Un très bon article paru sur Kitetoa revient sur les origines de la fuite. On y apprend que le Département d’État américain ne pouvait ignorer le risque et que les conditions propices à cette énorme fuite sont le produit plus ou moins direct des attentats du 11 septembre 2001. Le 11 septembre a déclenché une restructuration de la politique de partage des informations de l’administration américaine, particulièrement en matière de terrorisme où on a souhaité volontairement informer plus de monde, surement dans le but d’augmenter les chances de recoupements sur les affaires de terrorisme..
Le problème est que cette politique d’ouverture et d’interconnexion de réseaux a bien favorisé l’accès à des informations relativement sensibles à des personnes peut être pas forcément formées pour y accéder. Les risques humains sont évidemment évoqués par le Département d’État et il était surement bien conscient qu’ils n’étaient pas les seuls. Les documents diffusés sur Kitetoa montrent que même les équipements matériels faillibles sont connus, géographiquement localisés. Ainsi on se rend compte que le NIPRNet n’était et n’est surement pas toujours très imperméable.
Les anonymous mènent en ce moment un gros raid, on comptait déjà parmi les cibles des sites comme Paypal, Mastercard, la Banque Postale Suisse… voici maintenant que des sites gouvernementaux français sont aussi pris pour cibles. Le premier à en faire les frais est le site Droits de Jeunes où une vulnérabilité XSS permet de revoir un peu la peinture du site, rien de bien grave.
Les attaques par dénis de service sont celles pour le moment utilisées contre les cibles des anonymous, c’est également celles qui sont utilisées à l’encontre du site Wikileaks. Ces attaques sont très pénalisantes car elle portent un préjudice direct à l’activité des sites qui en sont victimes. Rappelons que l’atteinte au système de traitement automatisé de données est évidemment illégal et passible d’une peine allant jusqu’à 5 ans d’emprisonnement (dans le cadre de l’introduction ou l’altération de données) et 45 000 euros d’amende (art. L. 323-1 à 323-3 du nouveau code pénal).
Le site Mastercard.com est actuellement la cible de l’opération Payback « Avenge Assange » lancée par les anonymous en représailles à la traque menée contre Julian Assange et les multiples tentatives de censure du site de l’agence de presse Wikileaks. C’est d’abord son hébergeur Amazon qui avait donné le ton en refusant d’héberger Wikileaks, suivit par le service de DNS Everydns.
Comme cette censure ne pouvait techniquement fonctionner, ce sont aux sources de financement que les pressions se sont exercées : les comptes de Julian Assange ont été bloqué, ainsi que le compte Paypal de Wikileaks ont été bloqués (sur quel fondement juridique ?). En réponse à cette traque, des attaques par déni de service ont paralysé quelques sites, l’attaque sur le site Mastercard peut donc être considérée comme une suite logique.
Julian Assange est actuellement détenu par la justice Britannique en attente d’une extradition probable vers la Suède où on ne sait pas trop de quoi il est accusé. Son avocat a d’ailleurs déclaré qu’aucun élément de preuve n’avait été porté à sa connaissance, une situation qu’il juge rocambolesque. Nul doute qu’une forte pression politique s’exerce sur les autorités suédoises et britanniques. Les USA sont en train de faire d’Assange et de la cause de Wikileaks quelque chose qui les dépasse : si on soupçonne les anonymous comme étant à l’origine des opérations de représailles, ils ne semblent être que la partie visible de l’iceberg, la cause Wikileaks soulève tous les internautes.
Voilà qu’Éric Besson, qui avait intenté une procédure visant à faire en sorte que Wikileaks ne puisse être hébergé en France rectifie le tir. Il faut dire que comme prévu, il s’est heurté à une ou deux subtilités de notre droit, des vieux trucs du bouquin le plus poussiéreux qu’on puisse avoir dans une bibliothèque et qu’on a pas forcément en tête… la Constitution Française… liberté d’expression, liberté de la presse tout ça… et deux trois morceaux de LCEN qui définissent par exemple la responsabilité d’un prestataire technique. Comme c’est un peu compliqué, là ou Eric Besson ne comprenait pas bien sur quoi se fondait la requête d’OVH, persuadé qu’il était que l’État avait son mot à dire, le juge s’est déclaré incompétent et de conclure que la question méritait un débat contradictoire… et oui, c’est bien moins simple que prévu .
Sommes nous donc naïfs, nous avions cru l’espace d’un temps qu’Éric Besson avait oublié tout ça.
Il nous le promet, c’est dans le Figaro, ce n’était pas le cas et d’ailleurs, il n’a jamais demandé « l’interdiction de Wikileaks »…. C’est vrai, il a simplement demandé qu’on l’expulse (un vieux réflexe ?), qu’on le censure, qu’on se cache les yeux… pas qu’on l’interdise voyons !
Même moi je me suis laissé prendre, j’aurais du être plus méticuleux dans mes vérifications. J’aurais du consulter une experte qui avait visiblement tout mieux compris que moi les intentions de Monsieur Besson motivant sa requête au CGIET. Cette experte vous la connaissez tous ici, c’est l’irremplaçable député Marland-Militello, qui en connait un rayon sur la liberté de la presse… et bien elle aussi avait interprété le message de monsieur Besson à sa manière.
La député Militello avait relevé une subtilité : ce n’est pas Wikileaks que le ministre cherche à interdire… c’est son hébergement ! … Sommes nous sots, aujourd’hui Monsieur Besson nous l’assure, il n’a jamais voulu censurer Wikileaks… jamais !
Le célèbre hackerspace toulousain, le Tetalab a mis en ligne une application d’exploration des câbles diplomatiques révélés par Wikileaks pour les mobiles. C’est beau, sobre, efficace et super pratique. On y retrouve bien les plus de 900 câbles pour le moment rendus publics et la navigation est bien adaptée, comme on est en droit de s’y attendre sur un mobile. Vous pouvez y accéder via cette url, je vous recommande même de la bookmarker sur votre smartphone ou votre tablet. Cerise, le code est libre est disponible dans un Git ici.
Victime de tentatives de censure, Wikileaks se voit témoigner de très nombreux soutiens, ce sont à ce jours plus de 700 sites miroirs qui assurent à Wikileaks une visibilité plus forte que jamais. De nombreuses contributions comme celle du Tetalab pourraient venir renforcer encore les outils de Wikileaks. Le site tient bon pour le moment, son fondateur, Julian Assange, est plus que jamais traqué, la presse annonçait ce soir qu’il allait rencontrer très vite la police britannique et son avocat de souligner que Julian Assange doit être entendu mais qu’aucune charge ne repose sur lui. Il est donc difficile d’y voir clair sur ce qui est exactement reproché à Julian Assange et ce qui motive une Red Notice d’Interpol, une chose est cependant claire, c’est que Julian est une personne très demandée en ce moment.
Une attaque par déni de service semble cibler actuellement l’un des sites de Paypal : paypalobjects.com, ainsi que le site de la banque suisse qui a décidé de clore un compte bancaire de Julian Assange : Postfinance.ch. Les deux sites semblent actuellement sous le coup d’une grosse charge et sont très péniblement accessibles.
Ce que le Net a pris pour cible aujourd’hui, c’est la censure, et il utilise les mêmes armes que ses adversaires, ceci peut durer, s’enliser… il va falloir une prise de conscience des dirigeants sur la nature d’Internet pour que l’escalade se désamorce, mais j’ai un peu peur que les positions des uns et des autres ne se cristallisent encore un peu plus.
Wikileaks est toujours et plus que jamais en ligne, il continue d’être la cible d’attaques massives par déni de service, il est aussi aujourd’hui fort probablement le site le plus mirroré du monde.
Un article assez intéressant paru sur la Tribune nous explique la faible marge de manœuvre d’Éric Besson suite à sa saisie du CGIET visant à faire interdire l’hébergement de Wikileaks en France. Le rapport du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies commandité par Éric Besson sera normalement remis cette semaine. De son côté, pour OVH qui avait lancé une procédure en référé, le Tribunal de Grande Instance de Lille ne semble toujours pas avoir accusé réception de demande de l’hébergeur en sa qualité de prestataire technique d’un contenu dont on ne saurait dire s’il est légal ou pas. Le premier problème, c’est la reconnaissance de la classification secret américaine en France : les documents classifiés aux USA ne sont pas classifiés en France.
Là où Éric Besson voit une violation du traité de Vienne sur les relations diplomatiques, ce traité ne fait référence qu’aux communications d’un État avec un autre État.
On continue en outre à s’interroger à propos de cette focalisation exclusive sur Wikileaks, pour le moment, le ministre ne semble avoir intenté aucune action vis à vis du quotidien Le Monde qui diffuse lui aussi les câbles de la discorde.
La menace d’une première infowar mondiale se précise. Le Cablegate, jour après jour, nous apporte son lot de confirmations de suspicions, des attaques de Google en Chine à la pression exercée par les USA sur l’Espagne en matière de lutte contre le piratage (après le Cablegate, gageons qu’ACTA n’est plus qu’un mauvais souvenir), jusqu’à des sujets plus lourds comme l’armement nord coréen ou iranien. Le Cablegate est global, mondial, c’est le Cablegate du fond, c’est le Cablegate que tout le monde dénigre à coup de « on apprend rien », Assange est un pédonazi, Braddley Manning un homosexuel idéaliste et désœuvré… C’est le Cablegate que tout le monde dénigre mais qui fait trembler les capitales et que les États font des pieds et des mains pour tenter de stopper. C’est le Cablegate qui va maintenant s’attaquer aux banques…
Le Cablegate de la forme, c’est Wikileaks. Un site web, administrés par quelques gus dans un garage. Un site qui cristallise les positions des grandes démocraties mondiales. Faut-il faire taire Wikileaks ? Vous vouliez une expérimentation grandeur nature de ce que les pays peuvent filtrer sur Internet ? Vous l’avez, observez le résultat, jamais une telle pression sur les libertés individuelles n’aura été observée : menaces, censure, attaques informatiques, campagnes de communication de crise… pour un résultat nul : Wikileaks est encore et sera toujours en ligne, Wikileaks est devenu le mobile de la première infowar mondiale.
On veut faire taire Wikileaks ? Pour chaque domaine que Wikileaks se fera censurer, 100 domaines seront créés… you don’t fuck with the internets.
Les attaques par déni de service sur Wikileaks ? Le meilleur moyen de s’exposer à une riposte qui tapera au portefeuille, ou pire encore… souvenez vous acs:Law. L’infowar, pour un gouvernement (peut être à l’exception du gouvernement chinois qui ne demande qu’à profiter de la confusion), c’est le VietNam. Le Net est comme une rizière géante dans laquelle chaque internaute est un soldat potentiel. Si infowar il y a, ce sera l’infowar de la forme, peu importe le fond, on ne censurera pas Wikileaks.
Dans une démocratie normale, un ministre n’a pas à s’octroyer les pouvoirs d’un juge et l’empressement de Monsieur Besson à expliquer que « l’État a son mot à dire » est la démonstration parfaite de sa méconnaissance de la problématique à laquelle il se retrouve confronté. Quand la France héberge Wikileaks, le monde ne voit pas l’allié des américains, le monde voit le pays des droits de l’homme et du citoyen, le pays de la liberté d’expression. Rien que pour ça, l’intervention de Monsieur Besson était anachronique, à côté de la plaque. Ensuite Wikileaks et plus généralement le Cablegate auront un impact sur nos démocraties. Vous pouvez être pour ou contre, le monde s’en fout, le monde vous demande juste de vous y préparer et de commencer à travailler pour que ceci se fasse bien, dans le respect des droits de chacun. Sinon, en guise d’infowar, vous ferez comme pour la pédophilie, le terrorisme, les jeux en ligne, et plus si affinités, vous bloquerez, vous filtrerez en disant « regardez, ceci n’existe plus et c’est grâce à nous« … et vous n’aurez trompé personne, vous aurez refusé de faire votre travail en vous cachant derrière votre petit doigt avec la censure bête et méchante comme seule réponse à un tournant historique de la géopolitique contemporaine. La France avait un moyen de briller en portant un message fort, monsieur Besson nous a donné matière à rougir.
Essayer de couler l’iceberg Wikileaks, c’est s’attaquer à la forme quand on arrive pas à attaquer le fond. Et sur le fond, Wikileaks a déjà gagné la guerre : Wikileaks est vérité, la presse mondiale (qui elle aussi publie mais ne semble faire l’objet d’aucune attaque) en atteste. Wikileaks a marqué beaucoup, beaucoup de points, et continue d’en marquer à chaque tentative de censure ou prise de positions sur les déclarations d’intentions par rapport à la régulation du Net. Wikileaks est un accélérateur, il laisse comme seule alternative aux USA l’infowar …au moment où ils sont à découvert. Personne n’a intérêt à une escalade, censurer Wikileaks est le meilleur moyen d’encourager cette escalade.
L’information commence à circuler, les anonymous seraient en train de préparer une attaque coordonnée de représailles envers ceux qui veulent la tête de Julian Assange. Le site de Wikileaks est toujours victime d’attaques par déni de service, on se doute bien que les anonymous utiliseront donc la même méthode que les personnes qui cherchent à faire taire Wikileaks.
On se doutait bien que le gouvernement américain, Amazon, Paypal, ou EveryDNS, et surement aussi un peu Éric Besson, en France, avaient émis des signaux assez négatifs. Pierre Chappaz parle d’infowar, on est en plein dedans. Reste maintenant à savoir quelles seront les cibles effectives des anonymous et plus globalement d’une population d’internautes qui pourraient, à la veille des fêtes de Noel, se passer le mot pour boycotter Amazon qui ne fait pas que du cloud. La censure de Wikileak va être complexe, on le savait, voici maintenant la seconde phase de l’effet Streisand : la guerilla numérique.
Eric Besson était sur Europe 1 ce matin. Pénible comme intervention. Vous pouvez l’écouter ici, ça commence vers 14’30 ». Toute la pénibilité de l’homme qui sait qu’il fait le choix de s’engager sur une pente glissante mais qui est obligé de passer par là s’il veut être entendu dans tout ce bruit. Et bien tout ça ne sent franchement pas bon à la veille de la seconde lecture de LOPPSI 2, les intérêts du ministre de l’industrie qu’il est (et il le rappelle, Internet est une industrie), convergent avec ceux de certains fournisseurs d’accès, des équipementiers, et convergent également avec l’orientation sécuritaire de la politique actuelle du gouvernement. L’affaire Wikileaks devrait donc naturellement s’inviter dans les débats de l’Hémicycle et j’ai bien peur que l’on ne se mette à reparler de technologies de reconnaissance de contenu ou encore plus stupide, comme un gros bouton rouge pour couper l’Internet.
J’ai été soufflé de l’aplomb avec lequel Eric Besson, s’est substitué à un juge français et américain en même temps pour décréter Wikileaks comme une organisation criminelle. Notre ministre fait des raccourcis un peu rapides : il part du principe admis que Wikileaks est un site criminel parce qu’il a volé des documents, première erreur, Wikileaks n’a rien volé, il a diffusé des documents supposés volés. Quand on lui demande pourquoi il n’attaque pas le quotidien le Monde, Eric Besson n’en ramène d’ailleurs franchement pas large. Eric Besson lâche ensuite une position bien tranchée sur le rôle de l’État dans le cadre de la censure d’un site web : « l’Etat a son mot à dire ». Le ministre se lance après dans une définition de ‘l’Internet libertaire’ pour lui, c’est l’Internet des pédophiles et des terroristes. Peu de doutes, Monsieur Besson a bien envie de nettoyer ton Internet, il a décidé que l’État devait se prononcer sur la légalité des contenus sur Internet et qu’il est à même de juger un homme, quitte à se soustraire à la justice… américaine.
Le Cablegate aura un effet positif, les véritables intentions des uns et des autres en matière de filtrage vont pouvoir librement s’exprimer et on verra qui défend quelle position. On devrait donc vite voir assez clair dans le jeux de personnes qui ont tout intérêt à tenter de filtrer Internet. Grâce au Cablegate, on aura au moins appris qu’Éric Besson se fout bien qu’un juge ait à se prononcer sur la légalité d’un site web ou pas, le shériff, c’est lui.
Mise en cause de la vie d’autrui
Eric Besson condamne de fait Wikileaks en retenant un chef d’inculpation que même les lawyers de la Maison Blanche n’ont pas retenu pour poursuivre Wikileaks (en tout cas ça leur semble bien moins évident que pour monsieur Besson), d’ailleurs le site ne fait pas à ma connaissance l’objet de poursuite directe, c’est Julian Assange que l’on poursuite pour un un très supposé crime sexuel… et on va voir la tronche du crime.
Le mandat d’arrêt international contre Julian Assange, cette red notice Interpol ne parle même pas de viol, d’agression sexuelle; juste un « sex crime » qui fait référence à un « rapport sexuel non protégé« …. pas une agression, pas un viol, pas une mise en danger de la vie d’autrui (ou alors leur astuce juridique est là mais ils auraient pas oser quand même.. c’est un peu grossier)… c’est un homme, l’homme le plus recherché du monde… que l’on recherche officiellement dans le monde entier pour ne pas avoir mis de capote !
Pourtant, Eric Besson invoque lui une mise en danger de la vie d’autrui et soutient que l’État américain a porté plainte pour des activités criminelles.
Et bien montrez nous un indice de cette plainte, car la red notice elle, elle n’en parle pas.
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