De nombreux sites web ainsi que la presse se sont fait l’écho de récentes remontrances émanant des services secrets américains à la France. La loi HADOPI était en cause. Le spectre d’une menace d’écoutes généralisées pour faire la chasse à l’échange de fichiers soumis au droit d’auteur est en passe de devenir un problème de sécurité nationale. Et c’est pas comme si les USA n’avaient pas d’intérêt à défendre leur industrie culturelle. Pourquoi sommes nous pionniers de « l’Internet civilisé » ? Les américains sont ils moins civilisés que nous ? On peut se demander pourquoi les services de renseignement français n’ont pas cherché à tuer dans l’oeuf les velléités de contrôle des populations à la gloire du sacro-saint droit d’auteur.
Les USA se sont posés il y a bien longtemps la question : est il opportun de menacer de mettre sous écoute sa population ? Il faut bien comprendre que dans la logique américaine, il y a une longue tradition du renseignement. L’exemple le plus connu des réseaux de renseignement en grande partie mis en place par les USA se nomme Echelon, il s’agit d’un réseau d’écoute planétaire capable d’intercepter n’importe quel type de communication (téléphone, internet, fax…). Il fonctionne sur dictionnaire, une liste de mots clés fait réagir le système, le message est ensuite intercepté, puis analysé, de manière informatisée, puis par des moyens humain. La France aussi est dotée de son réseau d’interception, baptisé Frenchelon. Il existe cependant une différence notable entre les USA et la France sur la finalité de ces outils. Les USA concentrent leur effort sur le renseignement exterieur et apportent le plus grand soint à ne pas utiliser ces outils contre leur propre population. De notre côté, en France, on ne s’embarrasse pas vraiment avec de telles considérations et à écouter Marc Guez (président d’une association caritative dont l’objet est la préservation des revenus issus des phonogrammes en plastique et le sauvetage les artistes des méfaits d’Internet), c’est tout à fait naturel, c’est déjà en place, alors pourquoi pas l’utiliser pour servir ses intérêts à lui, quitte à s’exposer à des répercutions particulièrement dangereuses.
Je m’étais à une époque amusé avec Google Map à aller jeter un oeil sur les infrastructures américaines pour les comparer aux infrastructures françaises et j’avais constaté que les français étaient quand même bien plus pudiques que les américains sur la question, jugez par vous même :
Voici des installations d’Echelon à Menwith Hill vues du ciel, difficile de les rater, c’est tellement net qu’on pourrait presque lire les plaques d’immatriculation des voitures qui y sont stationnées.
Voici maintenant des installations de la DGSE à Domme dans le Périgors et qui constituent une petite partie du réseau Frenchelon, les arbres sont eux parfaitement nets, en revanche, nos grandes oreilles, on tente gentiment de les cacher.
Si les deux sites précédents sont parfaitement connus, on trouve sur Google Maps d’autres endroits sur le globe qui laissent assez rêveur, comme ce petit coin paumé au milieu de nul part, Wales, en Alaska. On croit y distinguer un peu le même type de boules blanches… et quand on recule un peu, plus au nord, on voit une énorme piste d’atterrissage… et on se demande du coup quel type de fret peut desservir les 4 baraques de pêcheurs qui semblent border cette côte sauvage du grand nord américain.
L’objectif de ce billet n’est pas vraiment de comparer les infrastructures de Frenchelon à celle d’Echelon, mais cette petite digression me semblait nécessaire afin de de vous montrer que des réseaux entiers destinés à intercepter les communications sont bien en place et qu’en plus c’est loin d’être nouveau.
Ce qui est relativement nouveau en revanche, c’est l’engouement des français pour l’anonymat sur Internet, je crois que des gens comme Cupuccino, Korben ou Fabrice vous le confirmeront à la lecture de leurs statistiques, de très nombreux internautes se documentent sur l’art et la manière de télécharger tranquillement, et pour ça, ils n’hésitent pas à se tourner vers des solutions de chiffrement plus ou moins élaborées. L’usage massif de ce ces solutions créent inéluctablement une forme de bruit par convolution qui pourraient vite s’avérer gênant pour les autorités habilitées à mener des écoutes pour des affaires autrement plus sérieuses que le téléchargement.
Toujours plus chiffré, toujours plus simple d’utilisation, les solutions se font à la fois plus grand public, plus qualitatives et font monter en compétences les internautes sur des problématiques dont ils n’avaient guère à se soucier il y a quelques mois. Est-ce souhaitable ? Surement pas. Il n’est jamais souhaitable qu’un concitoyen éprouve un besoin de se cacher pour pratiquer ce qui en plus de 10 ans est devenu un usage. Et je dois dire que je suis particulièrement surpris du silence du ministère de la Défense à ce sujet. J’ai beaucoup de mal à comprendre que l’armée n’ait pas alerté les pouvoirs publics sur le risque d’une démocratisation du chiffrement. Certes, la France compte parmi ses services des mathématiciens de talent capables de casser des algorithmes incroyables, ou des d’informaticiens doués, capables de se jouer de mauvaises implémentations de ces protocoles de chiffrement, mais dans le cadre d’une écoute « sur dictionnaire » (c’est de cette manière qu’opère un outil comme Echelon, je ne sais pas trop pour son pendant français), on se doute bien qu’il est plus compliqué et plus coûteux en terme de traitement de repérer une information intéressante sur un flux de données chiffrées de plusieurs dizaines ou centaines de milliers de personnes que quand on a traiter un flux de données chiffrées de quelques centaines d’individus.
Si la NSA ne se sent pas très à l’aise avec HADOPI, on se demande ce que peuvent en penser les communautés du renseignement français, je serai fort curieux d’entendre leur son de cloche là dessus, comme par exemple savoir s’ils ont été consultés avant la mise en oeuvre du dispositif HADOPI ou encore de ce qu’ils pensent d’une utilisation des technologies de reconnaissance de contenu (Deep Packet Inspection) pour faire la chasse aux téléchargeurs, alors que ces techniques leur étaient jusque là réservées… mais comme on l’a vu ci-dessus, nos services savent se faire discret.
Aujourd’hui ce qui m’inquiète le plus, c’est cette crise de confiance entre le gouvernement et ses administrés qui commence à devenir une tendance lourde : les internautes cherchent des moyens de se protéger… de l’Etat.
Comme le dit fort justement Benjamin Bayart, dans une démocratie, il est nécessaire que l’on puisse prendre le maquis, en revanche, quand on a 20% de la population qui souhaite le prendre, c’est qu’on a un sérieux problème.
ben quand on a un état qui ponctionne les professions libérales à plus de 50% pour compenser la fraude -pensez vous-, qui fait payer des taxes illégales comme la copie privée, qui menace des grévistes de 5 ans de prison s’ils ne reprennent pas le boulot, qui met en garde à vue et torture sa population pour le plaisir sadique de la flicaille, il est plus qu’évident que la population cherche à se protéger !!!
Je suis un bon exemple de ces vilains consommateurs de téléchargement illégal de contenu copyrighté (sic peut-être mais je ne suis pas un pirate, ni un hacker ni un cracker, un voleur ?) qui ont recours au chiffrement en réponse à Hadopi.
J’utilise un VPN depuis seulement quelques mois et je n’avais jamais vraiment cherché à me protéger des regards indiscrets jusqu’alors mais j’ai comme l’impression d’être tombé dans la boîte à tel point que même si Hadopi était supprimée je continuerais à utiliser les outils du moment pour crypter mes données, à suivre les évolutions dans ce domaine, à ajouter une cagoule puis une bâche opaque puis autre chose encore parce que j’apprécie l’idée d’être « silencieux » ou le plus dur possible à écouter, à tracer.
Https, ssl, VPN,… par TOR je me demande comment j’ai pu ne pas m’y intéresser jusque là.
Hadopi a le mérite de m’avoir sensibilisé à mon exposition sur la toile 🙂
Par Tor et Toutatis, tu as bien raison !
Je m’y mets aussi, alors que jusqu’à présent, je réservais cela à mes clients.
Mais maintenant, je divulgue, je préconise, je mets en place auprès d’un certain nombre de connaissances privées.
Oh, rien de très pro (question de finances), mais suffisamment « hard » pour compliquer la tâche aux « grandes oreilles ».
Entre notre vie privée (collectivement) et le taf des RG, mon choix est fait.
Salut,
C’est bien la question qu’il faut se poser : pourquoi les français se méfient-ils de plus en plus de l’Etat ?
Les tensions que l’on perçoit en ce moment concernant notamment les réformes des retraites démontrent bien que les citoyens en ont ras le bol de subir des injustices : gel des salaires, suppression des avantages, alors qu’à côté les hauts fonctionnaires se gavent sur le dos du contribuable.
On ne peut pas faire confiance à des représentants qui ont la voix mielleuse devant nous, et qui font des coups tordus par derrière.
Concernant l’incitation à l’encryptage des connexion, la France sera tôt ou tard sanctionnée pour ça. Bien entendu, c’est le contribuable qui paiera pour ces crétins incompétents dans leurs fonctions de représentants.
A voir si nos concitoyens paieront sans broncher, les choses ont l’air de commencer à bouger en ce moment..
Tu oublie deux choses :
1/ Les débats hadopi ont démontrés au moins une chose sans contestation possible : l’absolue incompétence technique de nos dirigeants, une majorité ne sais probablement même pas utiliser un PC. Ce que tu écris leur passe totalement par dessus la tête, nos politiques fonctionnent sur le « si on modifie la loi l’intendance devra suivre ».
2/ Les 20% de la populations qui souhaitent « prendre le maquis », ce sont (surtout) les jeunes face à un pouvoir élu par les personnes âgées. Le tout dans un pays vieillissant.
Je te laisse faire tes propres conclusions dans un pays ou le calcul électoral a remplacé toute forme de politique à long terme.
Juste une précision les dômes et autres antennes présentes entre l’alaska, le nord du Canada et la cote est des USA c’est le système d’alerte de départ de missiles transcontinentaux. Cela a été mis en place pour la guerre froide, beaucoup de sites sont à l’abandon d’autres sont encore actifs. A priori ce sont les satellites qui assurent cette veille à présent.
En parlant d’echelon, frenchelon, cornichon… HERISSON (Habile Extraction du Renseignement d’Intérêt Stratégique à partir de Sources Ouvertes Numérisées)ca en est où ?! -_-
Parce que quand je vois ce que donne hadopi(sse) j’avoue être particulièrement inquiet quant à ce nouveau jouet de flicage made in France :/
Ha, en effet, ils sont supère discret ; c’est flou, mais on peut mettre des photos en ligne :
http://maps.google.com/maps?q=44.786389,1.238056&hl=fr&ie=UTF8&ll=44.78517,1.238344&spn=0.011605,0.01929&t=h&z=16&layer=c&cbll=44.78517,1.238344&cbp=12,0,,0,5&photoid=po-19890588
(il suffit de penser à utiliser le petit bonhomme street view)
Désolé pour le flood, mais votre blog semble avoir donné un regain d’intérêt à cette photo ^^
http://www.panoramio.com/photo/19890588/stats