Google paye sa tournée de cacahuètes à la presse française

google-mysteryC’était l’information à la con de la semaine, j’hésitais un peu à en causer tellement c’est pitoyable. Google a finit par débloquer une enveloppe de 60 millions d’euros à la presse française. Un accord ridicule pour une problématique qui l’est tout autant mais qui épargnera un moment encore aux parlementaires des maux têtes. Quand on voit le niveau de compréhension d’Internet de certains d’entre eux, on se dit qu’au final, ce n’est probablement pas un mal. Je vais à tout hasard tenter de me lancer dans une explication un peu détaillée de ce à quoi nous échappons pour le moment.

☠ Why Google is evil

Google est connu comme étant LE moteur de recherche plébiscité par une immense majorité d’internautes. Mais il est aussi à l’origine de dizaines de services en ligne et de quelques produits qui rythment le quotidien de millions de gens à travers le monde. Google est également le plus gros aspirateur à données personnelles du monde. Ce qui a permis à Google de tant prospérer, c’est Internet. Et Internet, on ne le répètera jamais assez, vous allez voir que ce détail à son importance pour ce qui va suivre, c’est une machine à copier de l’information. Chaque mot que vous lisez actuellement se copie de routeurs en routeurs, de serveurs en serveurs, pour finir copié quelque part sur votre disque dur, à minima, dans un cache obscur.

Internet, en plus d’être une machine à copier des informations, est un réseau public. La notion de réseau public est quelque chose qui échappe pas mal à la presse.

Ce qui a fait le succès de Google, c’est qu’il a utilisé Internet en lui demandant de faire ce qu’il sait faire de mieux, copier des informations pour les rendre plus facilement accessibles, plus facilement copiables par d’autres. Google, à grand renfort d’algorithmes a ensuite hiérarchisé les informations qu’il avait copié.

Il faut bien comprendre ce que la presse reproche à Google, le comble du ridicule étant de stigmatiser Google qui affiche dans sesrésultats de recherche les titres des actualités, éventuellement une photo en illustration et les quelques mots du début de l’actualité. Les éditeurs de presse y voient un vol, un transfert manifeste de valeur et une atteinte au droit d’auteur. Une page de résultats de recherche affichant un titre et quelques mots, c’est insupportable à leurs yeux.

Google est aussi montré du doigt pour sa position hégémonique.

☠ L’erreur de la valeur

C’est quelque chose que je répète assez souvent, mais visiblement pas suffisamment. Internet étant une machine à copier, doublée d’un réseau public d’échange (sous-pesez bien ces mots avant de lire la suite), il faut comprendre que ce sont les internautes qui tolèrent les « commerçants » sur Internet, pas le contraire.

  • La valeur d’un réseau se définit très bien par la loi de Metcalfe qui énonce « L’utilité d’un réseau est proportionnelle au carré du nombre de ses utilisateurs« .
  • La valeur d’une information peut en toute logique se calculer en fonction du nombre de noeuds du réseau Internet sur lesquels elle aura été répliquée… copiée.

Nous venons de voir ensemble qu’une page de resultats de recherche Google contient le titre d’une information, quelques mots d’introduction et quand l’information apparait dans gooogle actu, la première affiche même une image. Ça ressemble à ceci :

google search

L’ordre sous lequel ces pages apparaissent, c’est la recette interne de Google, autre fois appelé pagerank, aujourd’hui Panda, il s’agit d’une suite d’algorithmes prenant en comptes de nombreux paramètres qui ont pour fonction de déterminer une pertinence d’affichage des résultats. Fréquentation, nombre de liens pointant vers la page ou le site en question, âge et fréquence des mises à jour du site (…)

Si ces algorithmes ne sont pas publics -et on comprendra pourquoi- ces derniers évoluent régulièrement et ont pour objectifs d’assurer une certaines « neutralité »… et non je sais un algo n’est jamais « neutre ». Mais au moins, la règle est la même pour tous.

La dernière grosse évolution, le passage à Panda, a été quelque chose de « dramatique » pour de nombreux sites marchands. Là où ils apparaissaient en première page sur certains mots clés, ils se sont vu relégués en 4e ou en 10e page sur les mêmes mots ou produits. Là on comprend bien la problématique de la valeur d’un référencement Google puisqu’elle impacte directement le portefeuille des commerçants. Google a sacrifié la rentabilité de certains au profit des internautes, pour leur offrir des résultats de recherche plus pertinents. Les marchands ont beau gueuler, on s’en fout, Google est chez lui, il fait ce qu’il veut, aux marchands de ne pas concentrer l’intégralité de leur CA sur ce moteur de recherche.

Commençons par une lapalissade : plus les actualités ou les pages de votre site apparaissent dans les premières positions, plus votre site a des chances d’être visité.

C’est là que nous abordons les arguments fallacieux des éditeurs de presse. Selon eux, et ça les agace particulièrement sur Google News… Il y aurait un « transfert de valeur ».  :

google news

Google News est un agrégateur de titres d’informations, il affiche un titre avec le lien vers la news, quelques photos, et toujours notre description. La différence avec Google Search la plus évidente, c’est les algorithmes qui accordent une importance plus grande à la fraicheur de l’information.

L’autre différence notable, et ça nous allons y revenir, c’est que tous les sites n’apparaissent pas dans Google News. Par exemple, si vous connaissez nos travaux sur Reflets à propos d’Amesys, vous vous dites que Reflets devrait très naturellement apparaitre dans Google News. Et bien non, ce n’est pas le cas. Reflets a beau être un média très lu, avoir le dossier le plus complet sur Amesys, être à l’origine des révélations sur la vente par cette société d’un système d’écoute global taillé sur mesure pour Kadhafi… Reflets n’apparait pas dans Google News. Il est en revanche en bonne position dans Google Search.

Voici pour Google News

Capture d’écran 2013-02-10 à 09.05.10

Et voici pour Google Search

amesys google search

Conclusion 1 : Google choisi lui même (sur quel critère ?) qui va apparaitre dans Google News. Et donc qui est éligible à une part de la cagnotte de 60 millions ?

Conclusion 2 : le transfert de valeur dont les éditeurs de presse parle, Reflets en est victime puisque Google ne daigne pas afficher les articles de Reflets dans Google News alors que la presse elle même se goinfre régulièrement de nos actualités ou de nos infographies sans même prendre soin de nous citer.

Question : Faut sucer qui pour apparaitre dans Google News ?

C’est cette même presse qui accuse donc Google, via ses pages de résultats de recherche de lui « voler de la valeur ». Et là… désolé mais je me marre car si la presse se sentait si lésée que ça, elle mettrait en place un robots.txt pour interdir les bots de Google qui indexent son contenu. La presse veut le beurre, l’argent du beurre, et le cul de la crémière. En d’autres termes, elle veut

  • Etre visible pour être visitée et donc générer des revenus publicitaires,
  • Etre rémunérée pour avoir mis sur un réseau public de partage une information accessible au public  (SIC!). En fait, c’est un peu comme si le gratuit Métro déposait des exemplaires de son gratuit dans les transports en commun et demandait à la SNCF ou la RATP de passer à la caisse !

Déjà, vu d’ici, ça sent le foutage de gueule…

Google est le site qui draine le plus de trafic, même si ceci est de moins en moins vrai et ça aussi nous allons y revenir pour que vous preniez conscience de l’hypocrisie de ces gens là.

Google n’est pas qu’un agrégateur d’information ou un moteur de recherche, il est aussi et surtout, c’est son fond de commerce, la plus grande régie publicitaire du monde. Et c’est à ce titre que nos amis de la presse d’en haut pourraient justifier d’un transfert de valeur. Car dans leur tête, les lecteurs sont tellement cons, qu’ils s’arrêtent à la lecture du titre et de la description affichée sur Google News. Faut dire que le lecteur il en a un peu raz la casquette de lire des dépêches AFP remixées… mais non, le coupable pour elle, c’est Google.

En « captant » les lecteurs dans ses résultats de recherche, la presse affirme donc que Google s’octroie des revenus publicitaires qui lui sont destinés… OH WAIT ! Il n’y a PAS DE PUB sur les pages de résultats de Google News !!

Capture d’écran 2013-02-10 à 10.00.42

Mais alors ? S’il n’y a pas de publicité sur les pages de Google News, comment peut-on affirmer que Google « vol » des revenus publicitaires à la presse alors que Google facilite l’accès aux dépèches AFP remixées de cette même presse pour qu’elle puisse se goinfrer avec sa régie publicitaire qui dans bien des cas est … Google. Et voilà la boucle bouclée.

Conclusion : Tranfert de valeur… MON CUL !

☠ Des cacahuètes pour calmer la presse française

L’affaire était tellement sérieuse que la présidence de la République elle même est intervenue pour négocier avec Google un sachet de cacahuètes (une enveloppe de 60 millions d’euros sur 3 ans), histoire de calmer la presse d’en haut. C’était ça ou une loi. Une loi Google… Une loi qui aurait été un naufrage parlementaire, une loi qui aurait porté un grave coup à Internet, cette machine à copier, ce réseau d’échange ouvert.

Car après Google Facebook, après Facebook, Twitter, puis comme le réseau social chinois QQ Zone ne paye pas, on aurait, pourquoi pas… décidé de bloquer les informations de la presse française sur la Chine… tant et si bien qu’Internet ne serait plus Internet mais un ensemble de réseaux locaux régis par des accords commerciaux entre réseaux sociaux friands de partage d’information et sites de presse. Le FFAP donne le ton, toujours en arguant d’un transfert de valeur (WTF?!), et vous verrez que ce n’est que le début… une bande de vautours décomplexés.

☠ Et si la presse rémunérait sa vraie source de valeur… comme Google le fait pour elle ?

Google n’est pas le seul à générer du trafic. Les internautes qui partagent des informations sur Facebook et sur Twitter … voilà l’origine première de la valeur des sites des presse aujourd’hui, car ce sont eux qui permettent à la presse d’accroitre le plus considérablement leurs revenus publicitaires. Est-ce pour autant que la presse va décider de reverser une partie de ses revenu publicitaires aux internautes qui partagent le plus leur information ? Ceci serait pourtant légitime…

L’enveloppe de 60 millions, c’est un moindre mal. C’est une fleur de Google, rien ne l’y obligeait, et si l’affaire était portée devant les tribunaux, je ne donne personnellement pas cher de la presse française. D’autres pays européens vont suivre et malheureusement, une loi c’est bien ce qui nous pend au nez. Et une loi, ce sera forcement une tragédie pour Internet.

Et quand loi il y aura, Google sera en véritable position de force, car il pourra, comme il l’avait fait en Belgique, déréférencer les sites de presse de Google News et peut peut-être référencer des sites comme Reflets.info qui ne lui demandent rien et qui ne passent pas leur temps à remixer des dépêches AFP.

Là où ça sera plus coton, ça va être pour des sites comme Facebook qui regorgent de pub. Oui sur Facebook, la presse a un coup à jouer, c’est même surprenant qu’elle s’en prenne à Google et non aux utilisateurs de Facebook ou de Twitter qui comme Google, contribuent à sa valeur… mais eux, avec de la pub, donc un pseudo transfert de valeur.

14 réponses sur “Google paye sa tournée de cacahuètes à la presse française”

  1. Je me pose une vrai question sur ces sujets:
    –> je pense comme toi car je te lis souvent sur Reflets ou ici, et à force ça s’imprime
    –> On a vraiment un raisonnement similaire et je viens ici me conforter dans ma pensée
    –> on n’est plus qu’une infime minorité à raisonner avec un simple bon sens paysan
    Bon déjà faut avoir connu Internet sans Google 🙂
    Sinon, c’est tellement une évidence de poser les choses comme tu le fais, chapeau bas parce que répéter à longueur de temps que la pluie, ça mouille, ça doit être épuisant à porter

  2. Simple, clair, concis, efficace, et en plus j’suis d’accord sur le fond. Merci pour cette brillante synthèse.
    Mais :
    – qu’est qu’on entends par valeur ? En quoi le fait de « copié » une dépêche AFP n’est pas une création de valeur ?
    – le problème de la pseudo transparence de Google est en ligne de fond dans l’article, oui, ils sont très transparents avec ceux qui leur demande des infos, et on comprendrai aisément qu’ils le soient, un peu avec leurs algo, mais de là à être totalement flou, c’est étrange.
    – sur qui faut taper alors ? Les utilisateurs non éduqué ? L’hégémonie de Google (abus de position dominante) ? La presse qui, comme la music ou le bouquin est pas foutu de se réinventer et dort sur ses lauriers ? A ton avis ?

    1. Bonjour,

      – Copier une dépêche AFP contribue à la valeur de l’information. Tout traitement de l’information a une valeur ajoutée. Même le plus infime, même un like facebook (et ça me fait mal de le dire !)

      – leurs algos, c’est leur fond de commerce, pour ma part je comprends qu’ils ne les révèlent pas, sinon des clones de google pululeraient sur le Net en offrant ce que Google n’offre pas : Ze méga privacy et 0 collecte de données persos.

      – je pense qu’on peut taper un peu sur tout le monde :
      1° éduquer les utilisateurs
      2° fiscaliser Google sérieusement
      3° apprendre à la presse à vivre sans Facebook et Google

  3. Je n’ai eu que peu d’infos sur l’accord en question, mais il m’a plutôt semblé qu’il s’agisse d’un accord commercial, plutôt que d’une enveloppe généreusement accordée.

    En fait en « sponsorisant » les journaux présents dans l’accord, google leur impose également l’utilisation des places de marché publicitaires google, ainsi que l’ensemble des outils google.

    Le résultat c’est que google « achète » une plus grosse part du marché de la pub en ligne, au détriment d’un bon nombre d’acteurs qui ( pour l’instant?) existent dans ce secteur. Ce qui m’étonne beaucoup c’est qu’au niveau du gouvernement on favorise le géant google au détriment de tout un écosystème qui, lui, paie des impôts en France.

    Encore une fois je n’ai pas de sources solides sur ce que j’avance, mais je serais très intéressé d’en apprendre plus si quelqu’un est un peu mieux informé que je ne le suis !

    A.H.

  4. L’industrie de l’information a montré qu’elle était sensible à ceux qui la financent: investisseurs privés, publicité, subventions publiques.
    Je me demande pourquoi Google a accepté si facilement ce deal. En façade, la menace d’une loi. Mais ils vont aussi avoir de nouveaux amis et serviteurs pour pas cher.

  5. Ok avec l’idée générale malgré quelques petites erreurs : Panda n’est pas le successeur du Pagerank, toute la presse Belge n’a pas été déréférencée, quant à l’indexation dans Google News, c’est facile, il y a un formulaire sur Google pour ça. J’ai déjà indexé plus d’un site ou blog sur Google News.

    En tant que Belge, justement, je n’arrive pas à comprendre pourquoi votre gouvernement se mêle d’un problème de business entre la presse et Google. Dans le même état d’esprit, on devrait taxer Amazon pour l’argent qu’il fait perdre au libraire du coin, non? Google, de part sa puissance pourrait se suffire des news de l’afp et de quelques medias de niche. Google plus y gagnerait en qualité! Un jour, on parlera de l’age d’internet libre à nos petits enfants comme nos grands parents pouvaient nous parler des années 60, car tôt où tard, tout internet sera sous le contrôle des politiciens, et vous savez pourquoi? Parce qu’internet est un pouvoir, et laisser un pouvoir sans le contrôler, c’est de l’anarchie.

    1. Noté pour panda.
      Concernant le referencement dans Google News, nous avions bien remplis ce formulaire, notre site a été accepté, puis il en a mystérieusement disparu.
      Pour le reste en tant que français, moi aussi je me demande pourquoi le gouvernement se mêle de ça… En dehors de l’aspect communication « z’avez vu comment on a niqué Google », je n’y vois aucun intérêt. Plus inquiétant maintenant, le contenu de l’accord est secret et comme je l’expliquais à l’instant je soupçonne Google d’avoir octroyé non pas un fonds pour l’innovation mais une sorte de promotion de 60 millions sur ses AdWords.

  6. « des sites comme Reflets.info qui ne lui demandent rien »
    Haha, quoique, en lisant entre les lignes (et une peu sur Twitter aussi), j’ai comme l’impression que vous leur demandez au moins d’être référencés ! 😀

    Blague à part, j’espérais que vous rebondiriez sur le sujet ; c’est maintenant chose faite.
    Mais, question bête et peut-être sans réponse, pourquoi sur le blog et pas sur Reflets ?

    1. Pourquoi ici ? Et bien parce qu’au début, je n’étais pas très chaud pour écrire sur un accord dont personne ne connait les termes mais que tout le monde commente. Tout ce qui est écrit ici est issu de réflexion et non d’informations vérifiées.

      Le fond de ma pensée, c’est que Google a fait une promo de 60 patates sur ses adwords et a bien entubé tout se petit monde.

      Je pense qu’on en causera sur Reflets une fois que le contenu de cet accord sera public.

      1. +1 sur ce point, mais pas tout à fait, car si « on lit entre les lignes » on voit que l’introduction concerne les « news publishers » mais qu’après on parle de « publishers »… Qui peuvent être compris comme des « éditeurs », donc du Google books et de la numérisation…

  7. Je m’étonne quand même que les organismes de presse n’aie pas intenté un procès aux kiosques à journaux, qui ont l’outrecuidance d’afficher des unes de journaux dans leurs vitrines, ce qui permet aux pirates lecteurs de consulter les grands titres sans acheter le journal…

  8. La presse est beaucoup moins virulente voire pas du tout avec Yahoo alors que celui-ci présente pratiquement l’intégralité d’un article et capte de la publicité. Seul 5% de l’article est à poursuivre sur le site d’origine et souvent on n’a pas besoin d’y aller. Google a été TRES sympa avec la presse française.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.