Ecrans publie le rapport gouvernemental sur la Neutralité du Net

C’est finalement Ecrans qui a publié le rapport gouvernemental sur la Neutralité du Net.

Ce rapport était initialement tombé entre les mains du magazine Libération en début de semaine et avait très peu circulé. J’ai eu la chance d’y avoir accès et je vous avais déjà expliqué ce que j’en pensais dans ce billet un peu long.

Un article sur Ecrans lui avait été consacré et il confirmait toutes les craintes que nous pouvions avoir sur le traitement que le gouvernement réservait à la neutralité du Net que le rapport balaye en consacrant l’expression d’un « Internet ouvert ». Une digression sémantique qui signifie une chose : la neutralité de Net, en France, est bien morte et enterrée. Une proposition de loi devrait passer devant le Parlement en Novembre, il faudra être particulièrement vigilant aux mesures qui seront adoptées pour ne pas que notre « Internet ouvert » ne se transforme en réseau local national comme c’est déjà le cas avec les jeux en ligne.

Le document de 34 pages expose sans complexe des positions pro-filtrage allant même jusqu’à préconiser l’utilisation du DPI, certes de manière subtile, mais pas suffisamment pour que ceci nous échappe. Benjamin Bayart, président du fournisseur d’accès associatif FDN, a lui aussi relevé l’incompétence qui caractérise l’intégralité de ce rapport comme il le confie dans Ecrans. On ne peut non plus s’empêcher de reconnaitre la griffe d’Orange dans ce rapport comme je vous l’indiquais dans le dernier billet.

C’est le second document qui fuite en quelques jours, le 30 juillet dernier, c’est Numerama qui publiait un premier draft des recommandations des solutions de surveillance que la HADOPI entendait proposer.

Vous pouvez également télécharger ce rapport ici.

Colloque ARCEP sur la Net Neutrality

Aujourd’hui se tient le Colloque Net Neutrality de l’ARCEP. Les deux premières tables d’intervenants de ce matin étaient fort instructives. Ca va du très mauvais à l’excellent comme on s’y attendait. Passons tout de suite aux choses intéressantes. La seconde table ronde réunissait :

  • Stéphane RICHARD directeur-général de France Telecom
  • Benjamin BAYART président de French Data Network
  • Emmanuel FOREST vice-président et directeur général délégué de Bouygues Télécom
  • Matthew KIRK directeur des affaires publiques de Vodafone (Royaume-Uni)
  • Martin ROGARD directeur France de Dailymotion
  • Richard WHITT directeur des relations institutionnelles de Google monde (Etats-Unis)

Il y a eu deux temps forts :

Le premier étant comme on l’attendait l’intervention de Benjamin Bayart qui a lâché un pavé d’ampleur constitutionnelle en déclarant en réponse à l’intervention de Richard WHITT et surtout en réponse à  Winston MAXWELL avocat et lobbyste du copyright qui participait à la table ronde précédente : « La liberté d’expression est essentiellement en France un produit d’exportation« . Winston MAXWELL avait précédemment déclaré qu’aux USA, les débats sur la liberté d’expression passaient au second plan.

Second temps fort : l’intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet, elle aussi attendue (et qui est arrivée fort en retard loupant la première partie des débats), déclarant que les internautes devaient accéder librement aux contenus « légaux ». Seul problème, pour qualifier sur un réseau un octet de légal ou pas, il faut mettre en place des mesures de filtrage, et plus particulièrement une technologie : le DPI (Deep Packet Inspection). Il y a donc un grand risque de voir cette technologie revenir dans les débats du parlement car NKM ne s’est pas cachée du fait que se colloque servirait au gouvernement à légiférer sur la neutralité des réseaux. On notera en revanche que NKM a réaffirmé son attachement à une neutralité au niveau des acteurs et met le doigt sur le développement vertical des acteurs du réseau.

Il s’agit, qu’on le veuille ou non d’une atteinte au fondement de la neutralité du Net : on a jamais demandé à la Poste d’achemenier uniquement des lettres « légales » car ceci impliquerait qu’elle ouvre le courrier des correspondants. Pourquoi accepter sur Net ce que nous n’accepterions jamais dans la vie réelle ?

Enfin, dernier point, je m’interroge sur la signification de la présence physique des membres de la HADOPI dans ce débat. J’y vois comme un très mauvais signal.

Suite des débats à 14h30, vous pouvez les suivre ici.