Voilà qu’Éric Besson, qui avait intenté une procédure visant à faire en sorte que Wikileaks ne puisse être hébergé en France rectifie le tir. Il faut dire que comme prévu, il s’est heurté à une ou deux subtilités de notre droit, des vieux trucs du bouquin le plus poussiéreux qu’on puisse avoir dans une bibliothèque et qu’on a pas forcément en tête… la Constitution Française… liberté d’expression, liberté de la presse tout ça… et deux trois morceaux de LCEN qui définissent par exemple la responsabilité d’un prestataire technique. Comme c’est un peu compliqué, là ou Eric Besson ne comprenait pas bien sur quoi se fondait la requête d’OVH, persuadé qu’il était que l’État avait son mot à dire, le juge s’est déclaré incompétent et de conclure que la question méritait un débat contradictoire… et oui, c’est bien moins simple que prévu .
Sommes nous donc naïfs, nous avions cru l’espace d’un temps qu’Éric Besson avait oublié tout ça.
Il nous le promet, c’est dans le Figaro, ce n’était pas le cas et d’ailleurs, il n’a jamais demandé « l’interdiction de Wikileaks »…. C’est vrai, il a simplement demandé qu’on l’expulse (un vieux réflexe ?), qu’on le censure, qu’on se cache les yeux… pas qu’on l’interdise voyons !
Même moi je me suis laissé prendre, j’aurais du être plus méticuleux dans mes vérifications. J’aurais du consulter une experte qui avait visiblement tout mieux compris que moi les intentions de Monsieur Besson motivant sa requête au CGIET. Cette experte vous la connaissez tous ici, c’est l’irremplaçable député Marland-Militello, qui en connait un rayon sur la liberté de la presse… et bien elle aussi avait interprété le message de monsieur Besson à sa manière.
La député Militello avait relevé une subtilité : ce n’est pas Wikileaks que le ministre cherche à interdire… c’est son hébergement ! … Sommes nous sots, aujourd’hui Monsieur Besson nous l’assure, il n’a jamais voulu censurer Wikileaks… jamais !
Wikileaks est toujours et plus que jamais en ligne, il continue d’être la cible d’attaques massives par déni de service, il est aussi aujourd’hui fort probablement le site le plus mirroré du monde.
Un article assez intéressant paru sur la Tribune nous explique la faible marge de manœuvre d’Éric Besson suite à sa saisie du CGIET visant à faire interdire l’hébergement de Wikileaks en France. Le rapport du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies commandité par Éric Besson sera normalement remis cette semaine. De son côté, pour OVH qui avait lancé une procédure en référé, le Tribunal de Grande Instance de Lille ne semble toujours pas avoir accusé réception de demande de l’hébergeur en sa qualité de prestataire technique d’un contenu dont on ne saurait dire s’il est légal ou pas. Le premier problème, c’est la reconnaissance de la classification secret américaine en France : les documents classifiés aux USA ne sont pas classifiés en France.
Là où Éric Besson voit une violation du traité de Vienne sur les relations diplomatiques, ce traité ne fait référence qu’aux communications d’un État avec un autre État.
On continue en outre à s’interroger à propos de cette focalisation exclusive sur Wikileaks, pour le moment, le ministre ne semble avoir intenté aucune action vis à vis du quotidien Le Monde qui diffuse lui aussi les câbles de la discorde.
La menace d’une première infowar mondiale se précise. Le Cablegate, jour après jour, nous apporte son lot de confirmations de suspicions, des attaques de Google en Chine à la pression exercée par les USA sur l’Espagne en matière de lutte contre le piratage (après le Cablegate, gageons qu’ACTA n’est plus qu’un mauvais souvenir), jusqu’à des sujets plus lourds comme l’armement nord coréen ou iranien. Le Cablegate est global, mondial, c’est le Cablegate du fond, c’est le Cablegate que tout le monde dénigre à coup de « on apprend rien », Assange est un pédonazi, Braddley Manning un homosexuel idéaliste et désœuvré… C’est le Cablegate que tout le monde dénigre mais qui fait trembler les capitales et que les États font des pieds et des mains pour tenter de stopper. C’est le Cablegate qui va maintenant s’attaquer aux banques…
Le Cablegate de la forme, c’est Wikileaks. Un site web, administrés par quelques gus dans un garage. Un site qui cristallise les positions des grandes démocraties mondiales. Faut-il faire taire Wikileaks ? Vous vouliez une expérimentation grandeur nature de ce que les pays peuvent filtrer sur Internet ? Vous l’avez, observez le résultat, jamais une telle pression sur les libertés individuelles n’aura été observée : menaces, censure, attaques informatiques, campagnes de communication de crise… pour un résultat nul : Wikileaks est encore et sera toujours en ligne, Wikileaks est devenu le mobile de la première infowar mondiale.
On veut faire taire Wikileaks ? Pour chaque domaine que Wikileaks se fera censurer, 100 domaines seront créés… you don’t fuck with the internets.
Les attaques par déni de service sur Wikileaks ? Le meilleur moyen de s’exposer à une riposte qui tapera au portefeuille, ou pire encore… souvenez vous acs:Law. L’infowar, pour un gouvernement (peut être à l’exception du gouvernement chinois qui ne demande qu’à profiter de la confusion), c’est le VietNam. Le Net est comme une rizière géante dans laquelle chaque internaute est un soldat potentiel. Si infowar il y a, ce sera l’infowar de la forme, peu importe le fond, on ne censurera pas Wikileaks.
Dans une démocratie normale, un ministre n’a pas à s’octroyer les pouvoirs d’un juge et l’empressement de Monsieur Besson à expliquer que « l’État a son mot à dire » est la démonstration parfaite de sa méconnaissance de la problématique à laquelle il se retrouve confronté. Quand la France héberge Wikileaks, le monde ne voit pas l’allié des américains, le monde voit le pays des droits de l’homme et du citoyen, le pays de la liberté d’expression. Rien que pour ça, l’intervention de Monsieur Besson était anachronique, à côté de la plaque. Ensuite Wikileaks et plus généralement le Cablegate auront un impact sur nos démocraties. Vous pouvez être pour ou contre, le monde s’en fout, le monde vous demande juste de vous y préparer et de commencer à travailler pour que ceci se fasse bien, dans le respect des droits de chacun. Sinon, en guise d’infowar, vous ferez comme pour la pédophilie, le terrorisme, les jeux en ligne, et plus si affinités, vous bloquerez, vous filtrerez en disant « regardez, ceci n’existe plus et c’est grâce à nous« … et vous n’aurez trompé personne, vous aurez refusé de faire votre travail en vous cachant derrière votre petit doigt avec la censure bête et méchante comme seule réponse à un tournant historique de la géopolitique contemporaine. La France avait un moyen de briller en portant un message fort, monsieur Besson nous a donné matière à rougir.
Essayer de couler l’iceberg Wikileaks, c’est s’attaquer à la forme quand on arrive pas à attaquer le fond. Et sur le fond, Wikileaks a déjà gagné la guerre : Wikileaks est vérité, la presse mondiale (qui elle aussi publie mais ne semble faire l’objet d’aucune attaque) en atteste. Wikileaks a marqué beaucoup, beaucoup de points, et continue d’en marquer à chaque tentative de censure ou prise de positions sur les déclarations d’intentions par rapport à la régulation du Net. Wikileaks est un accélérateur, il laisse comme seule alternative aux USA l’infowar …au moment où ils sont à découvert. Personne n’a intérêt à une escalade, censurer Wikileaks est le meilleur moyen d’encourager cette escalade.
Eric Besson était sur Europe 1 ce matin. Pénible comme intervention. Vous pouvez l’écouter ici, ça commence vers 14’30 ». Toute la pénibilité de l’homme qui sait qu’il fait le choix de s’engager sur une pente glissante mais qui est obligé de passer par là s’il veut être entendu dans tout ce bruit. Et bien tout ça ne sent franchement pas bon à la veille de la seconde lecture de LOPPSI 2, les intérêts du ministre de l’industrie qu’il est (et il le rappelle, Internet est une industrie), convergent avec ceux de certains fournisseurs d’accès, des équipementiers, et convergent également avec l’orientation sécuritaire de la politique actuelle du gouvernement. L’affaire Wikileaks devrait donc naturellement s’inviter dans les débats de l’Hémicycle et j’ai bien peur que l’on ne se mette à reparler de technologies de reconnaissance de contenu ou encore plus stupide, comme un gros bouton rouge pour couper l’Internet.
J’ai été soufflé de l’aplomb avec lequel Eric Besson, s’est substitué à un juge français et américain en même temps pour décréter Wikileaks comme une organisation criminelle. Notre ministre fait des raccourcis un peu rapides : il part du principe admis que Wikileaks est un site criminel parce qu’il a volé des documents, première erreur, Wikileaks n’a rien volé, il a diffusé des documents supposés volés. Quand on lui demande pourquoi il n’attaque pas le quotidien le Monde, Eric Besson n’en ramène d’ailleurs franchement pas large. Eric Besson lâche ensuite une position bien tranchée sur le rôle de l’État dans le cadre de la censure d’un site web : « l’Etat a son mot à dire ». Le ministre se lance après dans une définition de ‘l’Internet libertaire’ pour lui, c’est l’Internet des pédophiles et des terroristes. Peu de doutes, Monsieur Besson a bien envie de nettoyer ton Internet, il a décidé que l’État devait se prononcer sur la légalité des contenus sur Internet et qu’il est à même de juger un homme, quitte à se soustraire à la justice… américaine.
Le Cablegate aura un effet positif, les véritables intentions des uns et des autres en matière de filtrage vont pouvoir librement s’exprimer et on verra qui défend quelle position. On devrait donc vite voir assez clair dans le jeux de personnes qui ont tout intérêt à tenter de filtrer Internet. Grâce au Cablegate, on aura au moins appris qu’Éric Besson se fout bien qu’un juge ait à se prononcer sur la légalité d’un site web ou pas, le shériff, c’est lui.
Mise en cause de la vie d’autrui
Eric Besson condamne de fait Wikileaks en retenant un chef d’inculpation que même les lawyers de la Maison Blanche n’ont pas retenu pour poursuivre Wikileaks (en tout cas ça leur semble bien moins évident que pour monsieur Besson), d’ailleurs le site ne fait pas à ma connaissance l’objet de poursuite directe, c’est Julian Assange que l’on poursuite pour un un très supposé crime sexuel… et on va voir la tronche du crime.
Le mandat d’arrêt international contre Julian Assange, cette red notice Interpol ne parle même pas de viol, d’agression sexuelle; juste un « sex crime » qui fait référence à un « rapport sexuel non protégé« …. pas une agression, pas un viol, pas une mise en danger de la vie d’autrui (ou alors leur astuce juridique est là mais ils auraient pas oser quand même.. c’est un peu grossier)… c’est un homme, l’homme le plus recherché du monde… que l’on recherche officiellement dans le monde entier pour ne pas avoir mis de capote !
Pourtant, Eric Besson invoque lui une mise en danger de la vie d’autrui et soutient que l’État américain a porté plainte pour des activités criminelles.
Et bien montrez nous un indice de cette plainte, car la red notice elle, elle n’en parle pas.
Le casting vient de tomber, j’ai deux nouveaux ministres, je suis super content ! Du coup je me suis dit que j’allais partager ça avec vous.
Au numérique, c’est le grand retour d’Eric Besson qui pensait s’en tirer en refilant la patate chaude et son plan Numérique 2012 à NKM, où sur le papier, la France était leader du monde des Internets avec du très très haut débit dedans. Ça aurait pu être bien pire, Internet conserve une représentation politique. Là vous vous dites « super, je vais pouvoir créer ma startup, j’ai un ministre »… ne t’enflamme pas jeune padawan, si tu veux créer ta startup, tu auras un autre ministre, et c’est Frédéric Lefèbvre qui récupère l’artisanat et les PME, en plus du tourisme (histoire de ne pas trop le dépayser). Ajoutons à ça un coup de rabot sur le statut des jeunes entreprises innovantes… ça te donne envie hein ? Moi aussi … de délocaliser.
Si le retour d’Eric Besson n’est pas le coup de théâtre du siècle, j’ai beaucoup de mal à m’expliquer la nomination de Frédéric Lefèbvre, peut être une manère pour la présidence de remercier un fidèle parmi les fidèles en quête de mandat.
Depuis jaimelesartistes.fr et les péripéties du site de propagande du ministère de la Culture, le gouvernement a fait quelques petits progrès … mais force est de constater que c’est pas encore ça. J’ai commencé à entendre parler très récemment, le 2 décembre pour être exact, d’une rumeur qui voudrait qu’Eric Besson, dans l’empressement à capter l’attention des médias suite aux affaires Jean Sarkozy et Frédéric Mitterrand, avait oublié 2/3 choses avec son site web tout neuf sur lequel le gouvernement n’a pas été avard de buzz.
Quand on lance une plate-forme communautaire, figurez vous qu’elle ne fonctionne pas toute seule, quand des dizaines de milliers de commentaires affluent sur le site et que ceux ci sont modérés à priori, et bien il faut les valider ou les censurer … il s’agit d’un traitement humain. Très vite, le site de débat sur l’identité nationale s’est vu littéralement floodé d’à peu prêt tout et n’importe quoi, mais voilà, il n’y avait personne pour modérer. En panique le ministère se serait vu dans l’obligation de délocaliser cette modération à Madagascar ! Un comble pour l’identité nationale, un ministre qui s’est rendu compte que le travail en france à un coût … et que ce coût est quand même franchement moins élevé ailleurs. Je vous l’avais brièvement glissé à demis mots sous forme de private joke pour l’ami Besson, il y a quelques heures dans ce billet, mais cette fois c’est Fluctuat.net qui lâche le morceau venant ainsi confirmer mes sources…
Je viens de tomber sur un excellent billet de Fabrice Epelboin que j’ai en outre rencontré pas plus tard qu’hier à la Cantine, à l’occasion de Pas Sage en Seine.
Fabrice y explique comment Home, l’œuvre de Yann Arthus Bertrand soit disant » allégée en copyright » est en fait une parfaite arnaque sur le plan de la propriété intellectuelle. Attention nous ne blâmons en rien Yann Arthus Bertrand dont on ne peut que saluer l’initiative (peut être un peu trop naïve) de s’associer à Luc Besson pour permettre une diffusion libre et affirmant que l’œuvre ne fait l’objet d’aucun copyright. Le film est bien copyrighté puisqu’il ne propose aucune licence d’utilisation valable clarifiant les droits d’utilisation de l’œuvre … j’irai même un poil plus loin en ajoutant qu’il est sous le coup non pas du copyright mais de la propriété intellectuelle : imprescriptible, inaliénable … tout ça … mais ça ne change pas grand chose dans le cadre de la diffusion et de la réutilisation de l’œuvre puisqu’en aucun cas ces actes ne peuvent retirer aux auteurs leurs droits moraux … encore une nuance que les majors ont bien occulté pendant les débats sur Création et Internet). Un billet brillant dans lequel l’auteur rappelle que gratuit ne veut pas dire libre (et Luc Besson a définitivement du mal avec cette notion).
Il n’y a que Luc Besson pour croire que l’Internet permet de diffuser une œuvre n’importe comment sans spécifier si le travail a le droit d’être repris diffusé, modifié … Une licence Art Libre ou Creative Commons serait venue clarifier le flou artistique de ce qui ressemble plus à une opération de communication de Luc Besson sur le dos de Yann Arthus Bertrand qu’à une véritable intention de laisser le public jouir cette œuvre…
une erreur de parfait newbie intelligemment relevée par Fabrice … très bien vu !
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