaping et de QoS. La première des conditions pour qu’un réseau soit neutre… c’est qu’il fonctionne. Si un FAI se prend 2 terabits de flood, il peut apparaître normal que ce dernier intervienne afin que cet incident n’impacte pas le bon fonctionnement de tout ses services… jusque là tout va bien.

« la préservation d’un Internet ouvert n’interdit pas la mise en place de mesures techniques, notamment de gestion de trafic ». Ici, on commence à annoncer subtilement la couleur, mais la gestion de trafic, dans un but de bon fonctionnement du réseau, ça reste acceptable à la seule condition que l’on définisse précisément, dans la plus grande transparence pourquoi tel noeud du réseau (et non tout le réseau de l’opérateur), se voit amputé de services ou fait l’objet d’un bridage quelconque. Le document parle alors de « modèles économiques pérennes et équitables pour l’ensemble des acteurs pour répondre à la hausse de la consommation de bande passante ». On effleure à peine la nécessité de se doter d’un réseau très haut débit, en revanche on souligne d’entrée que « ces contraintes peuvent amener les différents acteurs à des pratiques différenciées de gestion des contenus, des applications ou des terminaux, voire à développer des accords d’exclusivité »… une formule de politesse que l’on pourrait définir en un mot : « discrimination », soit l’antithèse de la neutralité… ça commence donc très fort. Le chapitre 2.2.1, page 11, nous explique que l’asymétrie de l’utilisation de certains services engendre de nouveaux coûts pour les opérateurs. Problème qui pourrait être résolu si nous avions nous aussi notre Youtube ou notre Facebook pour peser dans des négociations de délocalisation d’infrastructures afin d’équilibrer une fibre transatlantique qui n’est utilisée que dans le sens USA –> France … mais vu qu’on a rien à proposer aux américains et qu’avec ces conclusions, c’est pas demain la veille qu’on risque d’avoir un acteur capable de peser dans ce type de négociations, il ne nous reste plus qu’à opter pour des stratégies de cache de Megaupload, Youtube (…) ou de trouver une utilisation intelligente du peer to peer au lieu l’interdire..

Ecrans rapporte ensuite que le document s’acquitte du terme « neutralité » pour lui opposer le terme d’« Internet ouvert ». Alors pour commencer, un « Internet fermé », on appelle ça un Intranet, quand il y a des abonnés dessus et qu’il est accessible depuis l’extérieur par le réseau, à la limite, on appelle ça un extranet, mais surement pas Internet. Un fournisseur d’accès s’y est essayé, il s’appelait AOL… et AOL est mort… vous devinez pourquoi ? Et oui, c’est parce qu’il y avait « Internet, et Internet par AOL » (en bref, tout sauf Internet). Il va falloir que l’auteur de ce rapport revoit sérieusement ses bases car un « internet ouvert », c’est un pléonasme… impardonnable à ce niveau là.

En page 16 du document, on confirme gentiment le non sens de l’Internet ouvert opposé à l’Internet neutre en légitimant une pratique contraire à la neutralité d’un réseau qui consiste à y placer de l’intelligence en son « coeur » : « Toutefois le principe du end to end a toujours été conçu comme un principe pragmatique, visant à favoriser l’intelligence aux extrémités du réseau. Il n’interdit pas de mettre de l’intelligence en coeur de réseaux lorsque cela est pertinent. »

Ok, très bien… alors « pertinent » pour vous ça veut dire quoi ?

Quand il attaque la problématique de l’Internet mobile, le rapport souligne : « les capacités de réseaux plus restreintes […] ne permettent pas de transposer, à brèves échéances les pratiques de l’Internet fixe » et il fait référence à des services : Les « échanges en P2P »« la consultation vidéo « en streaming » », les « services de voix sur IP » restent concernés par ces « limitations et restrictions ».

Là, il va falloir m’expliquer pourquoi quand j’utilise mon téléphone comme modem, mon opérateur tente de m’interdire (en échouant lamentablement) de surfer avec mon navigateur alors que ce même opérateur me propose de regarder la TV. Qu’un seul ose me dire que consulter une page web ou me servir de la voix sur ip, une poignée d’octets en comparaison d’un flux TV qu’on me propose en illimité, va créer des « congestions » sur le réseau de mon opérateur. Là, je commence à ne plus avoir de doute sur la partialité de l’auteur du rapport. Ça fera l’objet d’un autre billet, mais j’entends bien prouver que la deep packet inspection est déjà bien en place sur les réseaux des opérateurs téléphoniques. Le rapport ne trouve rien à redire aux pratiques d’interdiction de l’utilisation de certains services comme la voix sur IP et sous entend qu’il ne s’agit pas là de discrimination. J’ai promis à une personne qui se reconnaitra de ne pas taper trop fort, je vais donc ici m’abstenir de commenter ce point plus amplement.

L’internet du riche et l’Internet du pauvre

L’un des principes fondateurs de l’Internet induit par ce que l’on appelle la neutralité du Net, c’est que tout le monde a accès au même Internet sans qu’une discrimination ne s’opère. Là, on brise le mythe, et on s’égare dans une discrimination des services qui deviendrait monnayable. On ne parle pas de débits, mais clairement d’accès à certains services qui constituent Internet : « L’expéditeur peut payer un complément pour avoir des garanties de qualité de service. ». Si vous voulez être assurés que vos mails parviendront bien à leur destinataire, vous aurez peut-être à payer à votre opérateur un « supplément mail ». D’ailleurs le rapport ose cette splendide comparaison « Le service postal fonctionne [ndlr : comme Internet] sur une approche best effort. Il n’y a pas de ressources pré-allouées dans le bureau de poste. Le facteur fait ses meilleurs efforts pour délivrer le courrier mais celui-ci peut être retardé en cas de surcharge, et l’expéditeur n’a pas la garantie que le courrier soit délivré avec succès. Cependant, l’expéditeur peut payer un complément pour avoir des garanties de qualité de service. ». Un seul mot me vient à l’esprit :  M.A.G.N.I.F.I.Q.U.E. A quand l’option « smtp qui fonctionne » à 5 euros par mois chez Orange ?

DPI pour tout le monde, censure annoncée (2.3.2 De nouveaux mécanismes, plus intrusifs, de gestion du trafic – page 18)

Et si le débat sur la neutralité du Net n’était en fait que l’occasion de consacrer la DPI, le filtrage et le blocage des sites ? C’est la question que je me posais ici en plein colloque de l’ARCEP pour lequel je n’ai pas même réussi à obtenir mon entrée. Contre toute attente, comme le rapporte Ecrans, la réponse du gouvernement est la suivante : Le rapport va droit au but, assimilant « le traitement différencié de certains flux », dans le cadre du respect des obligations légales, à une« nécessité ». Il précise : « sur l’Internet, comme ailleurs, les agissements illicites (fraudes et escroqueries, délits de presse, atteintes à la vie privée, contrefaçon, piratage des oeuvres protégées par le droit d’auteur, diffusion de contenus pédopornographiques, etc.) doivent être poursuivis et sanctionnés, ce qui peut impliquer la mise en place de dispositifs de filtrage ou de blocage de certains contenus » et de conclure par un superbe « et cætera » dans lequel on pourra par exemple coller allègrement la diffamation, l’outrage au drapeau, la divergence d’opinion… CE QUE VOUS VOULEZ… le vrai symbole d’un « Internet ouvert », on nous avait pas dit que c’était un Internet qui « ouvrait la porte à toutes les fenêtres », c’est maintenant chose faite. Si vous n’avez pas saisi, on parle bien de flicage des internautes où la responsabilité judiciaire serait endossée par les fournisseurs d’accès à qui on confierait les mêmes pouvoirs que les douanes, à savoir une commission rogatoire permanente lui permettant d’analyser toutes vos requêtes et où il pourrait décider de les acheminer ou de les bloquer. Soit en le faisant de manière qui viole clairement votre vie privée, avec la deep packet inspection, soit en se basant sur une analyse statistique (avec un taux d’erreur allant de 6 à 10% selon les papiers de recherche que j’ai pu avoir sous les yeux) avec la stochastic packet inspection. Le point du délit de presse mentionné dans ce rapport est aussi particulièrement inquiétant, on peut en conclure que Médiapart aurait été filtré ou plutôt bloqué à la publication des enregistrements pirates de l’affaire Bettencourt et on s’interroge sur qui aurait pu prendre cette décision (le fournisseur d’accès ? un juge ? l’Elysée ? Le ministère des bonnes moeurs sur Internet ? Frédéric Mitterrand ?…). J’ai du mal à ne pas faire le rapport avec la proposition de résolution sur la liberté de la presse de Muriel Marland-Militello. Le rapport a quand même le bon goût de signaler la DPI comme une technologie intrusive qui pourrait être utilisée à d’autres fins que celles prévenues initialement.

« Quand t’es au fond, il suffit de creuser un peu plus »

« l’AppStore et ne prend pas en charge la technologie Flash, suscite naturellement des questions par rapport à l’objectif de neutralité de l’Internet. »

On assiste enfin ici à une démonstration supplémentaire (et franchement triste) de l’incompétence du rédacteur du rapport qui ne sait visiblement pas que Flash ne fait pas « partie d’Internet » (ou alors j’ai loupé son introduction au W3C et la RFC de l’IETF ). C’est ici une société qui vend un produit propriétaire et qui discrimine la technologie propriétaire d’une autre société, mais ce n’est en aucun cas une atteinte à la neutralité du Net puisque Flash n’a jamais fait parti du Net. Ça respire l’amateurisme et à ce niveau c’est tout bonnement consternant.

En conclusion

Il est triste que la consultation sur la Neutralité du Net, le colloque de l’ARCEP et les tonnes de rapports déjà produits aboutissent à ce que je viens de lire. Même les choses les plus élémentaires comme la définition des termes que l’on y emploi ne sont pas maîtrisées. Je peine à croire que ce compte rendu ait été réalisé avec l’impartialité que l’exercice exige, il est truffé de non sens. La prochaine étape logique serait que le Gouvernement assimile certains usages cryptographiques à des pratiques illicites et n’en vienne à les règlementer, ou qu’il contraigne les FAI à filtrer comme ils peuvent les paquets qu’ils ne peuvent pas déchiffrer. Ça vous paraît ahurissant ? Et pourtant ça colle tellement avec le couplet sur le filtrage, c’est d’une logique implacable, nous risquons bien de nous retrouver avec une obligation de détenir un permis pour avoir le droit d’utiliser SSH.

Si Coluche avait pu constater le nombre d’âneries que contient ce rapport, il aurait conclu que c’est un peu comme un artichaut : « plus on en mange, plus on en a dans l’assiette ».

Je m’arrête ici pour ce soir, mais il risque fort d’y en avoir une seconde couche une fois que ce document sera officiellement rendu public.

Filtrage du Net et FAI à la baguette

Un pas de géant a encore été franchi aujourd’hui, le cap est connu, c’est toujours le même. L’ARJEL ou autorité des jeux en ligne est l’une des Hautes Autorités chéries du législteur, celle ci vise à faire la chasse aux « pirates » (oui il y a une certaines constance là aussi), ou plus exactement aux sites de jeux qui n’ont pas reçu l’agrément… une sorte de lettre de cachet frappée du sceau de la haute autorité qui vous autorise à percevoir dîme en sol numérique françois.

Comme il est de notoriété publique que tous les pédonazicommunistes jouent au poker sur des serveurs situés sur l’île de Malte (dans la baie juste à côté de celle rapatriée en France par le groupe Bolloré 3 mois avant que la loi sur les jeux en ligne ne passe devant le parlement…), on a décidé d’appliquer au sites de jeux qui mouillent en eaux hostiles au portefeuille des copains, le traitement qu’on avait juré qu’on appliquerait uniquement contre les cellules terroristes d’Al-Qaïda et les frameux pédonazicommunistes… le blocage des sites. Depuis l’ARJEL, les joueurs en ligne pestent, ils ne peuvent se mesurer à des joueurs étrangers, les joueurs sont coupés du monde, ils évoluent dans une sorte de casino online pékinois.

Jouer sur des sites dissidents (ou plutôt des sites qui font de la concurrence trop visible à notre fière et belle industrie du jeux online) fait depuis aujourd’hui, l’objet d’un cadre d’application plus précis, dicté par une décision de justice qui a le mérite d’être claire. La catastrophe tant redoutée est arrivée. On plaque une lame sous la gorge des FAI en leur demandant de filtrer par TOUS les moyens possibles et imaginables. Une astreinte de 10 000 euros par jours pendant un mois sera même appliquée si les fournisseurs d’accès venaient à manquer d’entrain pour engager des frais sans contrepartie, sur décision d’une Haute Autorité, dont le principe est en plus de porter atteinte à l’intégrité et la neutralité d’un réseau de communication vital qu’ils exploitent commercialement et qu’ils construisent. Tout de suite on s’imagine qu’une délicate attention comme celle ci ne va pas passer inaperçue et que quelques lobbyistes de la propriété intellectuelle ne se dérangeront pas pour demander aux FAI le même traitement (à titre gracieux) de 50 000 authentifications quotidiennes sur la base d’adresses ip saisies par les sociétés mandatées par la HADOPI et les ayants droit.

La plainte remonte au mois de juin suite à une saisine en référé, on attendait la décison, elle est donc assez brutale. Un peu comme si on demandait à la police d’arrêter les pickpockets par tous les moyens (y compris de faire feu au milieu d’une foule dans un métro bondé)… et oui la justice sait faire preuve d’une délicatesse extrême, elle nous le prouve ici autorisant implicitement le deep packet inspection et ses techniques dérivées, qui comme on s’en doutait risquent de faire fureur :

  • Soit cette décision ne mesure pas ses conséquences,
  • Soit les conséquences sont très bien connues car voulues depuis longtemps.

Dans les deux cas c’est une mauvaise nouvelle et Jérémie Zimmerman à bien raison de souligner le caractère catastrophique de la situation. Voici en substance ce qui a été énoncé : Les FAI doivent “mettre en oeuvre ou faire mettre en oeuvre, sans délai, toute mesure propre à empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés sur ce territoire, au contenu du service de communication en ligne (Stanjames.com)“ et “prendre toutes mesures de nature à permettre l’arrêt de l’accès au service en cause, soit toute mesure de filtrage, pouvant être obtenu (…) par blocage du nom de domaine, de l’adresse IP connue, de l’URL, ou par analyse du contenu des messages, mises en oeuvre alternativement ou éventuellement concomitamment“.

C’est amusant comme tout cela s’emboite bien… comme prévu. Mais ce qui est magnifique ici, c’est que le blocage des sites est arrivé dans notre législation par le jeux en ligne, et qu’on lui donne du premier coup les moyens de muter en ce qu’il y a de pire. La proportionnalité des moyens, on s’en contre fiche, ce qu’on veut c’est bien la peau du Net.

Ça va être long de tenir jusqu’en 2012 !

La neutralité à l’ère féodale du Net

Nos camarades américains en sont encore tout secoués. Des rumeurs faisant état d’une entente entre Google et Verizon visant à discriminer l’accès à des contenus dans un but commercial (une définition admise de l’atteinte à la neutralité du Net), fait couler du pixel. Cette pratique, je vous en avais parlé en version longue ici. Hier, c’est Fabrice, sur Read Write Web France qui en collait une. Fabrice rappelle par exemple que l’intégration verticale des opérateurs allait conduire à tuer le principe fondateur d’un vecteur d’innovation incontestable. C’est assez choquant comme information car jusque là, Google a toujours observé une politique très respectueuse de la Net Neutrality. La motivation de Google porterait sur l’Eldorado de la téléphonie mobile sur lequel on lui prévoit un futur radieux, Android dépasserait alors Apple en nombre de terminaux dés 2012.

Cependant, cet épisode nous rappelle que le mélange des genres entre acteur de « l’internet mobile », fournisseur de contenu, … ne conduit qu’à des situations qui ne peuvent être que préjudiciables à l’intérêt commun. Cette concentration, à l’échelle de ce qu’est Internet, est un point d’histoire qui trouve son pendant dans la période féodale ou quelques seigneurs concentraient le pouvoir. Avec le Net il nous faut réapprendre les vertus de la démocratie alors que ce dernier pousse à des instincts assez primitifs. Instincts primitifs qui sont une parfaite transition avec ce qui suit le billet de Fabrice. On y trouve deux commentaires amusants, on voit que Fabrice agace un peu de monde, du coup on panique et on lâche des scoops (ou du FUD), en omettant deux trois choses …

Vraie ou fausse information, motivée ou non, cette technique est déjà déployée dans un pays européen comme l’Allemagne, où un composant physique équipe les box fournies par les FAI. Mais avec une ou deux nuances :

  • il ne peut être utilisé par les autorité que dans un périmètre légal très strict (commission d’enquête rogatoire pour des crimes particulièrement graves ou des activités de terrorisme).
  • il ne bloque pas le trafic chiffré

Qu’une application généralisée d’un tel dispositif puisse voir le jour en France pour la protection de la propriété intellectuelle, c’est quand même assez énorme de naiveté. Là on ne parle même plus de Net neutrality mais bien d’une splendide société de surveillance avec une arme redoutable offerte à qui voudrait en finir avec notre démocratie. Si ce monsieur est vrai lobbyiste de la propriété intellectuelle, il serait curieux de connaitre son point de vue sur le détournement d’un tel dispositif par des personnes pas « aussi bien intentionnées » que lui.

Le lobby de la propriété intellectuelle, on peut se dire qu’il ne pèse pas lourd devant l’industrie du Jeux par exemple. On imagine bien le genre de choses que ces gens là arrivent à obtenir en catimini, sans que ça n’émeuve l’opinion publique. J’ai bien plus de doutes sur l’efficacité du lobby des industries culturelles même s’il peut se targuer de quelques « victoires » intéressantes. C’est prévu pour quand déjà la carte musique jeunes ?

J’ai tout de même un doute sur les véritables fonctions de notre intervenant mystère, car quand il parle de box qui bloquent le traffic chiffré, c’est faire preuve d’une incompétence technique crasse qui tend à confondre une box avec l’Internet comme un débutant confond le bureau de son système d’exploitation et le contenu de son navigateur…

Dernier point, on a beau être le meilleur lobbyiste du monde, on ne peut pas défendre avec succès des choses par nature improbables. En plus de méconnaitre techniquement Internet, c’est omettre totalement un texte poussiéreux daté de 1789.

Pas de panique Fabrice, pour moi c’est un fake 😉

L’Europe se crispe face à l’ACTA

L’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) commence à faire apparaitre certaines dissensions entre les USA et l’Union Européenne… et bien il était temps ! Tout a commencé avec l’alerte donnée par des euro-députés qui avaient demandé à ce que le détail des négociations soit rendu public. On se souvient d’un vote très consensuel : 633 voix contre 13 se sont exprimées pour que le contenu du traité soit rendu public. Le commissaire européen au Commerce, Karel de Gucht avait fait le dos rond avançant un argument assez fallacieux : « Nous négocions cet accord pour améliorer la protection de l’innovation, pour protéger notre économie ». Argument fallacieux vous disais-je car j’ai franchement du mal à comprendre ce qui menace notre économie et comme beaucoup, je commence à être blasé de ce discours qui tend à dire qu’Internet va détruire toute notre économie. Dans quelques années, nous enfants riront de nous et observeront le produit d’une lapalissade que certains s’obstinent à nier : Internet sur l’économie, c’est un peu comme la loi de Lavoisier « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Certes, Internet va profondément modifier notre tissu économique, c’est inéluctable, et lutter contre serait une erreur magistrale. Opposer à la révolution informationnelle des mesures protectionnistes anachroniques, c’est signer notre arrêt de mort. La cible de l’ACTA, la contrefaçon, sur Internet, c’est l’échange de fichiers. En plus de 10 ans d’immobilisme des professions concernées, cette pratique est devenu un usage. Lutter contre des usages est en soi un peu idiot, mais dans ce cas précis, c’est surtout dangereux. ACTA prévoit par exemple un renforcement de la responsabilité des opérateurs de services qui remet directement en question notre LCEN et qui rend un fournisseur d’accès responsable des contenus qui transitent sur son réseau. Un risque de dérive aboutissant sur une entrave à la liberté d’expression et à des atteintes à la vie privée des citoyens européens serait une conséquence logique de l’ACTA. Un peu comme si on décrétait que la Poste était condamnable parce qu’un copain barbu vous a envoyé de l’antrax au bureau pour votre anniversaire.

Aujourd’hui c’est le gouvernement Néerlandais en la personne de la ministre des affaires économiques, Maria van der Hoeven et de Ernst Hirsch Ballin, ministre de la justice, qui demandait la plus grande transparence sur les négociations et exprimait son opposion à toute modification du droit européen qui pourrait résulter de cet accord. C’est plein de bon sens, certes, mais ça dénote quand même pas mal avec le rapport Gallo. La position du gouvernement néerlandais s’oppose directement aux velléités de riposte graduée à la française et avec la ligne dure que défend le rapport Gallo. Les Pays-Bas rejoignent ainsi l’Allemagne et la Suède dans la liste des pays qui affichent les plus grandes réserves sur ce traité.

ACTA inquiète de plus en plus l’Union Européenne. Numerama, prudent sur la question, parlait de divergences et revenait sur l’éviction de Luc Devigne, négociateur européen, que nous explique ici Astrid Girardeau. Il y a quelque jours, la Quadrature du Net publiait une version consolidée du traité qui serait le texte intégral, résultant des négociations de Lucerne. Un texte qui et consacre la responsabilité des opérateurs de services, principalement les fournisseurs d’accès Internet. La commission LIBE de l’Union Européenne levait alors un loup : « les fournisseurs d’accès à Internet doivent-ils être tenus responsables des actions commises par leurs clients et sont-ils obligés d’appliquer un filtrage du trafic sur leur réseau ? Dans ce cas-là, on pourrait arriver à des problèmes de violation de la liberté d’expression et de la vie privée ». Or, on le sait, le mélange des genres douteux qui pourrait conduire des fournisseurs d’accès, déjà fournisseurs de contenus, à se doter d’outils qui présentent un risque important pour la vie privée des abonnés et pour la neutralité du Net, serait une erreur stratégique lourde de conséquence que nous avions ensemble assez longuement évoqué ici.

Toujours issu du round de négociations de Lucerne, Marc Rees évoque une sacralisation des DRM (Digital Right Management), véritables verrous numériques… vous savez le truc qui vous fait que vous téléchargez systématiquement en P2P les MP3 des CD que vous achetez pour être en mesure de les écouter dans votre voiture, sur votre baladeur ou sur votre ordinateur.  Et là c’est le drame ! Un peu comme si on avait l’impression d’avoir déjà vécu ça par chez nous… c’est pas comme si on avait pas expérimenté le DADVSI. On sait que ça ne fonctionne pas (à un point tel qu’on attend toujours les études d’impact que nous avait en son temps promis le gouvernement), à ce jour, on ne connait toujours pas de cas de condamnation d’un Internaute pour avoir contourné un DRM. Puis quand on y regarde à deux fois, un Internaute qui contourne un DRM, c’est un internaute qui a acheté un disque (une espèce en voie d’extinction) et qui cherche à le lire.  Le contournement de DRM est un usage, en fait une réponse adaptée à une mesure protectionniste stupide.

Le prochain round des négociations de l’ACTA est attendu pour cet été à Washington.

FDN répond à la consultation publique de l’ARCEP sur la neutralité du Net

C’est dans un document PDF de six pages que FDN, le plus vieux fournisseur d’accès à Internet français, développe ses réponses à la consultation publique de l’ARCEP sur la neutralité du Net. Il est aussi vivement recommandé de lire la réponse longue de FDN, particulièrement riche en arguments, les commentaires pour certains très savants sont également une bien saine lecture dont vous auriez tort de vous priver.

Dans un premier temps, FDN souligne la qualité du travail réalisé par l’ARCEP et la pertinence de ses définitions « En particulier, la définition d’Internet, d’un accès à Internet, et d’un fournisseur d’accès à Internet, les notes sur les risques économiques ou liés au droit de la consommation, et la présentation d’ensemble du problème » sont à saluer. FDN souligne que les opérateurs mobiles ont du mouron à se faire et que vendre de « l’Internet illimité » risque d’être plus compliqué si l’on s’en tien aux définitions de l’Internet par le gendarme des télécoms. Un peu plus loin dans ce document, FDN souligne qu’il ne s’agit ni plus ni moins de publicité mensongère.

Concernant la gestion du trafic, FDN revient sur l’opportunité intéressante que présentent les échanges P2P : « L’utilisation de services comme les CDNs, ou comme la propagation par inondation en P2P peut permettre de rendre cette croissance essentiellement déportée, induisant une hausse de trafic sur les parties capilaires du réseau, sans surcharger les interconnexions entre grands opérateurs. » Ça parait d’une logique imparable et pourtant, exception culturelle française, ce sont ces échanges que l’on criminalise et que des outils de pseudo sécurisation tentent de brider. La centralisation des contenus (ou minitellisation de l’Internet) profite à beaucoup d’opérateurs qui poussent encore le vice, en 2010, jusqu’à interdire à leurs abonnés de faire tourner un serveur web ou un serveur de mails sur leur connexion domestique (Interdire aux utilisateurs de faire de l’Internet, c’est une idée particulièrement brillante quand on est fournisseur d’accès à Internet).

FDN revient ensuite sur la fondamentaux que l’ARCEP a un peu occulté : la liberté d’expression est selon FDN un élément du débat sur lequel il n’est pas possible de faire l’impasse : « Ainsi, pour juger de la gravité d’une atteinte à la neutralité du réseau (cette atteinte étant bien constatée par l’ARCEP), on ne peut pas éluder la question des libertés fondamentales. »

Sur la seconde orientation, FDN s’oppose de manière formelle à la création d’offres commerciales visant à prioritariser le trafic. Cette pratique est effectivement par définition une atteinte  importante à la neutralité du Net et il est important que ces manipulations restent un moyen ponctuel de gérer des congestions sur le réseau.

Concernant la quatrième orientation, FDN déplore que rien n’assure que le jeux de la libre concurrence sur les réseaux fibrés sera garanti, l’enjeux pour l’accès aux boucles locales est pourtant particulièrement important : « Selon nous, tout opérateur d’une boucle locale fibre devrait, par défaut, être considéré comme en position dominante localement au marché défini par sa boucle locale, et donc se voir imposer la publication d’offres de référence pilotées par les coûts, tant en matière de dégroupage physique qu’en matière de bitstream. »

À propos de la cinquième orientation, FDN revient entre autres sur les politiques de peering des opérateurs, considérées à juste titres comme très discriminantes puisque ces derniers imposent un volume de trafic minimum pour accepter une interconnexion (ce qui est en soi assez stupide et bride de fait le jeux de la concurrence).

Enfin, sur le sixième considérant, FDN souligne un petit paradoxe de cette consultation concernant les diverses mesures de filtrages : « Et il nous semble étrange de demander aux opérateurs de préciser par écrit en quoi ils contreviennent à leurs obligations légales et réglementaires… » FDN plaide ici en faveur d’offres comerciales permettant de répondre à des sur consommation ponctuelles, mais en observant un tarif raisonnable et cohérent. Cette logique, FDN la pratique depuis 18 ans avec succès « le règlement intérieur de l’association prévoit-il explicitement la notion de sur-consommation, sous la forme d’usages entraînant un surcoût pour l’association. Et le règlement intérieur propose deux pistes pour l’abonné : soit cesser cet usage à la première injonction du surcoût engendré, soit assumer ce surcoût« .

En conclusion, on peut considérer que le point noir de cette consultation reste la définition de la licéité des contenus et du rôle que le fournisseur d’accès, pourrait avoir à gérer, dans un futur proche. C’est d’ailleurs en ce sens que ces derniers s’arment lourdement. C’est bien ceci qui risque de nous conduire à une situation assez nauséabonde de « quasi neutralité » où les fournisseurs d’accès sont aussi des fournisseurs de contenus et des gendarmes du Net qui faussera la concurrence à la base et s’essuiera les pieds sur la neutralité du Net

ACTA : une bataille gagnable

Et si tout basculait grâce à 5 gus dans un garage ? Et si l’Union Européenne était finalement capable de dire non ? La Déclaration 12 voit son échéance repoussée au 9 septembre 2010. Du temps supplémentaire afin de recueillir le nombre de signatures nécessaires soit 369 pour faire de la Déclaration 12, une déclaration officielle du Parlement Européen. La prochaine plénière de septembre sera donc décisive, mais on peut considérer que c’est plutôt très bien parti. Ces signatures de membres du Parlement Européen appuient la Déclaration 12 qui incite à plus de transparence et qui rappelle subtilement certaines libertés fondamentales sur lesquelles l’Union Européenne doit montrer une vigilance extrème et sur des points aussi cruciaux que la responsabilité des fournisseurs d’accès Internet, la liberté d’expression, l’innovation, la procédure judiciaire… elle ne devrait pas avoir à transiger.

Jeudi dernier à l’issue de la session parlementaire, Numerama rapportait qu’il ne manquait que 16 signatures pour atteindre les 369 nécessaires. Si cette déclaration s’officialisait, elle jetterai comme un froid sur cet accord commercial multilatéral à l’initiative de lobbys des industries culturelles. Portée depuis début mars par les eurodéputés Françoise Castex (S&D, FR), Alexander Alvaro (ALDE, DE), Stavros Lambrinidis (S&D, GR) et Zuzana Roithová (EPP, CZ), la Déclaration écrite n°12, résolument anti ACTA, pourrait faire date et redevenir ACTA comme un texte du passé. L’Union Européenne pourrait alors construire un cadre moins anachronique.

La déclaration n°12, même dénuée de valeur juridique, porte sur 7 points qui sont une attaque à visage découvert d’ACTA et qui ne sont pourtant que des rappels de principes généraux adoptés par l’Union Européenne et qu’elle est donc sensée défendre :

A. considérant les négociations en cours concernant l’accord commercial anti-contrefaçon (ACAC),

B. considérant que le rôle de codécision du Parlement européen en matière commerciale et son accès aux documents de négociation sont garantis par le traité de Lisbonne,

1. considère que l’accord proposé ne doit pas imposer indirectement l’harmonisation de la législation européenne sur le droit d’auteur, les brevets ou les marques et qu’il convient de respecter le principe de subsidiarité;
2. déclare que la Commission devrait immédiatement mettre à la disposition du public tous les documents relatifs aux négociations en cours;
3. estime que l’accord proposé ne doit pas imposer de restrictions à la procédure judiciaire ni affaiblir les droits fondamentaux tels que la liberté d’expression et le droit au respect de la vie privée;
4. souligne qu’une évaluation des risques économiques et d’innovation doit précéder l’introduction de sanctions pénales dans les cas où des mesures civiles sont déjà instaurées;
5. considère que les fournisseurs de services internet ne doivent pas être tenus responsables des données qu’ils transmettent ou hébergent par l’intermédiaire de leurs services dans une mesure qui impliquerait une surveillance préalable ou le filtrage de ces données;
6. signale que toute mesure visant à renforcer les compétences en termes de contrôle transfrontalier et de saisies de marchandises ne peut porter atteinte à l’accès à des médicaments légaux, abordables et sûrs à l’échelle mondiale;
7. charge son Président de transmettre la présente déclaration, accompagnée du nom des signataires, au Conseil et à la Commission, ainsi qu’aux parlements des États membres.

Il faut mettre en perspective cette déclaration en pleine période de vote du rapport Gallo qui fait bien tâche à côté de cette déclaration en affichant des recommandations pro HADOPI et acquises à la défense d’un copyright de manière aussi aveugle que dangereuse. Récemment repoussé pour la rentrée le rapport Gallo s’attaque à la responsabilité des FAI sur les contenus qui transitent sur leur réseau et dissimule mal ses multiples atteintes à la neutralité du net.

Et si le Président pouvait couper Internet ?

On se calme ! L’idée ne vient pas d’un député français mais de sénateurs américains (… ah! Vous non plus ça ne vous rassure pas ?). En plus elle n’est pas vraiment nouvelle. Mais n’empêche quand on y pense, ça peut faire un peu peur.

On sait qu’Internet est au coeur de tous les systèmes d’information des entreprises, des administrations, des forces armées… cet état de fait rend vulnérable une nation à des attaques encore rares mais bien réelles, comme on a pu le voir avec la Georgie ou l’Estonie. Le Sénat américain propose donc que le président puisse avoir le loisir d’éteindre une partie du Net en cas d’attaque .. ou de diffusion d’une information pouvant mettre en danger la Nation. Typiquement la diffusion d’informations financières érronées destinées à faire plonger un cours de bourse en vue d’une OPA, ou, et là c’est plus sérieux, des informations classées défense.

« nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre un cyber 11 septembre avant que notre gouvernement réalise l’importance de protéger nos ressources informatiques » (Susan M. Collins)

Le projet de loi est principalement porté par le sénateur  Joe Lieberman qui le décrit comme un ensemble de mesures visant « à préserver les réseaux actifs et de notre pays et de protéger notre peuple ». C’est un discours qui nous est assez familier en Europe, car la censure, c’est bien connu, c’est toujours pour « vous protéger ». TechAmerica s’inquiète de dérives possibles et d’un risque de contrôle absolu de l’État sur le Net qui s’octroi par exemple le pouvoir « d’arrêter ou de limiter le trafic Internet sur les systèmes privés ».

Concrètement, le président disposerait du droit de contrôler l’Internet… un terme qui revient de plus en plus sur la table et qui passera probablement les frontières dans peu de temps. Contrôler un flux d’information est fort complexe, la meilleure solution reste donc celle du blackout pur et simple et c’est bien ce qu’envisage le Sénat américain. Le projet implique que toutes les entreprises, les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, les sites d’information… devront se plier aux directives du DHS (Department of Homeland Security) qui prend la menace Internet de plus en plus au sérieux.

Rappelons que contrairement à la stratégie politique qui se dessine en France, les fournisseurs d’accès américains n’ont aucun droit d’exercer une surveillance des citoyens américains.

Cette proposition intervient dans un contexte international assez tendu pour les USA qui traquent activement le fondateur de Wikileak, Julian Assange et l’arrestation de Bradley Manning qui est soupçonné d’être la source du plus gros buzz de Wikileaks, une video assez horrible que je n’ai pas vraiment envie de diffuser ici. Filmée à Bagdad au coeur des affrontements depuis un hélicoptère de l’armée américaine, on peut y voir groupe de personnes (en fait un journaliste et des civils … même deux enfants) sur lequel l’hélicoptère ouvre le feu. C’est un carnage. Wikileaks assure le teasing d’une prochaine vidéo à venir et les autorités américaines sont sur les dents car cette histoire plonge l’administration dans un sérieux embarras, on peut les comprendre.

Si cette loi venait à passer aux USA, nous aurions donc de fortes chances d’hériter dans nos contrées de projets de loi similaires (même si elle ne passe pas d’ailleurs), la grande inconnue maintenant est la définition exacte du périmètre de la main mise des États sur le Net.

HADOPI : Le Deep Packet Inspection est bien au menu

L’octet sera légal ou ne sera pas !</DPI inside>

Comme je vous le disais, j’en ai pas dormi. Tout ce passe comme nous l’avions imaginé dans le pire des scénarios imaginables. Il faut d’abord bien écouter ce que dit ce monsieur, puis vous souvenir de cette histoire de « quasi neutralité », ou encore de NKM qui nous explique que la Neutralité c’est accéder à tous les contenus « légaux » transformant avec sa baguette magique les backbones en cyber douaniers capables de reconnaitre des octets contrefaits. Il faut dire qu’on l’avait senti venir de loin le Deep Packet Inspection !

La petite soirée de lancement de la HADOPI a été riche et Marc Rees de PCInpact, présent sur les lieux, a enregistré des perles ! J’ai eu la chance de l’avoir au téléphone dés son retour et c’est la voix emprunte de consternation qu’il m’a révélé que la HADOPI planifiait bien l’insoutenable en confiant une mission à un anti Net Neutrality convaincu, Michel Riguidel, celle de spécifier techniquement le mouchard HADOPI.

Chers internautes, la riposte graduée est bien une étape pour instaurer le filtrage DPI. Je soupçonne aujourd’hui fortement le gouvernement d’avoir instrumentalisé l’ARCEP d’une manière assez abjecte : « vous avez vu comment on est forts en démocratie et en écoute ? on vous a servi des supers spécialistes » … et hop on nous sort une « quasi neutralité » dans laquelle le téléchargement illégal devient prétexte à filtrer Internet en utilisant des outils dont on est assuré que d’une chose, c’est qu’ils ne sont pas maîtrisés.

Mais il y a un petit hic … c’est que le DPI, ça n’est possible que sur les infrastructures des fournisseurs d’accès, à des endroits bien stratégiques du réseau. La HADOPI dit entretenir de bonnes relations avec les fournisseurs d’accès et que les expérimentations de filtrage avancent. C’est amusant, car ayant travaillé pour un FAI et entretenant encore quelques relations, j’entend tout le contraire et j’ai plus tendance à croire mes sources que la HADOPI. Et mes sources disent que le DPI ils n’en veulent pas, ils n’en poseront pas (sauf obligation légale), et surtout ils ne le financeront pas ! On sait aussi que pas un seul centime n’a encore été déboursé aux FAI pour supporter le coût des délires orwelliens des cyber pieds nickelés.

HADOPI devrait donc en toute logique être étendue à d’autres protocoles que le Peer to Peer, en tous cas la HADOPI souhaite s’équiper en ce sens. En tout cas en France, qu’on se le dise, la Net Neutrality, c’est finit !

Les mails partiront bien sans que le mouchard HADOPI ne soit labellisé

Et oui ! Notre madame Michu devra se taper une formation accélérée d’administrateur système et réseaux, la HADOPI laissera à la discrétion du juge toute contestation, si tant est que notre madame Michu ai les moyens techniques et surtout financiers de se défendre, elle est bien présumée coupable ! La HADOPI souhaite passer en force … un très mauvais calcul face aux internautes qui ne manqueront pas de se rappeler à son bon souvenir. Le décret d’application concernant le délit de négligence caractérisée est évidemment toujours très attendu et ne devrait plus tarder. La CNIL émettra un avis mais rappelons que ce dernier n’est que consultatif.

Mais ne nous pressons pas car le mouchard HADOPI nous promet aussi de grands moments, on le soupçonne toujours aussi fortement de s’asseoir sur un modèle client / serveur ( j’ai beau chercher il n’y a que comme ça qu’il peut fonctionner). Le serveur communiquerait la liste des fichiers (les hashing) et le mouchard irait scanner les disques durs. Heureusement, pour le mettre en prison dans une machine virtuelle, TMG vous propose de télécharger VMWare sur l’un de ses serveurs.

La HADOPI a du sentir le vent venir, du coup, le mouchard installé sur l’ordinateur ne suffira plus à disculper un internaute, il ne devient qu’un élement parmi d’autres.

Autre information importante, les critères qui détermineront si le dossier d’un internaute incriminé est transmit ou non au parquet reste un mystère. Après le délit de sale gueule, nous orientons nous vers un délit de sale IP ?

La pédagogie, avec HADOPI, c’est terminé, il ne reste plus que le volet répressif.

Mireille Imbert-Quaretta, membre de la commission s’en explique d’ailleurs le plus tranquillement du monde : «Hadopi ne vise pas les pirates, mais la négligence caractérisée, si l’internaute a fait en sorte que son ordinateur ne soit pas assez protégé face aux risques de piratage».

Un logo plus respectueux du droit d’auteur #lol

Plus anecdotique, la HADOPI a abandonné son logo ou elle utilisait une typographie dont elle n’avait pas les droit. C’est plus austère, elle perd son gros nez rouge.

Le temps pour moi de digérer les articles et d’écouter attentivement les enregistrements réalisés par PCInpact, et c’est promis, on a pas finit d’en causer.

Voici les articles promis de PCInpact :

Merci Marc pour le boulot abattu cette nuit.

Laure de la Raudière (UMP) en croisade contre l’E-gnorance ?

Le temps des godillots serait il définitivement révolu à l’UMP ? Laure de la Raudière, député UMP d’Eure-et-Loir et secrétaire nationale de l’UMP en charge des médias et du numérique est sortie des sentiers battus. Dans une interview accordée à ITespresso Laure de la Raudière, par ailleurs diplômée de l’Ecole Normale Supérieure et ingénieur en chef des télécommunications. Je vous propose de revenir sur les nombreux temps forts de cette interview (je remercie Niko au passage de me l’avoir signalé et ITespresso d’avoir débusqué Laure de la Raudière qui redonne un peu confiance en l’avenir).

Au sujet du positionnement politique de l’UMP à propos de la loi HADOPI :

Laure de la Raudière n’y va pas par 4 chemins, elle est clairement contre la solution qui a été apportée par le gouvernement au problème des pertes de revenus des industries de la culture.

  • « la loi a été conçue dans le domaine de la culture pour protéger la propriété intellectuelle (…)« 
  • La riposte graduée : « l’avertissement que ce qu’ils font est illégale me parait  intéressant, (…) en revanche la loi qu’on a voté avec la coupure d’internet ne me parait pas pertinent , je vous le dit assez honnêtement, moi je n’ai pas voté la loi » (…)
  • « elle ne résoud pas le problème du téléchargement illégal ».
  • « il ne faut pas légiférer trop vite ».
  • « ça ne sert à rien de se battre contre Internet ».
  • « il faut accompagner nos industries traditionnelles »

Un petit regret concernant l’offre légale dans ses propos, Laure de la Raudière parle de pertes de recettes sans toutefois, comme d’habitude, établir une corrélation cohérente entre le téléchargement et la perte de revenus des moines copistes de DVD (encore une fois, toutes les études tendent à dire le contraire, phénomène évidemment explicable par la crise économique et financière … et oui en temps de crise, on reporte ses achats sur des produits de première nécessité, il n’y a rien d’étonnant à voir les industries du divertissement plonger plus que les magasins Leader Price … allez donc savoir pourquoi…).

Au sujet de la Neutralité du Net, faut il légiférer ?

« La neutralité du Net n’est pas négociable« , mais le député souligne que si on laisse faire, ce sont les FAI qui vont imposer leur concept de Neutralité.

Au sujet de la taxe Google …

« taxer google je sais pas comment faire (…) tout le monde produit sur Internet »

Une « taxe Google » dit comme ça c’est complètement stupide, ça ne manque d’ailleurs pas de faire rire Laure de la Raudière autant que nous. Une récente longue discussion avec Alexandre Archambault (Iliad) me donne d’ailleurs l’envie de développer un peu ce sujet (je ferai ça dans un autre billet car la conversation a été très riche), mais Laure de la Raudière donne une piste intéressante dans laquelle des entités majeures de l’Internet, fortes consommatrices d’infrastructures pourraient participer au financement des réseaux en bonne intelligence (et sans légiférer, il y a moyen de faire déjà beaucoup de choses, en bonne intelligence). Le meilleur levier serait une volonté gouvernementale d’accueil de ces acteurs pour équilibrer les infrastructures des services au niveau mondial par relocalisation géographique. Tout le monde serait gagnant.

Au sujet de la couverture THD sur l’ensemble du territoire

« La solution ultime c’est la fibre pour tous ». Le constat de Laure de la Raudière sur la capacité de financement d’une infrastructure full fibre est réaliste, très pertinent, elle nous donne des pistes intermédiaires avec la couverture 4G.

Vers un ministère du numérique ?

Laure de la Raudière rappelle les nombreux intervenants gouvernementaux qui ont à se prononcer sur les affaires du numérique, il en résulte sur un arbitrage du premier ministre et des décisions que l’on connait, aboutissant à des textes ni faits ni à faire, inapplicables et fort couteux pour un résultat NUL (vous avez vu combien de condamnés pour contournement de DRM suite à la la loi DADVSI vous ?… ne cherchez pas il n’y en a eu AUCUN … on a légiféré pour protéger un truc stupide qui a finbalement été abandonné par les industriels eux même, le coût de cette blague n’a même pas été évalué et le gouvernement refuse en bloc d’être transparent sur les effets de DADVSI … on peut le comprendre vu le flop).

Un ministère du numérique, ou tout simplement un secrétariat d’Etat qui ferait son travail, serait un plus indéniable, et je rejoins parfaitement la député de la Raudière sur ce point.

A propos de la gouvernance d’Internet Laure de la Raudière plaide en faveur d’une « gouvernance ONUsienne », ce qui est loin d’être une bétise.

Ce qui m’énerve dans tout ça …

L’UMP, par le biais de cette interview, démontre qu’il dispose de gens cortiqués qui n’ont JAMAIS été écoutés. Pourquoi HADOPI a t-elle été confiée à Christine Albanel alors que l’on découvre aujourd’hui des gens bien plus compétents qu’elle sur ces questions ? Laure de la Raudière apporte des arguments valables et démontre qu’elle maitrise parfaitement son sujet. Dans ces conditions on s’interroge sur la pertinence d’ériger le ministère de la Culture en législateur du Net, comme si on confiait la fiscalité au Ministère des affaires étrangères… La politique menée par Nicolas Sarkozy fleurie d’incohérences de ce genre, on veut faire vite, donc on fait n’importe quoi. Personne dans l’entourage présidentiel ne semble parvenir à calmer les ardeurs qui poussent le gouvernement à faire des cadeaux comme HADOPI aux industries culturelles en se tirant une balle dans le pied qui va couter cher à tout le monde.

Laure de la Raudière m’a quand même redonné quelques espoirs mais il est évident, qu’elle comme d’autres ne suffiront pas à raisonner certains dirigeants totalement déconnectés, il en faudrait une centaine comme elle pour y parvenir.