Avant de me lancer dans quelques commentaires du chat d’Eric Walter, secrétaire général de la HADOPI, organisé par la Tribune dans une immonde box en flash ne tenant visiblement pas la charge et qui se tenait ce midi , on va commencer par relativiser un peu ce qui va suivre. Il faut comprendre qu’Eric Walter ne peut répondre qu’avec les armes mises à sa disposition, c’est à dire :
- un loi mal fichue, percée comme un Windows Millenium ;
- un flou artistique sur les procédures et les moyens de « sécurisation »;
- des certitudes bien ancrées et basées sur des postulats erronés (qui ne sont pas forcément les siens).
… et si on considère ces trois points, il faut admettre qu’il ne s’en est pas mal sorti. Comment vous vous en tireriez si on vous demandait de charger une division de blindés armé d’un cure-dents ? Personnellement, je dois admettre que je n’aurais pas aimé être à sa place.
De mon côté, je tiens à signaler que je n’ai pu accéder au chat, mon pseudo a tout simplement été BANNI (la CIA, le MOSSAD et le FSB sont sur le coup, j’en saurai peut être un peu plus plus tard … ou pas) !
Je me suis ensuite re-connecté avec différents pseudos et j’ai essuyé de nombreuses déconnexions, mais cette fois sans que mon pseudo soit banni… cqfd. J’avais aussi posé une question avant le lancement du chat sur le délit de négligence caractérisée, il semble que celle-ci n’ait pas été retenue. Toujours est-il que c’est grâce à un Internaute, Seb, que j’ai pu avoir accès à la transcription du chat et je l’en remercie mille fois.
Une question de temps
Dés la première question, un internaute s’interroge sur le champs d’action de la loi. Donc ne vous faites pas d’illusion, la loi s’applique à tous les types de téléchargement de fichiers soumis à droit d’auteur (…oui, même depuis le site de l’Assemblée Nationale), et même si elle n’a pas encore les moyens techniques et juridiques d’étendre à d’autres modalités de téléchargement d’oeuvres copyrightées, mettez vous en tête que c’est dans les bacs .. on va y revenir un peu plus loin.
Le petit coup de violon
… je passe ensuite sur le couplet de la pédagogie et de la responsabilisation des internautes tellement ces arguments stupides m’agacent. Pas d’offre légale, le refus en bloc de toute ouverture sur des solutions de rémunération des artistes, pour un résultat purement répressif, sans un rond de plus pour les artistes, juste la jubilation de quelques ayants droit de s’en prendre aux plus faibles techniquement (ceux qui n’ont pas compris qu’il existe des solutions hadopiproof) … je me suis assez égosillé là dessus, et le couplet de monsieur Walter est ici particulièrement agaçant car il ne reflète pas l’intelligence des propos tenus usuellement par ce monsieur. On est ici dans le récit d’une petite leçon bien apprise, il n’y croit pas lui même, on ne va donc pas perdre de temps à commenter ça. D’ailleurs sur la rémunération des artistes, Eric Walter confesse laconiquement « ce n’est pas mon rôle de commenter les débats qui ont précédé le vote de la loi« .
Je te surveille pas, je t’observe… puis je te spam et je te déconnecte !
Quand on lui demande pourquoi la surveillance des réseaux (effectuée par une société privée, Trident Media Guard) n’est pas effectuée par des services de l’Etat, Eric Walter nous assure qu’il ne s’agit pas de surveillance, il ne re-qualifie pourtant pas ce terme et pour cause, il s’agit bien de surveillance, de flicage des réseaux par des sociétés privées, soutenir le contraire est un exercice périlleux et surtout impossible à argumenter sérieusement. Eric Walter nous rassure en nous expliquant que ce n’est pas nouveau et que les ayants droit font ça depuis longtemps … ouf ! On a cru que le flicage et la répression étaient nouveaux sur le Net… sommes nous idiots !
#apt-get install hadopi
A une question d’Ycarus portant sur les moyens de flicage open source, Eric Walter nous rassure, rien ne s’oppose à ce que des communautés puissent étudier le fonctionnement de ces mécanismes (bon pour l’instant on pédale encore un peu dans la semoule… mais ça avance) afin de les rendre interopérables… ça tombe bien non ? Puisque personne n’a rien à cacher, mais alors rien du tout… les communautés du logiciel libre pourront elles aussi concevoir leur propre mouchard libre… trop la classe. Enfin ne mettons pas la charrue avant les boeufs, certains s’y sont essayés, et ils ont eu des problèmes.
Ma petite entreprise… risque de connaitre une crise
En tout cas, la crise de confiance, elle, est déjà bien là, et ce qu’on a vu des débuts chaotiques de la HADOPI n’est pas fait pour rassurer. Casar, chef d’entreprise de son état, attire l’attention d’Eric Walter sur le coût engendré par la HADOPI pour que son entreprise n’encoure pas le risque d’une déconnexion. Et là je plains vraiment Monsieur Walter qui n’a dans son chapeau qu’une « charte de bonne conduite » à proposer à notre chef d’entreprise… un peu comme un écriteau « ne pas marcher sur la pelouse ». Et oui c’est ridicule, mais il n’y a rien de plus à proposer pour le moment. D’ailleurs monsieur Walter s’embourbe avec un splendide « j’imagine que votre entreprise protège déjà son informatique contre les virus les spam etc etc etc« . Ici en revanche il est vraiment triste de constater que la personne à la tête de la HADOPI ne fasse pas la différence entre une menace identifiée pour laquelle des moyens logiciels existent, et un usage « quand on clique ça aspire par le 80 » pour lequel la mission chargée de trouver des réponses tourne en rond… A moins qu’on ne parle de ne bloquer que le peer to peer, ce qui vient donc contredire sa réponse à la première question…
HADOPI, responsable mais pas coupable
En réponse à une excellente question du Parti Pirate, la HADOPI ne se reconnait pas de responsabilité dans l’essor mafieux du direct download. C’est un point très intéressant que nous avons là. La Haute Autorité est consciente qu’elle n’a fait que déplacer le problème. En jetant son dévolu sur le peer to peer, qui avait pour vertu d’équilibrer la charge sur le réseau, et pour lequel la consommation n’était pas transatlantique (et donc dérisoire en terme de coût), la loi HADOPI favorise le développement de certaines sociétés comme Rapidshare ou Megaupload, dont les serveurs sont à l’étranger (USA, Hollande Asie…), ce qui entraine un coût bien réel pour les opérateurs comme nous l’avions expliqué ici. Ces sociétés ont un modèle commercial basé sur la publicité, on peut donc considérer qu’elles monétisent l’accès à la culture et s’enrichissent dessus… là ou le peer to peer proposait un véritable échange non marchant, la HADOPI encourage une économie de supermarché du warez.
Et là, je vous le donne en mille, on va y avoir droit dans Hadopi 3, certains préconiseront :
- soit le blocage pur et simple de ces sites de direct download,
- soit la deep packet inspection et l’écoute systématique de communications comme solution miracle.
… vous êtes prévenus, il ne peut en être autrement.
Mais revenons sur le Peer to Peer, Monsieur Walter reconnait un peu plus loin : « sur le P2P, vous avez également tout à fait raison. Il est, de mon point de vue, très regrettable qu’une techno aussi utile soit pénalisée par des usages légaux. » C’est bien de reconnaitre que la HADOPI condamne l’usage d’une petite révolution pour le profit que quelques uns… on fait quoi alors ? On persiste et signe dans notre bêtise ou on abroge cette loi crétine ?
Entre les extrémités, il n’y a pas de limite
Quand un internaute demande à Monsieur Walter à partir de combien de fichiers illégalement téléchargés les pirates encourront des poursuites judiciaires, ce dernier reconnait à demi mot que c’est carrément à la tête du client et surtout au bon vouloir des ayants droits. On ne sera donc pas tous égaux devant la HADOPI.
Les arnaques commencent
Un autre internaute, Jpaul, affirme qu’il a reçu un mail d’avertissement lui demandant de payer une amende en ligne. Il s’agit bien évidemment d’une arnaque, mais ce genre de choses risquent de devenir un véritable sport dés le premier jours des envois de (vrais) mails d’avertissement. Beaucoup ici savent qu’il est dramatiquement simple de fasifier un email et ainsi d’exploiter les faiblesses techniques d’un tiers, profitant ainsi de la psychose HADOPI. Comme d’habitude, ce sont les personnes les plus techniquement vulnérables qui seront les victimes de ce genre d’arnaques. Jusque là, point de campagne de sensibilisation ou de prévention de la HADOPI sur les risques qu’elle fait elle même encourir aux internautes… comme d’habitude, tout se fait en sens unique pour les ayants droits… les internautes, c’est pas franchement leur problème. Eric Walter nous affirme cependant que la HADOPI va entreprendre une campagne de sensibilisation de ce type (à un mois des premiers envois officiels, enfin en théorie… il serait temps non ?).
Voilà, il y en aurait encore beaucoup à dire mais je vais m’arrêter là par compassion pour monsieur Walter,encore une fois, le secrétaire général de la HADOPI a répondu avec les armes que le texte de loi lui met entre les mains, je n’irai donc pas bêtement m’acharner sur lui, mais le constat est bien triste.