On attendait une réaction de Fleur Pellerin au sujet de PRISM un peu moins farfelue que « le cloud souverain » avec lequel elle a tenté de nous endormir la semaine passée. Nous avons failli en avoir une ce matin un peu plus sérieuse… mais non. Fleur Pellerin a décidé de récidiver et de s’enfoncer dans le mensonge.
Dormez tranquilles citoyens, la République et l’Europe veillent.
Une fois de plus, notre ministre, reçue par Jean-Jacques Bourdin sur BFM a commencé à évoquer PRISM d’une bien étrange manière. Écoutons attentivement ses propos, ils sont édifiants.
Pour notre ministre, PRISM, c’est juste l’équivalent de la PNIJ, des petites interceptions ultra ciblées qui ne concerneraient qu’une poignée de personnes, le tout sur demande d’un juge.
« Ce qu’on sait aujourd’hui c’est qu’un certain nombre de sites, pas tous, ont donné sur requête judiciaire ou sur requête de l’administration américaine un certain nombre d’informations (…)«
Comme si l’interception de fibres sous-marines ne concernait que « quelques sites »… ahem…
L’ensemble du trafic et des communications des américains, dans la bouche de Fleur Pellerin devient donc « un certain nombre d’informations ».
« il n’est pas question d’une surveillance généralisée des réseaux (…) »
Ah… ça, c’est quand même gonflé !
De deux choses l’une, soit Fleur Pellerin est très mal informée, soit elle ment éhontément pour nous cacher quelque chose. Et comme je doute fort qu’elle soit mal informée, j’en déduis assez logiquement qu’elle nous ment avec un aplomb qui ne peut que cacher quelque chose d’inquiétant… au hasard, la complicité des autorités françaises (et européennes) sur des programmes connus de longue date, auxquels nous collaborons certainement et des écoutes hors de tout cadre juridique, opérées depuis l’étranger.
Le cabinet de Fleur Pellerin lui aurait il caché Mainway, Nucleon, Marina (…). Loin d’être comparable à un programme d’interception judiciaires, PRISM s’inscrit au sein d’un programme beaucoup plus vaste d’interceptions parfaitement massives composé de plusieurs sources de renseignement d’origine électromagnétique comprenant :
- L’accès aux données chez de gros acteurs de la téléphonie et de l’Internet (avec stockage pour une durée indéterminée et exploitation à postériori) ;
- L’interception massive des données au cul des câbles sous marins ;
- Le piratage de backbones pour accéder à des masses d’informations considérables ;
- Et probablement bien d’autres joyeusetés.
Voyons par exemple ce que dit CNet (et c’est le son de cloche dans toute la presse anglo-saxonne)
Newly disclosed classified document suggests firms allowed spy agency to access e-mail and phone call data by tapping into their « fiber-optic cables, gateway switches, and data networks. »
Fleur Pellerin, comme la commission européenne, est également étrangement silencieuse au sujet de Tempora, le programme britannique d’interceptions de masses.
D’ici à ce qu’on apprenne que la France était non seulement parfaitement au courant de Stellar Wind et fait elle même partie du dispositif, il n’y a franchement plus très loin. Mais voilà, Fleur Pellerin le sait, ce qui est à peu près accepté aux USA ne le serait probablement pas en France. Pourquoi ? Parce que contrairement aux USA, la France ne dispose pas de loi antiterroriste comme la FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act) ou le Patriot Act permettant de violer massivement les communications de l’ensemble de la population.
Et plus le temps passe plus tout porte à croire que notre ministre allume des contre feu ridicules pour tenter d’éluder quelque chose dont elle a parfaitement conscience et qui devient particulièrement nauséabond.
- Pourquoi Fleur Pellerin qui a une parfaite compréhension technique de l’affaire Prism / StellarWind / Tempora (etc) nous sert du cloud souverain en omettant d’évoquer le chiffrement des données ?
- Pourquoi Fleur Pellerin cherche t-elle à minimiser la portée de cette affaire en nous faisant passer du massif pour du tactique, ciblé et sous le contrôle de juges ?
- Pourquoi Bercy a t-il par exemple autorisé l’auto-cession de Eagle d’Amesys à A.M.E.Sys (Advanced Middle East System), entité crée de toute pièce par Amesys pour exporter ses activités un peu trop sales aux Émirats Arabes Unis ?
- Comment se fait-il que l’on apprenne aujourd’hui que les autorités de l’État sécurisent les locaux d’une entreprise comme Qosmos dont la devanture affiche un savoir faire marketing alors que nous savons très bien que le cœur de métier de Qosmos est la surveillance IP.
Fleur… attention, ça commence à se voir.