Le garage de Nicolas Barcet (Canonical)

Note préliminaire: ces propos sont ceux de Nicolas Barcet et non ceux de son employeur.
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Nicolas Barcet (Canonical)

Question 1 : Pouvez-vous vous présenter brièvement pour nos lecteurs ?

Nicolas Barcet, Responsable Produit d’Ubuntu Server Edition, employé à ce titre par Canonical depuis 2007. Précédemment j’ai travaillé chez Intel, en tant que Responsable Technico-Marketing de l’équipe Linux Europe, et avant chez Novell, comme consultant en gestion des identités numériques puis comme responsable de l’équipe avant vente française.

Canonical est une société assez particulière car plus de 80% de ses employés sont en télétravail, dont moi, ce qui ne nous empêche absolument pas de maintenir un contact très étroit entre collègues, grâce aux nombreux outils de communication qui ont étés mis en place via Internet.

Question 2 : Etes-vous favorable à la Loi Création et Internet ?

Il me paraît difficile d’être favorable à une loi qui met en cause la liberté individuelle par une limitation du droit d’accès au réseau Internet. Ce réseau est aujourd’hui un moyen incontournable d’accès à l’information, d’apprentissage, d’échange, de consommation et pour des personnes de plus en plus nombreuses, de se « rendre » sur leur lieu de travail. Donner un pouvoir arbitraire à un groupe d’individu, sur une simple requête et sans contestation possible à priori, c’est accepter de couper cette personne de ses relations sociales, professionnelles ou personnelles, engendrant dans le pire des cas une perte de son emploi. D’une certaine façon on pourrait comparer une telle capacité à celle de mettre une personne en prison, car ce sont, dans les faits, même si dans une moindre mesure, les mêmes droits qui sont retirés à une personnes qui n’a plus d’accès à la société, que cela soit de façon virtuelle ou physique. Afin de mettre quelqu’un en prison, il faut au moins la décision d’un Juge et fait l’objet d’un procédure contradictoire, je ne vois pas pourquoi l’accès au réseau devrait déroger à ce fondement républicain.

De plus, la justification de cette loi me parait fondamentalement confondre les notions de création et celle de rémunération des entreprises de distribution de bien immatériels (musique, cinéma, etc..). Internet pose à ces dernières un problème fondamental les obligeant à redéfinir leur façon de travailler si elle veulent survivre. Elles ont bien un problème, c’est tout à fait clair. Par contre associer ces entreprises de distribution à la « création » en général me parait donner une vision bien étroite de la création.

Tout d’abord une quantité grandissante de la « création » de sons ou d’images ne passent plus nécessairement par les entreprises de distributions, et ce, justement, grâce à Internet. Toute personne s’étant rendue sur Dailymotion ou Jamendo par exemple se rendront compte qu’il est tout à fait possible de créer des produits de qualité sans pour autant être distribués par l’une de ces entreprises.

Ensuite la rémunération des artistes, qui est souvent assimilé, de façon partiellement erronée, à leur capacité de créer, n’est plus forcément uniquement liée à la rémunération « à la copie ». En effet, le fait d’être distribué n’est plus une condition minimum afin de gagner sa vie dans le domaine du son ou de l’image. D’autres formes de rémunération existent et se développent tous les jours. Les maisons de distributions sont de plus en plus vécues comme une contrainte par les artistes, les forçant à faire certains choix par exemple, que comme un moyen d’améliorer leur capacité de création. Nombreux sont les artistes qui sont mieux rémunérés par leurs spectacles que par leurs disques.
Nombreux sont aussi les cinéastes et acteurs gagnant plus d’argent par la vente de produits dérivés que par celle de leur entrées de cinéma ou DVD.

Associer une mauvaise réponse à un problème spécifique d’un sous groupe de la chaîne de création musicale ou cinématographique à la création en général est donc un abus nocif contre lequel je ne peux que m’élever, ce que j’avais déjà fait lors de la loi DADVSI. Remettre en question les libertés fondamentales de l’individu est une horreur contre laquelle je ne peux que m’insurger.

Question 3 : Faites vous partie des « 5 gus qui spamment les députés depuis un garage » ?

On peut en effet considérer que je fait parti des 5, si l’on accepte l’idée qu’essayer d’apporter une information contradictoire à ses représentants est un spam. Je croyais pourtant que la communication avec son député ou son sénateur, tant qu’elle n’abuse pas les règles de la bienséance, faisait partie des droits fondamentaux du citoyen. Je n’ai jamais envoyé plus d’un mail par mois à mes représentants pourtant…

Question 4 : Pouvez vous nous donner quelques chiffres sur votre garage ?

Mon garage est une entreprise de 250 personnes qui crée une distribution Linux gratuite et maintenue utilisée par quelques millions d’individus, entreprises et organisations diverses, dont certaines administrations Française. Notre capacité de création et de création de richesse est directement dépendante de l’existence d’internet. En restreindre l’accès mettrait cette capacité en cause. Imaginez que le fils d’un de mes collègues télécharge quelques MP3 et qu’en conséquence ce dernier ne puissent plus travailler avec nous, ce serait là une catastrophe pour notre capacité de créer, et un drame pour cette personne qui perdrait de facto son emploi, et ce suite à la décision sans procédure contradictoire d’un petit groupe piloté par une industrie qui crée comparativement moins de richesse et d’emploi que la plupart des autres industries qui dépendent d’Internet.

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