Le business model de la filière disque expliqué en 140 caractères

ripUne décennie de perdue pour découvrir ce soir, en 140 caractères, le business model de la musique. Des heures de débats parlementaires complètement débiles pour accoucher d’un texte tellement con, que même le gouvernement actuel n’ose plus y toucher de peur de faire une boulette… raison pour laquelle il a chargé Pierre Lescure, un homme de télé, pour confier les prérogatives de la haute autorité Internet au CSA. Quelle monumentale erreur de casting… pas le CSA hein ! Pierre Lescure.

Pierre Lescure aura eu besoin d’un rapport de 486 pages et 2,3kg, là ou Pascal Nègre, en moins de 140 caractères et moins de 1ko apporte la solution à tous les maux de la culture en France. C’était pourtant tellement évident ! C’est ces cons d’artistes qui veulent pas crever qui tuent l’industrie du disque ! Du coup, quand il y en a un qui passe l’arme à gauche, et bien le Pascal, il débale son business model. C’est simple, concis et efficace :

Pascal Nègre Moustaki

Petite rétrospective

  • Ces belles années 70 : la drogue coule à flot : LSD, héroine… le tout arrosé d’alcool… ces temps bénis pour l’industrie musicale ou rien que la première année, en 1970, Jimi Hendrix et Janis Joplin ont eu la décence de mourir.
  • Ah les années 80, ces cons de beatniks étaient tellement raides qu’on pouvait leur faire écouter n’importe quoi. Du reggae (ah les cancers du poumon ce que c’était bon pour le chiffre d’affaires… mais ce n’était rien en comparaison des cancers du foi des punks ou des AVC des danseurs de disco, dus à des surdoses de coke… putain ce que c’était bien les années 80 ! On produisait de grosses merdes, pas cher, avec un synthé en guise philharmonique, et ça se vendait !
  • Les années 90 ont marqué un tassement du chiffre d’affaires : voilà que des mecs se mettent à faire de la musique dans leur chambre et à gober des ecstasy ou du speed… visiblement pas assez coupé pour contrecarrer le danger Internet qui se profile.
  • Puis arrivent ces satanées années 2000… là c’est le déclin. Voilà que ces imbéciles d’artistes ne veulent plus crever. Ils arrêtent de fumer, commencent à bouffer moins gras, ils font du sport, ils ne se droguent même plus. Impossible de trouver de vrais professionnels.

Alors le business model d’Universal pour les années 2010, le voici :

  • Si vous êtes vieux ;
  • Si vous êtes malade ;
  • Si vous vous droguez ;
  • Si vous êtes alcoolique ;
  • Si vous avez du cholestérol ;
  • Si vous ne faites pas de sport…

… veuillez contacter @PascalNegre de toute urgence, pour un contrat d’exclusivité comprenant production, distribution et têtes de gondoles garanties pour vos « compiles tribute ». Le cercueil et la cérémonie sont négociables à la signature… suicidaires acceptés.

Artistes, soyez pros, soyez rentables, crevez bordel !

TMG accueille t-il le nouveau régulateur avec de nouveaux partenariats ?

Office de Minitellisation du Web Français
Office de Minitellisation du Web Français

Ce qu’il y a de bien avec TMG, c’est qu’ils sont tellement doués pour configurer un serveur web qu’on découvre toujours des trucs amusants quand on visite leur site web… Et des trucs moins amusants quand on va se balader sur leurs ranges IP.

Je souhaitais aller regarder si notre PME nantaise préférée allait accueillir avec bienveillance le rapport Lescure qui préconise de confier les prérogatives de l’HADOPI au Conseil supérieur de l’audiovisuel. Si les mesures de Pierre Lescure sont appliquées, qu’adviendra t-il de cette charmante startup chère à notre coeur qui communique pas souvent… et qui ne communique d’ailleurs pas non plus ses bilans.

Capture d’écran 2013-05-13 à 22.29.21

Le site de TMG étant très minimaliste, il m’a un peu laissé sur ma faim. Mais voilà …. il semble que les nouvelles chaînes de la TNT intéressent TMG. Le CSA passe de la télévision à Internet, je n’ose espérer que TMG puisse passer d’Internet à la télévision :

 

L’inquiétante dérive du CSA

vaderOn savait que le CSA avait des vues sur la régulation des contenus sur Internet. Jusque là, l’institution avait pour rôle de réguler les contenus diffusés par les chaines de télévision. L’arrivée du streaming et des réseaux sociaux sur lesquels les internautes postent leurs propres contenus a donné une idée au CSA, celle de réguler les contenus diffusés par les particuliers.

C’est donc Michel Boyon, son président, qui, une fois de plus, monte au créneau pour faire valoir son institution une légitimité à censurer les contenus privés des internautes !

 « Il est impossible que nous ne répondions pas à un souhait croissant des opinions publiques française et européenne, qui aspirent à une régulation des contenus audiovisuels privés sur internet »

Cette idée a de quoi inquiéter car le CSA se poserait alors en censeur des contenus postés par les internautes… difficile de ne pas y voir une atteinte à la liberté d’expression en ligne. Mais surtout, et c’est là où la position du CSA devient parfaitement hallucinante, l’autorité entend par ce biais lutter contre

  • « les atteintes à la protection de l’enfance »;
  • « le racisme, l’antisémitisme »;
  • « les appels à la haine et à la violence ».

… et voilà qu’on nous refait le coup des nazipédoterroristes. Mais depuis quand une autorité de régulation se soustrait au pouvoir judiciaire pour lutter contre des infractions qui relèvent de la justice ? Que compte faire le CSA au juste lorsqu’il se trouve face à ce genre d’infraction ? Il compte censurer pour fermer les yeux ? Expliquer que le contenu mis en cause n’a jamais existé ? Leurs auteurs on en fait quoi ? On explique aux enquêteurs judiciaires que le contenu n’a jamais existé, et que de toute façon ça ne relève pas de leur compétence  ? Cette nouvelle charge du CSA est tout bonnement stupide et délirante. L’autorité ne peut en aucun cas s’inscrire dans une logique de régulation des contenus privés des internautes au motif de la lutte contre des crimes et délits.

Le CSA milite aussi activement pour l’activation de filtres de controle parental « par défaut », opéré en toute opacité par les fournisseurs d’accès. Pour avoir étudié l’une d’entre elles en long en large et en travers, je pense être en mesure de vous dire que cette idée est tout simplement terrifiante. Opérant sur des mots clés ou directement sur des urls, ces solutions sont par définition bancales et responsables de sur-blocage. La protection de l’enfance passe par l’éducation, aux parents de surveiller leurs enfants quand ces derniers accèdent à Internet, aux parent de les avertir, de leur expliquer qu’Internet n’est pas un monde de « bisounours hémiplégiques ».

Si vous passez lire de temps en temps ce blog, vous avez probablement retenu qu’en ce moment, la question se posait d’une fusion CSA/ARCEP/HADOPI qui pourrait donner vie à une monstruosité administrative. Et c’est justement du côté de l’HADOPI qu’il faut creuser un peu pour se rendre compte du délire de Michel Boyon. Ce dernier milite de longue date pour la labellisation des sites web et des contenus des internautes. Et là, on ne vous parle pas du label PUR de l’HADOPI, on parle bien de labelliser vos sites, vos blogs, vos contenus postés en ligne. Imaginez sur ce blog un petit logo agréé CSA/HADOPI « interdit aux moins de 12 ans ». L’étape suivante, en toute logique pourrait par exemple être le déréferencement dans les moteurs de recherche des sites non labellisés. Se pose aussi en parallèle cette histoire devenue comique des moyens de sécurisation qui pourrait trouver un second souffle lulz dans les divagations de monsieur Boyon.

Le CSA s’aventure donc sur un terrain franchement hasardeux, la régulation des contenu des particuliers est par définition une atteinte grave à l’exercice de la liberté d’expression. Les motifs invoqués par Michel Boyon sont plus que fallacieux et ne sauraient sérieusement tenir la route dans un état de droit.

La super hyper giga haute autorité pseudo indépendante des intertubes… c’est maintenant

Une véritable catastrophe pour Internet semble être en route. Matignon aurait demandé à Arnaud Montebourg, Aurélie Filippetti et Fleur Pellerin d’étudier les modalités d’un rapprochement entre le CSA et l’ARCEP, et probablement l’HADOPI également même s’il n’en est pas encore explicitement fait mention. Dans son communiqué, le Premier Ministre s’exprime en ces termes :

« Face à la convergence des infrastructures numériques, des services et des contenus qu’elles acheminent, des réseaux et des services fixes et mobiles, et des terminaux à l’usage du public, il est aujourd’hui essentiel de s’interroger sur l’efficacité des modes de régulation des communications électroniques et de l’audiovisuel, à l’heure où les contenus audiovisuels sont de plus en plus diffusés par l’internet fixe et mobile. En particulier, la diffusion des programmes audiovisuels acheminés par voie hertzienne est assortie d’une régulation des contenus destinée notamment à en assurer la qualité et la diversité, alors que les contenus diffusés via internet font l’objet d’une régulation plus limitée et parfois inadaptée« .

Internet, ce machin dont personne ne sait quoi faire

Ça ne fait jamais de mal de le répéter, Internet est un bien commun. En France cependant, aucun gouvernement n’a su lui attribuer la place qui lui convient. Internet a toujours été une dépendance plus ou moins directe du ministère des finances et du ministère de la culture. Internet, c’est une patate chaude. Reconnu par le conseil des sages comme un outil essentiel à l’exercice de la liberté d’expression. Aujourd’hui encore, le gouvernement au pouvoir ne voit en Internet qu’une sorte de vache à lait qu’il va bien falloir traire. Mais au lieu de traire la vache, ce dernier marque une obstination à traire le veau. Oui internaute, c’est bien de toi que je parle, c’est bien toi le veau… et on s’apprête à te traire. Pas financièrement, ça ce sera pour les Google, Youtube et autres gros consommateurs de bande passante. Du moins pas directement, car ça, c’est donner le feu vert aux FAI pour vous facturer l’utilisation de Google ou Youtube (en plus de celle d’Internet). Ne riez, pas ceci existe déjà dans les forfaits de téléphonie mobile. Mais il y a pire : c’est vos libertés que l’on va traire.

Les hautes autorités pseudos indépendantes

Commençons par les acteurs, ces « hautes autorités » vachement indépendantes et dépendant surtout des nomminations du président et de la majorité parlementaire en exercice. Pour le sujet qui nous anime aujourd’hui, elles ne sont pas deux, mais 4 (il y en a deux en embuscade) :

  • L’ARCEP, nous le savons, c’est le « gendarme des telecoms » dont le rôle aujourd’hui c’est surtout de demander chaque année aux fournisseurs d’accès Internet et aux opérateurs telecom « Alors ton réseau cette année il marche bien ?« . Une fois que l’opérateur lui a répondu « oui, ça fonctionne au poil« , l’ARCEP consigne dans son rapport annuel « l’Internet en France est le meilleur du monde, notre ADSL fonctionne tellement bien que personne ne veut passer au très haut débit« .
  • Le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) de son côté régule le « business des ressources rares ». Le CSA est en fait une sorte d’étiqueteur de rayon du supermarché des fréquences hertziennes, c’est tout de suite moins sexy que Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, mais en pratique, son boulot, c’est étiqueteur.
  • L’ANFR (l’Agence nationale des fréquences) : comme la technique et le CSA, ça fait 4, il faut bien une autorité qui sait de quoi elle cause. Une fois que le CSA a mis un prix sur une fréquence, techniquement, c’est l’ANFR qui les attribue et vérifie qu’on déborde pas sur les fréquences du voisin.
  • L’HADOPI : celle ci je ne vous ferai pas l’affront de vous la présenter. Pour résumer, nous nous arrêterons sur la définition suivante : « la machine à spam la plus chère de l’histoire d’Internet ».

Chronologie d’une catastrophe annoncée

Ce rapprochement entre entités de régulation est malsain à bien des égards mais il n’est pas nouveau. Je vous en parlais dans ces pages en 2010, mais ça date en fait de fin 2006.

19 décembre 2006 : le rapport parlementaire Blessig ouvre les hostilités en préconisant un rapprochement entre régulateurs. Les concernés sont le CSA, L’ARCEP, et l’ANFR. Déjà en 2006 l’argument était d’amorcer le virage de la convergence entre Internet, téléphonie et télévision. On ne pouvait à l’époque lui prêter de mauvaises intentions.

Cette idée fut vite récupérée à d’autres fins que la simple convergence vers laquelle tout le monde s’accorde. L’un des plus fervents partisans de cette incongruité n’était autre que Frédéric Lefèbvre… en soi déjà, ça a de quoi foutre la trouille quand on se souvient de sa conception assez particulière d’Internet.

24 Novembre 2008 : Frédéric Lefèbvre présente un cavalier législatif (un article additionnel qui n’a rien à voir avec la choucroute) dans une loi sur l’audiovisuel public. Il vise à Introduire un peu de CSA dans Internet. Il défend son point de vue en arguant d’une nécessité de ce rapprochement pour la protection de l’enfance. Il le fit en en ces termes :

« Un nombre important de services de communication au public en ligne propose des contenus audiovisuels. Néanmoins, seuls les services de télévision et de radio ainsi que, grâce à la présente loi, les services de médias audiovisuels à la demande, offrent de réelles garanties en matière de protection de l’enfance et de respect de la dignité de la personne, grâce à la régulation du Conseil supérieur de l‘audiovisuel (CSA), qui dispose d’une vaste expérience dans ce domaine. »

« Il est donc proposé d’assurer, selon des modalités adaptées au monde de l’internet, la protection des mineurs par les autres services en ligne qui fournissent, dans un but commercial, des contenus audiovisuels à la demande. Cette protection doit être assurée notamment sur les sites de partages de vidéo dès lors que l’éditeur du service assure lui-même un agencement éditorial des contenus générés par les internautes. Ces modalités feront largement appel à l’auto-régulation. Le CSA pourra, après une large concertation avec les acteurs concernés, élaborer une charte de protection de l’enfance sur ces services et délivrer des labels à ceux d’entre eux qui la respecteront. Afin d’assurer l’efficacité de ce dispositif, il sera demandé que les logiciels de contrôle parental que les fournisseurs d’accès à internet doivent proposer à leurs abonnés, en application de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, soient en mesure de reconnaître ces labels pour filtrer – si les parents le souhaitent – les sites qui n’en possèdent pas. »(…)

« Par ailleurs, il est proposé, par souci de cohérence et d’équité, que les services mentionnés ci-dessus, qui pourraient être définis comme des « services audiovisuels de partage et de complément », participent également au financement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles dès lors qu’ils font concurrence aux autres services audiovisuels à la demande qui contribuent à ce financement. »

Décembre 2008  : Manque de bol, la protection de l’enfance n’avait su trouver une oreille assez attentive, le Frédéric passe donc la seconde… en fait non, il passe direct en cinquième avec nos fameux violeurs psychopathes nazis proxénètes qui planquent des médicaments contrefaits dans les armes  (à cette époque Frédéric nourri des ambitions autres que celle de député par concours de circonstance). Il revient donc à la charge avec sa fameuse tirade :

« La mafia s’est toujours développée là ou l’État était absent ; de même, les trafiquants d’armes, de médicaments ou d’objets volés et les proxénètes ont trouvé refuge sur Internet, et les psychopathes, les violeurs, les racistes et les voleurs y ont fait leur nid  » .

Et d’enfoncer le clou pour aller dans le sens d’une « régulation » :

« L’absence de régulation du Net provoque chaque jour des victimes ! Combien faudra-t-il de jeunes filles violées pour que les autorités réagissent ? Combien faudra-t-il de morts suite à l’absorption de faux médicaments ? Combien faudra-t-il d’adolescents manipulés ? Combien faudra-t-il de bombes artisanales explosant aux quatre coins du monde ? Combien faudra-t-il de créateurs ruinés par le pillage de leurs œuvres ? Il est temps, mes chers collègues, que se réunisse un G20 du Net qui décide de réguler ce mode de communication moderne envahi par toutes les mafias du monde  ».

Le Frédéric, il avait bien envie de te le réguler ton Internet, de te le civiliser même. La mafia, les psychopathes, les violeurs, les pédophiles, les terroristes… si avec ça tu veux pas que je te régule, « comment comment veux-tu que je t’#@!%$ule ?  ».

Mi-Janvier 2011 : Eric Besson reprend la patate chaude d’Internet de l’économie Numérique, un ex-secrétariat d’Etat noyé quelque part entre le ministère de la culture et Bercy. Il émet alors une fausse nouvelle idée en ajoutant une autre autorité, il s’agit maintenant de fusionner non pas deux mais 3 hautes autorités : l’ARCEP, le CSA et l’ANFR… comme en 2006. Sacré Éric, et avec ça il a voulu nous faire croire qu’il bossait. Bon ok, il a un peu plus bossé que NKM en demandant l’interdiction d’héberger Wikileaks en France (Eric Besson échoue avec un certain succès, puisqu’en 2012, la France a finit avec grand mal à dépasser la Roumanie en taux de pénétration du THD (très haut débit).

Avril 2012 : Michel Boyon, président du CSA, nous explique sa conception d’un Internet régulé à la sauce CSA, et il pue son Internet, il n’est pas que régulé, il est surtout fiscalisé. Il l’exprime en ces termes :

« on ne pourra pas indéfiniment faire coexister un secteur régulé, celui de l’audiovisuel, et un secteur non régulé, celui d’Internet  »

Pour lui la convergence est un danger et seul le CSA pourra voler au secours des chaines de télévision car le développement des téléviseurs connectés, toujours selon ses propos, créent :

« une menace pour l’équilibre économique des chaînes  ».

Une fois de plus, on sent bien qu’il n’est plus question de « régulation » mais de fiscalisation. Le CSA son truc à lui c’est les pépettes rien que les pépettes et tout pour les pépettes.

Ensuite, un ange passe, Internet fait la fête, François Hollande est élu, on se dit qu’HADOPI du Fouquet’s c’est bientôt terminé, que la Neutralité du Net sera bientôt inscrite dans la loi… bande de gros naifs.

Début juillet 2012 : Après la fête, la gueule de bois… Aurélie Filippetti sur RTL émettait l’idée d’une extension de redevance sur l’audiovisuel public aux écrans d’ordinateurs ! Taxer un support matériel d’accès indispensable à Internet au lieu de taxer les bidules box des FAI qui donnent accès à cet « audiovisuel public »… déjà, ça ne sentait pas bon du tout. Le projet se fait plus précis, le gouvernement veut taxer Internet, la convergence média n’est en fait qu’une convergence fiscale déguisée.

Mi-juillet 2012 : sur Reflets je tentais d’expliquer pourquoi un tel rapprochement était une erreur incommensurable guidée par un appétit fiscal au risque de dynamiter un bien et un intérêt commun.  Au final, ni l’État, ni les entreprises qui pensent « être Internet », ni les internautes qui le sont vraiment (Internet), on t quelque chose à y gagner.

22 juillet 2012 : toujours sur Reflets, cette fois, c’est Fleur Pellerin qui annonce la mise à mort de la neutralité du Net, pour elle, ce machin est un concept bien américain fabriqué de toutes pièces pour favoriser les américains. Ça a mis du monde en colère chez nous, Fabrice Epelboin en tête.

Un rapprochement qui s’appuie sur deux erreurs techniques

L’argument principal d’un tel rapprochement, c’est ce qu’on appelle la convergence. Entendez convergence du média des médias Internet avec les média télévision, radio ou tout ce qui peut être allègrement taxé usuellement mais que l’on a beaucoup de mal à taxer sur Internet.

Internet ne converge pas, il est, avec sa neutralité, la condition indispensable à toute convergence.

La première erreur, c’est la définition que l’on pose sur le terme « convergence » appliqué à Internet. Ce que l’on appelle convergence chez quelques technocrates, les techniciens eux, appellent ça une absorption. Le terme est d’ailleur mal choisi, mais Internet est devenu la glue, le réceptacle de ces médias. Il offre des ressources non rares, ces mêmes ressources autrefois rares, qui en d’autres temps, justifiaient l’existence d’une autorité comme le CSA. Il faut bien comprendre que les ressources rares sur Internet, comme l’attribution d’une fréquence hertzienne, ça n’existe pas… Sur Internet, les ressources rares, ce sont des noms de domaines et des blocs IP comme je l’expliquais ici. Mais là encore, ce n’est surement pas au CSA de les gérer, c’est des jouets pour les grands ça, pas pour un étiqueteur de supermarché. Les ressources rares d’Internet ont un truc bien à elles qui est génial :  quand il n’y en a plus et bien il y en a encore.

La seconde erreur (en rapport avec la première à cause des ressources rares) c’est une incompréhension technique de ce qui rentre et qui sort d’un tuyau et qui tient en deux notions : le broadcast et le multicast.

Le broadcast, c’est comme ça qu’un fourniseur d’accès à Internet vous vend de la VOD ou vous propose 4 fluxs HD simultannés. Le FAI émet, l’internaute reçoit, point final. Le FAI appelle ça pudiquement un service géré, un internaute averti appellera ça du minitel en 16 millions de couleurs.

Le multicast, c’est un peu plus fin, c’est la définition même d’Internet, dans lequel chaque Internaute peut recevoir ce qu’il demande à Google, Bing, Yahoo, Bittorrent ou Usenet ce qu’il SOUHAITE et non ce que son FAI lui PROPOSE DE CONSOMMER MOYENNANT FINANCES. Seconde subtilité, notre internaute qui fait de l’IP multicast comme monsieur Jourdain fait de la prose, il peut aussi et surtout émettre des données. Et oui, ça complexifie la donne de la régulation de comprendre qu’il y a en Internet le moyen de broadcaster en basant sur un réseau par définition multicast. Il y a aussi une difficulté à comprendre qu’en IP, sur notre Internet « moderne », le broadcast dépend du multicast.

Notre nouvelle autorité aura donc pour rôle de réguler quoi au juste s’il n’y a pas de ressources rares à réguler ?

La réponse est dramatiquement simple : elle va réguler les contenus, les contenus que VOUS produisez, que NOUS produisons. Cette autorité ne va pas réguler des entreprises qui seront autant de netgoinfres à l’affut du moindre brevet pour s’accaparer commercialement un bout d’Internet, cette autorité, elle va NOUS réguler.

Fiscalisation, protection de la propriété intellectuelle et protection de l’enfance sont les trois nouvelles mamelles de la surveillance du Net

La protection de l’enfance, c’est le cyber cheval de bataille du CSA. L’autorité est d’ailleurs parfaitement claire sur la question, elle s’est maintes fois prononcée pour une labellisation des sites web, et même, IMPOSER le FILTRAGE de sites non labellisés ! On voudrait tuer Internet en France qu’on ne pourrait pas mieux s’y prendre. Fusionner ARCEP, CSA, ANFR, HADOPI, et pourquoi pas la SPA ? (Internet est plein de zoophiles!).

Ramener Internet, un bien commun, sur lequel nul gouvernement, nulle entreprise n’a de droit de cuissage, à un nouvel eldorado fiscal, est probablement la plus belle escroquerie intellectuelle que les politiques peuvent jouer aux internautes.

Il ne viendrait pas à l’idée du gouvernement de créer une haute autorité de régulation de l’air que nous respirons, c’est pourtant bien ce qu’il s’apprête à faire avec Internet. La première escarmouche gouvernementale sur le terrain fiscal, c’est ce qu’annonçait Aurelie Filippetti en voulant étendre la redevance sur l’audiovisuel public aux écrans d’ordinateurs. Il ne lui serait pas par exemple passé par la tête l’idée de renforcer la fiscalisation des biens culturels vendus par les fournisseurs d’accès Internet qui par ce biais menacent en permanence la notion de neutralité du Net, une notion qui est un dû aux internautes et non une option comme certains aiment à tenter de nous le faire gober… oui Orange, c’est bien de toi que je parle.

Une autorité de régulation des médias sur Internet, c’est un peu comme si on créait une autorité de régulation de la presse. Quel rôle positif pourrait jouer une telle autorité ? Aucun. Son rôle est exclusivement fiscal. Cette fiscalisation va permettre la petite mort en France de la Neutralité du Net. Les industriels n’auront plus qu’à se partager le gâteau sous la bienveillante connivance de cette nouvelle super hyper giga haute autorité pseudo indépendante.

– « Et alors ? Ça va me coûter combien mon truc gratuit ? »
– « Oh trois fois rien, juste ta liberté d’expression »

Fiscal ? Vous avez dit juste fiscal ? Oui… enfin… pour le moment. Vous vous doutez bien qu’en embuscade se cache l’HADOPI et surtout, les moines copistes de DVD et tous les adorateurs de saint-copyright. Concentrer tous les pouvoirs dans une seule autorité pseudo indépendante qui mettra le paquet sur la chasse aux téléchargeurs de MP3 ? « Jamais » vous dira un gouvernement socialiste (quoi que)… mais que se passera t-il au prochain changement de majorité ? Et bien le gouvernement socialiste aura créé malgré lui (ou pas) un splendide outil de surveillance et de censure d’Internet dont il remettra les clés à ces moines copistes de DVD.

Ce genre de rapprochement, c’est une idée vraiment lumineuse, surtout quand on sait comment sont constitués nommés les collèges de ces autorités.

 

La super méga Haute Autorité Indépendante de l’Internet civilisé

propaganda
CC by Fabrice Epelboin

On se doutait bien que qu’avec toutes ces créations d’autorités indépendantes, au bout d’un moment, on allait chercher à les concentrer afin d’en absorber certaines, dans le but d’arriver plus rapidement aux objectifs fixés, en 2007, par l’Elysée. Dans cette jungle nouvelle des autorités administratives indépendantes, il y en a deux assez particulières, la HADOPI (Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet) que l’on présente plus, et l’ARJEL (Autorité de Régulation des Jeux en Ligne) qui a voulu instituer en France le blocage des sites web sans juge. Les deux autorités portent sur des contenus et services en ligne, certains verront donc une certaine cohérence à les unifier en une seule et même autorité indépendante puisqu’il est entendu qu’à terme, elles utiliseront les mêmes armes (outils de reconnaissance de contenus et blocage et filtrage de sites… DPI, BGP, mouchards filtrants, bref tous les outils indispensables pour civiliser Internet). Voir s’unifier HADOPI et ARJEL vous parait impossible, pas à l’ordre du jour ? Dangereux ? Attendez, c’est après qu’on se mange un vrai coup de civilitude

On va bien te civiliser

Et c’est là qu’intervient un bon gros rapport parlementaire relatif aux autorités administratives indépendantes, oeuvre du Comité d’évalution et de contrôle des politiques publiques, porté  par les députés Christian Vanneste (UMP) et René Dosière (PS). Dans ce rapport, les députés concluent à un nombre trop important d’ Autorités Indépendantes. A la page 27, on apprend que ce sont 40 autorités indépendantes qui ont été créées en France depuis l’apparition de la CNIL en 1978, avec une nette accélération des créations de ces autorités administratives la décennie passée avec en moyenne, une création par an.

Bien entendu, ce rapport ne pouvait passer à côté du cas HADOPI. Mais loin d’en venir à mes conclusions déjà alarmistes au sujet d’un rapprochement ARJEL/HADOPI, le rapport préconise carrément un rapprochement entre l’HADOPI, l’ARCEP et le CSA ! Le parfait comité de censure de la République, un seul pour les gouverner tous, les réseaux, les contenus, les servicesT’es bien civilisé là toi l’internaute non ? On commence en page 54 à aborder le problème HADOPI, un rappel de l’épisode constitutionnel, puis page 77 on trouve une perle, dans laquelle les députés s’intérogent sur la justification de l’existence de l’HADOPI :

« Dans ce contexte les rapporteurs s’interrogent sur la justification del’existence de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection desdroits sur Internet (HADOPI). Il s’agit une fois de plus d’une réponse ponctuelle à un problème spécifique. Certes la création d’une nouvelle autorité indépendante chargée de surveiller le respect des droits et de lutter contre le piratage jouit d’une visibilité maximale pour les auteurs. Mais on peut se demander pourquoil’ARCEP, chargée de réguler les communications électroniques, dont fait partiel’Internet, ne pourrait pas en être chargée. A contrario, les difficultés rencontrées par la HADOPI sont patentes : l’envoi des premières lettres d’avertissements a été retardé de semaine en semaine ; un des principaux fournisseurs d’accès, Free, a annoncé publiquement qu’il ne souhaitait pas relayer les messages d’avertissement auprès de ses abonnés… Les rapporteurs sont donc d’avis d’intégrer la HADOPI dans l’autorité qui remplacera à la fois le CSA et l’ARCEP.(…) Les rapporteurs sont donc d’avis d’intégrer la HADOPI dans l’autorité qui remplacera à la fois le CSA et l’ARCEP ».  La date du passage à la TNT est même envisagée le 30 novembre 2011.

Ce rapport ne semble pourtant pas animé de mauvaises intentions, il invite même à un rapprochement de cette super méga haute autorité super indépendante à travailler de concert avec l’association le Forum des Droits de l’Internet, c’est bien tenté mais cette dernière semble appelée à mourir très prochainement. Mais les deux rapporteurs sont  à mon sens loin de se douter du monstre mutant à 4 têtes qu’ils sont en train de fabriquer. Pire, cette conclusion pourrait être très exactement ce qu’attendait l’Elysée, souvenez vous par exemple de Frédéric Lefèbvre en train de plaider pour confier Internet au CSA, CSA que l’on retrouvait par exemple au colloque de l’ARCEP sur la neutralité des réseaux… la labellisation des sites web, ça ne vous rappelle rien ? Pourtant on en avait parlé pour HADOPI… Même Christine était d’accord… et ça remonte à 2008 ! Votre site sera labellisé par l’Etat, avec une cocarde « presse », « culture », « blog d’emmerdeur »… sympa non ? Je vous sens tout civilisés là…

L’erreur de cette proposition se situe vraiment au niveau de ce que le législateur, sous pression de l’Elysée, a voté sans aucun moment se rendre compte de ce qu’il avait engendré. Jamais le spectre d’un big brother sur le Net français n’aura autant planné. Tout est en place, tous les outils de la censure sont là, unifier tout ce petit monde, leurs armes, et leur champs d’applications (services, réseaux, contenus), c’est créer quelque chose de dangereux et de… suspect. Je n’ai pas la compétence de juger pour les cas des autres autorités administratives, du bien fondé de démarches de rapprochements, mais sur le volet Internet, je ne saurais trop mettre en garde messieurs Vanneste et Dosière sur une fausse bonne nouvelle idée, qui serait de confier Internet, qui n’a toujours pas de ministère, à un monstre contre nature disposant du corpus législatif (HADOPI, LOPPSI, ARJEL, DADVSI …) et des outils (blocage/filtrage des sites, labellisation, spectre du mouchard, contravention pour négligence caractérisée,  double/triple peine, … ).

Il est beau votre Internet civilisé… mais tout ceci est bien trop administratif et pseudo indépendant pour qu’Internet reste un réseau neutre et ouvert.