Suite à une discussion sur Twitter avec @pilooch, je me suis dit qu’il ne serait pas inutile de creuser quelques points relatifs à ce billet. Il faut bien comprendre que derrière « l’accord historique » entre Google et la presse française, il n’y a pas qu’une tournée de cacahuètes. Il y a surtout un dangereux précédent (un précédent qui n’a rien d’historique puisque le même accord a déjà été conclu en Belgique). Aujourd’hui, c’est toute la presse européenne qui demande sa part de gâteau, en version bien plus gourmande que la presse française et en version bien plus dangereuse pour Internet.
☠ Google est accusé de capter la valeur
Quand on parle de captation de valeur ici, on parle principalement de revenus publicitaires. On ne peut en aucun cas parler de captation de valeur informative avec un simple titre et une poignée des premiers mots de l’article… pourtant la presse elle, n’hésite pas dénoncer ce qui reste de l’ordre de la citation et qui n’a jamais dérangé personne sur !Yahoo News comme sur n’importe quel autre agrégateur d’informations. Nous venons de voir dans le précédent billet que la captation de valeur est un argument particulièrement fallacieux. Google News n’affiche pas de pub mais on reproche à Google d’afficher des titres et les premiers mots de l’articles. Facebook en revanche reproduit régulièrement l’intégralité des articles ET de la pub… mais Facebook, lui on lui fiche la paix… pour combien de temp ? Alors que reste t-il à la presse pour légitimer ses jérémiades ?
☠ Google est accusé de violer les droits d’auteurs de la presse
Google n’aurait donc pas le droit de courte citation (une exception au droit d’auteur) pouvant profiter à n’importe qui au prétexte qui est trop américain ? Trop riche ? Trop fort techniquement ? Trop leader ?
Mais ce n’est pas le pire, en Allemagne, en Suisse et au Portugal, la presse menace d’instaurer un droit voisin au droit d’auteur pour faire payer à Google, chaque référencement d’article ! Une idée que certains en France, notamment les agences de presse, ont également. En clair :
- Google devrait payer les sites de presse pour générer du trafic sur les sites de presse (heu… LOL)
- Google devrait payer les sites de presse pour que ces derniers dégagent plus de revenus publicitaires de leur régie… Google ! (Re LOL)
Par delà la situation tragi-comique et risible que nous connaissons depuis 15 ans avec les gus du disque, il y a bien une relation schizophrénique entre la presse et Google. Google donne l’accès à l’information sur laquelle il se rémunère en publicité tout en rémunérant les clients de sa régie… Oui vous avez bien lu, les CLIENTS de sa régie. Si le client n’est pas content en droit commercial, il dénonce le contrat, il n’est plus client et hop voilà le tour est joué. Depuis quand le client aurait-il le loisir de racketter son fournisseur ?
Là nous sommes dans une situation inédite, où le client demande à son fournisseur de le payer pour pouvoir se rémunérer lui même. Je sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne je trouve ça ahurissant.
☠ Google, ce n’est qu’un début
Quand une partie pense avoir gagné une manche, c’est souvent l’occasion de s’en prendre à d’autres. Nous parlions de !Yahoo News mais on pourrait citer Facebook, Twitter, Netvibes… de tout ce qui ressemble à un agrégateur d’information ou à un réseau social sur lequel on partage de l’information. Car si Google avec quelques cacahuètes a calmé la presse pour 3 ans, il y en a déjà, comme les agences de presse, qui souhaitent passer à l’étape suivante.
Et là il faut bien faire attention, que le législateur prenne bien la mesure des revendications des agences de presse et l’impact catastrophique que ceci pourrait avoir sur Internet.
Les agrégateurs d’informations, comme Google ou Yahoo News existeront toujours. Si ces derniers refusent de passer à la caisse, pas de problème, ils déréférenceront la presse qui au final ne touchera pas un rond et verra son trafic diminuer. Allez fantasmons et faisons le parallèle avec l’industrie de la galette en plastique. Des agrégateurs « warez » de news se monteront, ils seront offshore et ne paieront évidemment pas un rond à la presse qui finira par apprendre à se servir d’un robots.txt et d’un htaccess. Mais comme ça ne suffira pas à alimenter la perfusion, les grands portails de presse passeront derrière un PayWall. Terminé l’accès gratuit à l’information des « vieux acteurs syndiqués », la presse se sera suicidée et déroulera le tapis rouge à des sites alternatifs d’information. L’information va donc devenir plus pointue, assez loin du remâchage de dépêche AFP dont nous continuerons tous à lire les gros titres sur Twitter ou Facebook, ou sur des sites étrangers francophones… ou pas.
☠ Déréférencer la presse : le moindre mal ?
Nous pourrions éviter une mercantilisation excessive de l’espace public d’échange qu’est Internet si Google mettait à execution ses menaces de déréférencement des sites de presse. Refuser de se plier à un nouveau droit voisin monté de toute pièce, soit disant, rien que pour Google, permettrait de s’assurer qu’aucun autre petit agrégateur, petit réseau social, ne sera un jour victime de la cupidité des uns au détriment du bien public Internet, c’est à dire nous tous, nos enfants et nos petits enfants.
La presse « professionnelle » (heureusement pas toute) commet une monumentale erreur qui consiste à s’auto persuader que ses contenus ont une valeur ajoutée irremplaçable. Sur Internet plus qu’ailleurs, nul n’est irremplaçable. La perspective de voir Google News se peupler de portails d’information alternatifs dont les analyses et les informations apporteraient 200 fois plus de valeur qu’un remix de dépêche AFP remixé 340 fois me réjouit.
Et pour que la presse française soit assurée de garder la main sur ses contenus, qu’on ne viole pas ses droits d’auteurs et droits voisins, je lui suggère de se déconnecter de mon réseau public d’échange, Internet, et d’envoyer ses articles par PDF DRMisé aux lecteurs de son choix. Depuis quand un acteur investi un espace public en venant imposer ses propres règles ? Google est ce qu’il est car il a toujours respecté les valeurs fondatrices d’Internet, au point de réussir à en faire son fonds de commerce. Tout ce que l’industrie du disque a raté, tout ce que la presse est en train de reproduire lamentablement.
Internet, c’est comme la France, tu l’aimes ou tu te casses. Tu te plies à ses règles, ou tu te casses, on ne te demande pas de réécrire les fondements qui ont permis au Net d’être ce qu’il est on te demande de les accepter. Si tu ne les accepte pas… tu te casses. C’est aussi simple que ça.
Le plus inquiétant là dedans, c’est de voir le gouvernement cautionner les jérémiades de la presse, comme le gouvernement Sarkozy cautionnait les pleurnicheries de l’industrie du disque pour accoucher … d’HADOPI… qui ne survivra évidemment pas à Internet il suffit de vous rebidonner un bon coup avec ça (projet prévu par la loi mais abandonné… comme prévu).
Tous les modèles que les gouvernements ont essayé d’imposer à Internet ont été un échec. La raison en est simple, on impose pas de modèle à Internet, c’est Internet le modèle… on l’aime, ou on se casse !
En même temps, je ne comprends vraiment pas ; Pourquoi Google a daigné payer ? Je ne vois pas la « menace » pour ses revenus, ni maintenant, ni plus tard.. Ils ne sont pas assez **n pour créer un précédent sans réel motif ? Quel est ce fichu motif ? Qu’est ce qui dans les négoces a joué en la faveur de notre si précieuse presse française ?
Je pense que Google a voulu éviter une loi.. mauvaise stratégie car d’autres pays y parviendront.
Puis 60 millions c’est peanuts pour google.
Autre point de taille : on ne connait pas le détail des modalités de l’accord, donc je reste dubitatif et je ne serai pas étonné d’apprendre que l’accord vaut pour les sites qui utiliseront la régie publicitaire de Google…
L’accord est secret mais Google paye pour diverse raisons.
Tout d’abords une loi sur le sujet serait très probablement une situation loose-loose (tout le monde y perd). Si l’état français et la presse sont trop con pour s’en apercevoir, Google le sait.
Ensuite, Google à probablement divers bénéfices. N’ayant aps le contrat, je ne sais pas mais je dirais :
– Des droit d’utilisation des articles des ces services qui dépassent la simple citation. Pour 60M€ ça peut valoir le coup.
– Cet argent n’est visiblement disponible que pour des projet relatif à l’intégration d’outils (made in google) sur les sites. Pour google, cela constitue donc un manque à gagner, non pas une perte (Google, contrairement à l’industrie du disque, fait probablement la différence aussi). Et si dans 3 ans ils ne veulent plus payer, ils auront tous ces sites comme clients, ou bien ces sites devront aller chez un autre fournisseur (et coût de migration et compagnie). Sur le long terme, ils peuvent rentrer dans leur frais.
« Et si dans 3 ans ils ne veulent plus payer, ils auront tous ces sites comme clients, ou bien ces sites devront aller chez un autre fournisseur (et coût de migration et compagnie). Sur le long terme, ils peuvent rentrer dans leur frais. »
Ca me parait raisonnable, j’y avais pas pensé.
« rentrer dans leur frais », c’est un truc qui faut « oublier » avec le rouleau Google… Avec une capitalisation proche de 260 millards et un résultat net de plus de 10 millards… Sans dec, 60 millions ça fait même pas 1% de leur résultat… La stratégie je pense, c’est plutôt une approche par essai / erreur, la France c’est un marché intéressant (pas mal d’acteur, mixés entre du gratuit, du protégé par l’état, du payant, de l’idéaliste…) au niveau de la presse / édition (je prends plus large que les news car dans le message c’était pas clair) et je pense qu’après des essais concluant dans des plus petites structures, bah ils font un essai « grandeur nature » histoire de voir si ça peut marcher ou pas.
Même si on n’a pas les détails du contrats, c’est globalement la stratégie que semble utiliser Google (produits retirés au bout d’un certain temps, poursuites d’autres…).
Je pense que l’idée c’est de favoriser :
1. l’utilisation d’outils Google (en allant d’adwords en passant par analytics…)
2. de commencer à attaquer sérieusement le marché du « livre » (au sens la plus large possible de document originalement imprimé sur de l’arbre mort et profané) numérique en France qui est juste au stade 1, et de fait de « prendre le pas » sur Amazon qui semble, contrairement à ce que certain disent http://www.zdnet.fr/actualites/debat-pourquoi-le-livre-electronique-patine-t-il-en-france-39784728.htm, juste avoir lâché l’affaire chez nous http://www.slate.fr/story/61805/livre-numerique-15-euros
Bonjour tous,
Déréférencer la presse: Enfin plus de place dans la tuyauterie et moins de parasitage de moteur de recherche, et enfin l’internet d’avant quoi.
Je ne suis pas si sûr que la démarche commerciale de la presse soit si mal calculée. Après tout, il ne faut pas oublier que les plus grands organismes de presse sont actuellement détenus par des grosses firmes. Le meilleur exemple était le groupe Dassault. Je pense pas que ces mecs soient des noeuds-noeuds, et probablement qu’ils ont une vision plus profonde des choses et que certains aspects du problème t’échappent. Après pour le côté moral et le respect des règles, on parle d’une firme, pas du monde de Oui-Oui.
« Depuis quand le client aurait-il le loisir de racketter son fournisseur ? »
Mais voyons, depuis longtemps en France. Regardez la façon de procéder de la grande distribution…
Des trucs qui m’intriguent…
Quelles sont ces mystérieuses « valeurs fondatrices d’internet »…?
Où sont-elles édictées ? posées ?
De même, d’où vient-il qu’Internet serait un « bien public » ??
Dans ce qui fait tourner/fonctionner la tuyauterie internet, qu’est ce qui appartient au « public » ?
Même l’accès au savoir est gratuit:
Internet
Déreferencer la presse : OUI !
Ce précédent sous forme de chantage est dangereux, et surtout à vomir par rapport à l’internet voulu par Tim Berners-Lee et ceux qui partagent ces idées.
C’est à peine croyable d’accuser un tel retard sur les nouvelles technologies. La France fait autant peur que peine à voir en la matière.
Si on a bien ri avec le pare-feu Open office, ça ne semble pas avoir fait progresser quoi que ce soit, ni même fait s’interroger nos dirigeants.
On continue de payer des fortunes à Microsoft (voir canonical…) . Se passer de Windows dans les administrations devrait être la norme. Les Turques y arrivent bien avec Pardus… Le .odt devrait être imposé comme la norme en temps de crise ! Mais pour ça peut-être devrions nous exiger, nous le peuple, un ministère des nouvelles techno avec des pros du secteur pour tout chapeauter.
J’ai vraiment pris peur l’autre jour en regardant la chaîne LCP, où l’on pouvait voir une commission réunie pour faire l’état des lieux, et se rendre compte que l’armée française avait besoin d’embaucher 400 Ingé réseau. Après que 2 ans auparavant des serveurs ultra sensibles (Bercy compris) aient étés pénétrés…Quand on voit ceci http://korben.info/sonner-aux-portes-et-deverouiller-les-voitures-grace-aux-ondes-radio.html , on se doute que les Chinois, US, Russes et consorts doivent avoir le même genre de jouet, prêt à désactiver nos satellites de communications militaires. A quoi peuvent bien servir les milliards d’ euros dépensés, si en quelques clics on peut couper les têtes pensantes de leurs bras armés ?
Je ne suis pas du monde de l’informatique, mais ne pas comprendre ce qu’est le but d’un moteur de recherche en dit long sur le retard que nos dirigeants ont pris en matière de nouvelles techno.