Carla Bruni Sarkozy : Anatomie d’une cyber catastrophe à 410 000 euros pour le contribuable

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Errata :

Le site Politique.net infirme les précisions du nouvelObs reprises dans cet article. Effectivement, dans son article, le NouvelObs précisait en intertitre « 60 000 euros de fonctionnement », un fonctionnement qu’il détaillait en ces termes :

« A celle-ci s’ajoutaient tous les mois les facturations de deux prestataires externes assurant pour la Première dame la gestion d’un site internet pour un montant de 25.714 euros, soit une dépense mensuelle totale de plus de 60.000 euros », avait conclu Matignon. »

Je dois avouer que je n’ai pas spécialement vérifié cette information du NouvelObs, ce n’était d’ailleurs pas du tout l’objet de mon article qui se borne à des points techniques factuels en dehors des infos reprises. Il semblerait en fait que sur les 8 collaborateurs, seuls 2 étaient affectés à la gestion de contenu sur le site web de la première dame.

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Politique.net nous explique que :

« Or, c’est faux. Le Nouvel Obs a mélangé deux informations distinctes : d’un côté, il y avait 8 collaborateurs, de l’autre, il y avait un site web. Si le coût total du cabinet de Bruni est bien de 60 000 euros, ni la Cour des comptes, ni Matignon n’ont précisé que les 8 collaborateurs étaient en charge de la gestion du site de Carla Bruni. La preuve ? Valérie Trierweiler a cinq collaborateurs mais pas de site web. Il faut donc croire qu’ils ont autre chose à faire…« 

Cette information ne retire cependant rien à la démonstration faite dans l’article ci-dessous. J’irais d’ailleurs plus loin en estimant le coût réel de ce site (développement, graphisme, gestion de projet inclus) à environ 25 000 euros, soit environ la somme déboursée par le contribuable chaque mois pour l’entretien de ce site. Je serais au passage curieux de savoir de combien ce budget mensuel a été revu à la baisse depuis qu’il est assumé par la fondation et non plus par le contribuable.

Second point maintenant qui me semble important de préciser à l’occasion de cet errata. L’hébergeur du site n’est probablement pas la société qui doit occuper le plus gros du budget. Je prendrai à titre de comparaison un site, lui aussi reposant sur WordPress, d’un grand hebdomadaire français que j’héberge : sans aucun plugin de cache, sans load balancer, sans Squid, sans Varnish, sans autre chose qu’un serveur Apache correctement configuré pour accueillir sans broncher plusieurs milliers de visiteurs simultanés (soit certainement bien plus que ce que doit encaisser le site de la fondation Carla Bruni), revient à moins de 200 euros par mois. Si on le facture avec une marge à x5, on le facture environ 1000 euros HT, reste donc 24 714 euros dont on se demande bien dans quelle poche ils ont pu atterrir et surtout à quel motif.

Si l’on veut mettre un administrateur système à plein temps (faut pas rêver, ce n’est certainement pas le cas… un admin à plein temps pour ce seul WordPress : ce serait parfaitement ridicule et surréaliste), on ajoutera un budget de 5000 euros par mois, toutes charges incluses, avec tickets restau, 13e mois et arbre de noël à l’Elysée pour ses 4 gamins. Ce qui fait quand même grimper la facture à 7000 euros par mois… ok… et bien il en reste encore 18 000 !

Je continue de m’interroger sérieusement sur ces coûts quand je le mets en perspective de ce que j’ai observé.

Merci à Politique.net pour ces précisions.

Note : J’ajouterai qu’une petite erreur s’est également glissée dans l’article de Politique.net, ce ne sont pas 15 000 lectures que l’article accuse (rien que pour Rue89), mais plus de 165 000.

Note 2 : Cet article n’était initialement pas fait pour « buzzer », et pour tout vous dire je préférerais voir un tel engouement sur les articles plus sérieux que nous produisons sur Reflets.info que cette polémique sur un site web de merde, même s’il demeure scandaleux que le contribuable en soit la victime… Et si on met Carla en tag sur nos articles Amesys, vous croyez qu’on pourra enfin « buzzer » sur des choses qui en valent le coup ?

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Début de l’article initial :

Depuis deux jours, ça troll assez sec sur Twitter au sujet du site web de Carla Bruni Sarkozy. A l’origine,un rapport de la cour des comptes (pdf), et un article publié sur Politique.net qui révèle que le site de l’ancienne première dame aurait coûté 410 000 euros au contribuable. A ce prix, là on s’attend naturellement à une véritable merveille, d’une qualité de code irréprochable, d’un design somptueux, d’une horde de hackers chinois qui met à jour le site toutes les heures… bref quelque chose de bling bling et bien vivant.

Je suis donc naturellement allé jeter un œil, et assez rapidement, j’ai pu prendre la mesure de la catastrophe.

Première surprise, à ce prix là, on s’attend à une technologie exotique avec de nombreux développements spécifiques… et paff, on tombe sur un WordPress, le même CMS utilisé pour ce blog, ou que nous utilisons également pour Reflets.info. Si je devais chiffrer techniquement le développement d’un site comme Reflets.info, ce dernier n’excéderait pas les 4000 euros pour une petite semaine de customisation de skin et modules. Comment celui de Carla Bruni Sarkozy a t-il pu être facturé 100 fois plus cher ?… Nous allons tenter d’essayer d’y répondre.

Visiblement, ce coût exorbitant n’est pas imputable aux postes infogérance (semble t-il réalisée par Integra à en croire les DNS et le whois de l’ip du serveur qui héberge le site) et maintenance applicative. Car, c’est une autre surprise de taille, le WordPress n’est techniquement pas maintenu. Le fichier readme.html arbore fièrement une version 3.0.4. Une version qui date quand même du 29 décembre 2010. Depuis 2010, le WordPress à 410 000 euros, financé par nos impôts, n’a pas été mis à jour. A titre d’information nous en sommes, à l’heure où nous écrivons ces lignes, à la version 3.5.2 !

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Troisième surprise (et pour le coup vu la seconde, ce n’est pas franchement une surprise), le site de Carla Bruni Sarkozy est une véritable passoire. On en déduira donc que les 410 000 euros du budget de ce site ne sont  pas non plus imputables à des audits de sécurité réguliers. C’est un véritable festival niveau vulnérabilités…

Quand on part d’une base aussi moisie, on se doute bien que niveau plugins, ça doit un peu être la fête du slip string…Bingo !

On arrive dans le plus violent avec ce module très populaire NextGEN Gallery, ici, comme le montre le fichier changelog.txt du module, dans sa version 1.3.5 datée du 17 juillet 2009. Aujourd’hui, nous en sommes à la version 1.9.13. Évidemment ce plugin, dans cette version antédiluvienne, est vulnérable à quelques joyeusetés

Le site utilise un autre plugin vulnérable à un XSS, le plugin Subscribe2.

Si les 410 000 euros n’ont ni servi à l’infogérance, ni à la veille sécurité, ni à l’administration système et aux mises à jour pro-actives, ni aux développements spécifiques de fonctionnalités extraordinaires, ce budget à peut être servi à autre chose, comme le design. La skin aurait donc été développée par Zeni (site aujourd’hui disparu mais dont on trouve encore des traces sur la waybackmachine), « concepteur de sites web complexes » aujourd’hui racheté par Keyrus, spécialiste en « business intelligence« .

Comme le montre ce joli full path disclosure renvoyé par une fatal error, le nom du thème est TAMAYA-V2.

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Mouais… ben ça fait quand même un peu cher la skin.

Il y a bien un petit hack du plugin zdmultilang comme en atteste le répertoire zdmultilang-forked dans le répertoire de plugins, mais quand on voit comment il a été utilisé, on se dit que même si le fork a représenté du développement, c’était en pure perte, de simples pages statiques intelligemment nommées auraient parfaitement fait l’affaire.

Il nous reste donc la gestion de contenus : le site est encore mis à jour mais aux frais de la fondation cette fois ci. Politique.net nous explique que ce site a coûté au contribuable la bagatelle de plus de 25000 euros par mois ! Mais combien étaient ils pour poster des billets dans un WordPress !

A cette occasion, Matignon avait glissé qu’auparavant, deux prestataires externes assuraient la gestion du site de Carla Bruni, pour un coût de… 25 714 euros par mois

Mais ce n’est pas tout, car, oui, , il a bien fallu faire vivre les contenus du site et là, c’est le NouvelObs qui nous annonce la couleur, soit 8 collaborateurs pour une rémunération nette globale de plus de 36 000 euros. Soit en tout 60 000 euros par mois pour faire fonctionner un WordPress qui n’a jamais été mis à jour.

Les services du Premier ministre avaient complété cette réponse d’une comparaison avec le dispositif dont bénéficiait Carla Bruni-Sarkozy, qui n’était pas nommément citée : « huit collaborateurs étaient affectés au service de la Première dame en janvier 2012 pour une rémunération mensuelle nette globale de 36.448 euros ».

« A celle-ci s’ajoutaient tous les mois les facturations de deux prestataires externes assurant pour la Première dame la gestion d’un site internet pour un montant de 25.714 euros, soit une dépense mensuelle totale de plus de 60.000 euros », avait conclu Matignon.

Bref… Pour avoir vu un paquet de sites WordPress, du modeste blog à l’Intranet de la mort avec des tonnes de développements spécifiques, je dois dire que je reste sidéré de constater le coût pour le contribuable de ce site si mal entretenu.

Je suis en train d’essayer de me contenir, mais voilà, il faut que ça sorte, le contribuable s’est fait escroquer, c’est pour moi une évidence. Les ingrédients pour arriver à ça sont :

  • Des prestataires multiples ;
  • Une gestion de projet qui respire l’incompétence ;
  • Des choix techniques douteux (des hacks de plugins qui ne sont plus maintenus et qui empêchent les mises à jour) ;
  • Une folie des grandeurs ;
  • Et un doigt tendu bien haut au contribuable.

 

#Snowden, #Assange : cette France qui conchie ses principes fondateurs

FreedomNous vous avons expliqué comment Amesys avait réussi son petit tour de passe passe pour exiler (tout en gardant la propriété) Eagle, son outil de surveillance de masse aux Emirats Arabes Unis, il y a quelques mois de ça. Aujourd’hui en refusant d’accorder à Edward Snowden l’asile politique, ou du moins en montrant une grande frilosité à se poser la question, la France conchie les libertés fondamentales inscrites dans sa Constitution, elle conchie ce qui est censé être notre ciment social.

Comme Julian Assange, Edward Snowden est physiquement menacé. Les informations qu’ils ont révélé sont classifiées aux USA et au motif du délit de « conspiracy » et d’espionnage, tous deux risquent la peine de mort, au mieux, comme le prévoit le Patriot Act, de finir leurs jours à Guantanamo, sans même être jugés.

La France, sur le papier, pays des droits de l’Homme et de la liberté d’expression, préfère donc couvrir l’exile financier et technologique de ses produits de surveillance de masse « made in France », plutôt que d’octroyer à ces deux personnes, auxquelles nous devons une prise de conscience mondiale, leur droit le plus élémentaire : celui de vivre.

Il faut bien comprendre que sous notre droit à nous, Edward Snowden comme Julian Assange n’ont commis aucun délit en publiant des informations classifiées aux USA car elles ne le sont pas du tout en France.

Du point de vue du droit « connu » de nos citoyens (que l’on opposera à des accords secrets), rien ne s’oppose donc à ce que Snowden et Assange puissent bénéficier de la protection de la France, ce serait même parfaitement légitime, humain et dans la droite lignée des valeurs que notre République dit défendre.

Cette frilosité, mise en perspective avec la fuite incompréhensible et innacceptable des activités d’Amesys qui lui valent pourtant aujourd’hui une enquête pour complicité de tortures en Libye sous le régime de Kadhafi, donne un très mauvais signal. Si notre gouvernement cherche à ressouder les citoyens français, qu’il le fasse avec les valeurs inscrites dans notre Constitution. Qu’il ne se dérobe pas derrière des accords secrets passés avec les USA ou toute autre puissance. A l’heure où notre pays a besoin d’envoyer un message fort pour unir un pays en proie à la crise, au doute, à la défiance de la classe politique, il a une occasion unique d’enfin parler d’une seule voix en faisant bloc derrière des valeurs fortes, des valeurs humaines.

Aussi, nous pouvons, nous devons interpeler nos élus sur cette question. Nous avons le devoir, en tant que citoyens, de comprendre ce qui empêche notre gouvernement de donner son accord pour accueillir Edward Snowden et Julian Assange, nous avons le devoir de lui rappeler que les valeurs de la République ne sont pas exclusivement des produits d’exportation.

#PRISM : Comment passer d’un #spagrave® au #chuichoquée® en moins de 48h ? (avec du @fleurpellerin dedans)

catchlonNos politiques européens sont de très talentueux comédiens. L’indignation d’Angela Merkel, en soi, c’était déjà risible. En France, exception culturelle oblige, nous ne sommes pas les plus mauvais quand il s’agit de sortir les violons pour endormir les masses. Souffler le chaud et le froid, c’est un art. En la matière, Fleur Pellerin est loin d’être la plus mauvaise. Notre ministre, en plus d’avoir une parfaite compréhension technique de l’affaire PRISM et des différentes sources d’informations constituant le gros de la doctrine SIGINT des USA depuis les attentats du 11 septembre, connait parfaitement les dossiers relatifs à la surveillance des réseaux, attendu qu’elle s’est très probablement penchée sur la cession d’Eagle par AMESYS à AMESys (le spin-off d’Amesys domicilié aux Émirats Arabes Unis pour vendre des outils de surveillance de masse sans avoir à se soucier d’éventuelles violations des droits de l’Homme… business is business).

Souvenez vous c’était il y a 48 heures, lors de son passage sur BFM. Fleur Pellerin nous expliquait quelque chose de très surprenant… Elle mentait, à minima, par omission :

« Ce qu’on sait aujourd’hui c’est qu’un certain nombre de sites, pas tous, ont donné sur requête judiciaire ou sur requête de l’administration américaine un certain nombre d’informations (…)»
(…)
« il n’est pas question d’une surveillance généralisée des réseaux (…) »

Aujourd’hui, le Monde titre « Espionnage de la NSA : la classe politique française estomaquée ». Estomaquée… rien que ça. Et la petite perle, c’est quand même la réaction toute neuve de Fleur Pellerin, qui avant les révélations du Guardian au sujet de l’espionnage des instances européennes, minimisait la portée de PRISM… mais non en fait, pas de PRISM (qui tout seul n’est pas grand chose et dont il fait peu de sens de  dissocier du contexte global), mais bien du programme de surveillance de masse opéré par la NSA et au moins 7 pays européens partenaires de la NSA, tous bien complices, tous parfaitement au courant.

Voici la réaction toute neuve de Fleur Pellerin :

En revanche, Mme Pellerin s’est dite choquée par le « dispositif de surveillance généralisée » des populations révélé par les premières fuites d’Edward Snowden, le programme Prism. Interrogée sur l’opportunité de représailles, comme la suspension des discussions commerciales, la ministre a appelé à « ne pas mélanger les sujets à ce stade. »

Si je rejoins Fleur Pellerin sur la position à adopter face aux USA, en évitant de tout mélanger, je suis bien plus sceptique sur le message subliminal renvoyé par ce genre de revirement. Non pas de la part de Fleur Pellerin qui se dit choqué par la mise sous surveillance des citoyens, mais par les réactions de nombreux politiques, tout bords confondus, que l’on entend s’indigner pour la surveillance des institutions européennes.

Lisons entre les lignes :

  • Que la NSA viole les communications privées de tous les citoyens européens, ça, on s’en fout, c’est pas grave, on peut le minimiser, histoire de couvrir les pratiques de nos amis à gros zizi... et il faut le dire, aussi un peu peut-être nos propres pratiques.
  • Que la NSA viole les communications publiques d’une institution publique, au service du public, et financé par de l’argent public, ça c’est choquant !

Puis après tout, si l’UE n’a rien à se reprocher, c’est qu’elle n’a rien à cacher non ? Ah non ? Ça marche pas ça avec les institutions ? C’est que pour les citoyens ?

Heu … WTF ? Aurais-je loupé un épisode ?

Les inquiétants mensonges de Fleur Pellerin au sujet de PRISM

lolcat-oathOn attendait une réaction de Fleur Pellerin au sujet de PRISM un peu moins farfelue que « le cloud souverain » avec lequel elle a tenté de nous endormir la semaine passée. Nous avons failli en avoir une ce matin un peu plus sérieuse… mais non. Fleur Pellerin a décidé de récidiver et de s’enfoncer dans le mensonge.

Dormez tranquilles citoyens, la République et l’Europe veillent.

Une fois de plus, notre ministre, reçue par Jean-Jacques Bourdin sur BFM a commencé à évoquer PRISM d’une bien étrange manière. Écoutons attentivement ses propos, ils sont édifiants.

Pour notre ministre, PRISM, c’est juste l’équivalent de la PNIJ, des petites interceptions ultra ciblées qui ne concerneraient qu’une poignée de personnes, le tout sur demande d’un juge.

« Ce qu’on sait aujourd’hui c’est qu’un certain nombre de sites, pas tous, ont donné sur requête judiciaire ou sur requête de l’administration américaine un certain nombre d’informations (…)« 

Comme si l’interception de fibres sous-marines ne concernait que « quelques sites »… ahem…

L’ensemble du trafic et des communications des américains, dans la bouche de Fleur Pellerin devient donc « un certain nombre d’informations ».

« il n’est pas question d’une surveillance généralisée des réseaux (…) »

Ah… ça, c’est quand même gonflé !

De deux choses l’une, soit Fleur Pellerin est très mal informée, soit elle ment éhontément pour nous cacher quelque chose. Et comme je doute fort qu’elle soit mal informée, j’en déduis assez logiquement qu’elle nous ment avec un aplomb qui ne peut que cacher quelque chose d’inquiétant… au hasard, la complicité des autorités françaises (et européennes) sur des programmes connus de longue date, auxquels nous collaborons certainement et des écoutes hors de tout cadre juridique, opérées depuis l’étranger.

Le cabinet de Fleur Pellerin lui aurait il caché Mainway, Nucleon, Marina (…). Loin d’être comparable à un programme d’interception judiciaires, PRISM s’inscrit au sein d’un programme beaucoup plus vaste d’interceptions parfaitement massives composé de plusieurs sources de renseignement d’origine électromagnétique comprenant :

  • L’accès aux données chez de gros acteurs de la téléphonie et de l’Internet (avec stockage pour une durée indéterminée et exploitation à postériori) ;
  • L’interception massive des données au cul des câbles sous marins ;
  • Le piratage de backbones pour accéder à des masses d’informations considérables ;
  • Et probablement bien d’autres joyeusetés.

Voyons par exemple ce que dit CNet (et c’est le son de cloche dans toute la presse anglo-saxonne)

Newly disclosed classified document suggests firms allowed spy agency to access e-mail and phone call data by tapping into their « fiber-optic cables, gateway switches, and data networks. »

Fleur Pellerin, comme la commission européenne, est également étrangement silencieuse au sujet de Tempora, le programme britannique d’interceptions de masses.

D’ici à ce qu’on apprenne que la France était non seulement parfaitement au courant de Stellar Wind et fait elle même partie du dispositif, il n’y a franchement plus très loin. Mais voilà, Fleur Pellerin le sait, ce qui est à peu près accepté aux USA ne le serait probablement pas en France. Pourquoi ? Parce que contrairement aux USA, la France ne dispose pas de loi antiterroriste comme la FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act) ou le Patriot Act permettant de violer massivement les communications de l’ensemble de la population.

Et plus le temps passe plus tout porte à croire que notre ministre allume des contre feu ridicules pour tenter d’éluder quelque chose dont elle a parfaitement conscience et qui devient particulièrement nauséabond.

Fleur… attention, ça commence à se voir.

HADOPI : vers la fin d’une absurde prohibition culturelle ?

prohibitionJe vous annonçais ce matin que quelque chose d’énorme était en train de se préparer rue du Texel… et effectivement, la surprise est de taille. Comme je vous l’expliquais tout à l’heure, l’HADOPI marque une volonté de sortir de la riposte graduée contre laquelle nous luttons depuis plus de 4 ans. Mais contrairement à ce que l’on peut déjà lire dans certains articles, il ne s’agit pas d’une licence globale : ce ne sont pas les utilisateurs qui financeraient directement par une contribution ce système, mais les acteurs qui en tirent un profit financier. L’HADOPI envisage ce que nous n’osions nous même pas imaginer après tout ce temps à avoir l’impression de lutter contre des moulins à vent : une reconnaissance, formelle, des échanges non marchands, s’appuyant sur un système de rétribution des auteurs, financé par les diffuseurs faisant commerce (direct ou indirect) de la diffusion d’œuvres de l’esprit dématérialisées.

Pour ceux à qui ces mots font mal au crâne, je vais vous la faire plus simple :

Si ce projet est mené à bien, nous pourrions enfin échanger en peer to peer sans qu’une bande de guignols ne tente de flasher notre adresse IP pour la transmettre à l’HADOPI… fini la police privée du P2P, fini les spams qui vous demandent de « sécuriser votre connexion » sans vous expliquer comment, fini le risque d’amende, fini le risque de se retrouver devant un juge, fini les coupures de connexion, et surtout… fini le délit de contrefaçon totalement crétin lorsque l’on télécharge un film ou un MP3.

Ça, c’est ce que la majorité d’entre nous appréciera, c’est déjà en soi une première mondiale. Mais il faut pousser la réflexion un peu plus loin pour comprendre jusqu’où va cette proposition de reconnaissance des échanges non marchands. L’HADOPI dit étudier la faisabilité de cette reconnaissance des ces échanges en proposant une compensation financière aux ayants droit, payée par les entités qui tirent un profit direct ou indirect de la mise à disposition des œuvres.

Les implications dépassent même le stade de la diffusion des œuvres culturelles. Les effets de cette petite révolution si elle venait à se concrétiser, serait un moteur pour l’innovation dont de nombreuses PME ou TPE pourraient tirer profit. Même des plateformes aujourd’hui considérées comme illégales pourrait devenir parfaitement légales en contribuant à la rémunération des auteurs. L’innovation dans la diffusion des œuvres est principalement freinée par les coûts d’accès aux différents catalogues. Pire, impossible pour une société ne disposant pas de plusieurs millions d’euros d’accéder à tous les catalogues, et ainsi de proposer une « offre légale » digne de ce nom. La reconnaissance des échanges non marchands pourrait ainsi mettre un sacré coup de pied dans la fourmilière et les ayants droit n’auraient plus aucun intérêt à restreindre l’accès à leur catalogue puisque ce dernier s’échangerait d’une manière ou d’une autre, à eux de décider s’ils veulent tirer un profit des échanges au lieu de rien du tout… et ça, c’est la vraie révolution. Ceci pourrait donc au final directement profiter à des auteurs qui ont le malheur de faire partie du « mauvais catalogue », celui auquel s’agrippe un ayant droit le privant d’espoir de toute diffusion, et donc de toute rémunération.

Il y a quand même maintenant deux caps qui vont être compliqués à franchir :

Le premier est d’ordre légal. C’est là que nous verrons si le gouvernement entreprendra la sortie de la riposte graduée, ou si ce dernier, reniant ses promesses de campagne, décide de ne rien faire et donc, de rester dans une ère répressive absurde qui pénalise autant les internautes que les auteurs. Quand on fait rentrer quelque chose d’aussi débile que la riposte graduée dans le corpus législatif, il est forcément un peu compliqué de s’en débarrasser.

Le second est d’ordre technique puisqu’il touchera au modèle de rémunération et risque de s’opposer de manière assez frontale aux réticences des SPRD qui profitant de leur quasi monopole, ont su créer un véritable système mafieux épinglé à maintes reprises par la cours des comptes.

Bref, la bataille HADOPI n’est pas terminée, et ce n’est peut être pas le CSA qui la gagnera.

#PRISM : iTrust, ou le iBullshit souverain avec du iFud dedans

albundyLe site Toulouse7.com ayant décidé d’égarer mon commentaire en réaction à cet article, je me suis dit qu’au final, une réponse trouverait un peu plus d’écho sur ce blog pour sensibiliser les personnes qui pourraient se laisser berner. On se doutait bien que des petits malins allaient surfer sur la vague PRISM pour refourguer leurs « solutions » qui n’en sont pas. Je viens de tomber sur le parfait exemple d’article de page de pub totalement à côté de la problématique de fond pour mettre en avant une solution technique qui ne répond en rien à l’expression d’un besoin de confidentialité pourtant réel des entreprises comme des particuliers face à PRISM, Tempora, et tous les programmes de renseignement d’origine électromagnétique… qui se traduit, rappelons le, par ce qu’on appelle de l’interception massive sur les réseaux IP…

Par pitié, si vous êtes chef d’entreprise et que vous vous sentez concerné par la confidentialité de vos données professionnelles, ne vous laissez surtout pas endormir par ce genre de charlatan qui vous préconise une solution (la leur) alors qu’ils n’ont visiblement pas compris le problème. Nous le savons, le monde de la « sécurité » informatique raffole des peurs des uns et des autres. Un prospect qui a peur, c’est un client en puissance. Si en plus on joue sur sa fibre patriotique, c’est le jackpot.

Si vous vous souvenez par exemple du logiciel de « sécurisation » HADOPI qui n’a finalement jamais vu le jour et dont j’ai d’ailleurs largement parlé sur ce blog, vous vous souvenez peut être aussi des pseudo solutions à la con, comme les HADOPIPOWARES vendus par des sociétés comme Orange et beaucoup d’autres, ce alors qu’aucune spécification n’était rédigée. Un défilé de « solutions » toutes plus crétines les unes que les autres, quand elles n’étaient pas tout simplement vouées à créer plus d’insécurité que de sécurité. A n’en pas douter, et je m’y attendais, PRISM va provoquer le même phénomène, mais cette fois à l’échelle mondiale. Et ça c’est inquiétant.

i (won’t) Trust you

Notre premier winner s’appelle Jean-Nicolas Piotrowski, il dirige la société iTrust, dont je ne remets pas en cause la qualité des produits, je ne les connais pas, je ne les ai pas testé. En revanche je remets en cause ses propos sans queue ni tête pour vendre sa salade, et tout le iBullshit qu’il met autour pour nous enrober ça en se parant de sa blouse blanche.

Il commence d’ailleurs assez fort en mettant en branle son expertise en droit international, un terrain sur lequel peu d’experts en sécurité s’aventurent tant il est casse gueule :

L’espionnage par PRISM n’est pas légal et va à l’encontre à la fois de la règlementation US du tribunal fédéral relatif au renseignement étranger et de la règlementation européenne.

Ah bon ? PRISM ne serait donc pas « légal »… Please define « légal »… légal pour qui ? Légal pour quoi ? Le Patriot Act est illégal ? Un traité comme l’UKUSA est illégal ? J’entends déjà d’ici les britanniques ricaner… j’entends aussi tous les juristes se fendre la poire. Après ce bref interlude juridique, on rentre dans le FUD technique, un peu comme le coup du « connu inconnu » qui m’avait tant fait rigoler :

tel qu’il est techniquement décrit, il ne permet pas seulement de surveiller des individus (officiellement étrangers aux USA) mais permet aussi de perpétrer de l’espionnage économique (notamment à destination des entreprises utilisant les services tels que par exemple : Google, Microsoft, Apple.)

PRISM serait donc « techniquement décrit », intéressant. Bon si vous avez des spécifications techniques sous le coude, elles m’intéressent, n’hésitez pas à me les transmettre par mail. Chez Reflets, nous avons assez candidement cherché dans les moult gigas de PDF et PowerPoint tout laids de la DISA, et on est loin, très loin, d’avoir un descriptif technique du gros zizi américain. La surveillance de masse, c’est un peu comme une boite de chocolats, on ne sait jamais sur quelle agence on va tomber.

Maintenant que le lecteur est persuadé que PRISM est illégal et qu’il est face à un « expert », le voilà mûr pour se faire cueillir :

Alors que faire ? Il faut simplement appliquer ce que certaines instances européennes légitimes et certains experts préconisent

  • utiliser des logiciels et solutions professionnelles européennes (Préconisations faites par la CNIL, le rapport du sénateur Boeckel et l’agence européenne ENISA)
  • héberger des données d’entreprises dans des data centers sur sol européen,
  • choisir des prestataires informatiques privilégiant des solutions européennes dans leurs infrastructures et qui ne seront donc pas soumises au Patriot Act
  • choisir des prestataires de droits européens.

Si Jean-Nicolas Piotrowski avait la moindre idée de ce qu’est PRISM, il ne sortirait pas de telles énormités. Nous l’avons expliqué depuis le début, PRISM est un tout petit machin au sein d’un programme bien plus global… et un programme faisant l’objet d’accords internationaux… avec des pays européens, les britanniques en tête (avec TEMPORA), mais pas que. En outre les USA sont loin d’être les seuls à wiretaper les câbles sous marins ou le cul des iX. Britaniques et français (pour ne citer qu’eux) s’adonnent aussi très certainement à ce genre de pratiques. Prétendre que la problématique de l’interception de masse se limite à PRISM, c’est faire preuve d’un manque de discernement et d’information crasse sur le monde fou fou fou du renseignement d’origine électromagnétique. Je passe sur le clin d’œil au rapport Bockel (et non Boeckel) et le troll sur les routeurs chinois en vous invitant à lire ce billet de Stéphane Bortzmeyer pour vous laisser prendre la mesure de tout le FUD autour de ce sujet.

La conclusion de Jean-Nicolas Piotrowski, on s’y attendait un peu :

Les solutions existent, la preuve en est, j’en ai développé une non soumise au Patriot Act qui garantit une totale confidentialité des données. L’histoire de PRISM nous montre que ce n’est pas le cas pour les solutions américaines.

Wahou… un solution non soumise au Patriot Act ! c’est fort ça ! Nous voila rassurés ! Mais mesurons le degré de soumission au Patriot Act de manière un peu plus objective.

  • Le domaine iTrust.fr est déposé chez Gandi, jusque là tout est souverain
  • iTrust est hébergé sur l’AS39405, un AS souverain (Full Save Network)… jusque là tout va bien, mais attention, le peering est moins souverain (Level3, Cogent et Hurricane sont tout les trois soumis au Patriot Act).

On va dire que pour la tuyauterie, c’est à peu près bon, regardons les dessous. C’est tout de suite moins souverain…

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C’est d’ailleurs assez curieux pour une société de sécurité informatique d’avoir des trackers Facebook et une fan page sur ce réseau social soumis au Patriot Act et collaborant directement avec la NSA, mais pourquoi pas… C’est bien mignon de claironner qu’on a développé un logiciel non soumis au Patriot Act, ce qui est au passage une tautologie pour une entreprise française, mais si on veut se positionner commercialement de manière sérieuse dans les solutions « PRISMproof », on commence par éviter les trackers Facebook sur son site professionnel.

PRISMproof ?

Avant que vous ne me posiez la question « alors comment on fait pour échapper à PRISM », je vais tenter de vous faire une (trop) brève réponse, elle n’est pas parole d’évangile mais elle ne vise qu’à vous donner des pistes, en fonction de vos activités (car il serait idiot de penser que nous avons tous les mêmes besoins et les mêmes exigences en matière de confidentialité, ce en fonction de nos activités) :

  • Oui, on conserve ses données de préférence sur le territoire national et encore, tout dépend… Vous imaginez bien que nous n’irons par exemple pas héberger Reflets.info ni même ce blog chez Numergie (le cloud by Bull / Amesys), ou dans le cloud de Thales.
  • Oui on chiffre son trafic (et tout son trafic), oui on utilise un VPN, mais pas n’importe lequel, on choisi correctement son point d’entrée, son point de sortie (ce en fonction du contexte à protéger lors de vos activités en ligne). J’ai fais le choix de privilégier de l’ OpenVPN (L2TP, c’est la loose). Je privilégie également une PKIx509 en PFS (Perfect Forward Secrecy). Le PFS a une vertu : même si la clé master tombe dans les mains de la NSA, elle ne pourra pas déchiffrer tout le trafic, il lui faudra casser de la clé session par session… ce qu’elle ne manquera pas un jour de faire, sachez le !
  • Non, on utilise pas son VPN pour aller superpoker tout son carnet de contact chez Facebook !
  • On durci son navigateur, par exemple avec JonDoFox et en utilisant, au cul du VPN, un bridge TOR, et des proxys différents pour les autres applications (mail, chat etc… que l’on chiffre également… PGP, OTR tout ça …)
  • Pour une sécurité accrue, on recommandera l’utilisation de machines virtuelles, ce afin d’isoler les différents contextes liés à nos différentes activités (une vm sous GNU/Linux pour les mails, qui sort en Suisse, une vm pour bittorrent, qui sort en Suède, etc…)
  • Oui c’est plus lent, mais vous apprendrez plein de choses passionnantes et vous corrigerez vos comportements en ligne pour gagner en confidentialité et en sécurité.
  • Enfin, on gardera en tête qu’il n’y a pas de secret numérique éternel : toute donnée chiffrée sera déchiffrable un jour ou l’autre (les américains stockent le trafic chiffré, et c’est bien dans le but de le déchiffrer un jour ! Pensez donc à l’anonymiser)

D’une manière générale, ne croyez jamais un commerçant qui affirme vous rendre 100% anonyme sur le Net, c’est forcément un menteur. D’une manière générale ne croyez jamais une personne qui après 20 lignes pour vous expliquer PRISM conclura par « la preuve, j’ai moi même développé la solution qui garantie la confidentialité de vos données« , car ce dernier n’a non seulement rien prouvé, mais c’est très probablement un menteur. Et en matière de confidentialité, il y a certains pays ou ces menteurs peuvent finir avec des morts sur la conscience

Enfin, ne croyez jamais un expert en sécurité qui sort les mêmes âneries qu’un ministre qui dépend de Bercy.

Un pourcentage non négligeable de la confidentialité se passe entre la chaise et le clavier, non sur un disque dur.

L’HADOPI ouvre la porte à la normalisation des échanges non marchands

lolcat-gets-bustedC’est une petite révolution. Après plus de 3 ans de choc frontal avec les Internautes la Haute Autorité ouvre (enfin) une porte à la reconnaissance des échanges non marchands (attention ça va seeder chérie). Dans un communiqué daté de ce jour, l’HADOPI « commence l’analyse de la possibilité, ou non, de modéliser un système de rémunération compensatoire des échanges non marchands« . Les mots ont leur sens. On parle bien ici de sortir du principe de la riposte graduée et _enfin_ d’envisager un système de rémunération des auteurs qui ne reposerait plus que sur le bon vouloir des SPRD en quasi monopole et des copyright nazis.

Il n’est pas ici question de licence globale mais bien d’aller chercher l’argent là où il se trouve, sur les plateformes de téléchargement qui tirent profit de la diffusion des œuvres, tout en permettant à des trackers torrent de « vrai partage » d’exister, et ce en toute légalité. L’HADOPI parle d’un cercle vertueux, et effectivement, on peut très bien imaginer à terme certaines « grosses » boards warez qui tirent profit de la diffusion d’œuvres (des revenus publicitaires), devenir légales, si elles acceptent de reverser une partie de leurs bénéfices aux auteurs.

Tout le travail porte maintenant sur le calcul de ces participations en fonction de paramètres qui restent probablement à définir, mais c’est tout de suite plus plausible et réaliste que les spécifications techniques d’un « contre logiciel » comme l’appelait Christine Albanel.

Oui c’est bien une petite révolution, un virage à 180° qui est en train de s’opérer… et peut être le début de la sortie des sombres années de cyber-prohibition culturelle que nous vivons. Légaliser les échanges non-marchand en faisant payer ceux qui font commerce des oeuvres.

Voici le communiqué complet que je vous invite à lire et à relire, à en débattre, car on peut penser ce que l’on veut de l’HADOPI, mais nous avons peut être sous les yeux le geste que beaucoup d’entre nous attendent depuis le début. Certes il ne faut pas se réjouir trop vite, certes, c’est loin d’être fait, mais si l’Autorité marque une volonté affichée de sortir de la riposte graduée pour enfin permettre la circulation des œuvres, c’est un pas de géant

Accès aux œuvres sur Internet : l’Hadopi engage l’analyse d’un système de rémunération proportionnelle du partage.
27/06/2013

Dans le cadre de ses travaux d’étude et de recherche, l’Hadopi commence l’analyse de la possibilité, ou non, de modéliser un système de rémunération compensatoire des échanges non marchands. Ce travail prospectif s’inscrit dans le cadre de la mission légale de l’institution d’identification et d’étude des modalités techniques permettant l’utilisation illicite des œuvres sur les réseaux et de propositions de solutions pour y remédier.

Selon l’approche retenue, un même usage est qualifié soit de « piratage en ligne », soit « d’échange non marchand ». Cet usage a été rendu possible par internet et les sites et services développés sur le réseau. Il est complexe, migrateur et résilient. La dernière enquête publiée par l’institution, « carnets de consommation », en donne une illustration riche d’enseignements.

Face à la permanence de cet usage, que l’Hadopi a pour mission de dissuader, il reste à apporter une réponse durable à la question de la création, de l’acquisition et du partage des œuvres sur internet. La possibilité, ou non, d’intégrer les « échanges non marchands » dans cette réponse est posée dans le rapport de la mission « Acte II de l’exception culturelle ».

En accord avec la Présidente de l’Hadopi, le Secrétaire général a présenté au Collège les orientations de cette analyse. Son objectif est d’évaluer la pertinence et la faisabilité d’une « rémunération proportionnelle du partage » emportant acceptation des échanges concernés.

L’expérience acquise par l’institution au cours des trois dernières années tendrait à laisser penser que l’intégration de ces usages pourrait être de nature à créer un cercle vertueux favorable tout à la fois à la création, aux usages, à l’innovation et à un meilleur partage de la valeur.

Cette intégration pourrait être envisagée sous la double condition d’une définition légale claire du statut des œuvres et des usages, et d’une compensation équitable et proportionnelle pour les titulaires des droits des œuvres échangées.

L’exception pour copie privée comme la rémunération équitable fournissent des modèles dont il semblerait possible de s’inspirer pour aller en ce sens, notamment en matière d’inscription dans le droit et de mode de répartition en gestion collective.

La piste de réflexion poursuivie s’appuie sur deux postulats : seule la consommation non marchande des œuvres protégées peut engendrer une compensation financière potentielle ; seules les entités tirant, par leurs activités, un gain marchand des échanges non marchands des œuvres protégées doivent participer à la compensation, à due proportion du volume, de la nature des activités, et du profit qui en est retiré.

Les travaux ont vocation à valider ou invalider la faisabilité d’un tel système et d’en évaluer la pertinence. Ils feront l’objet de consultations et de publications régulières et ouvertes.

Ils porteront pour l’essentiel sur la possibilité, ou non, de déterminer un profil d’usages, un profil d’intermédiaires redevables, une méthode de calcul de barème de rémunération pour les titulaires de droit, déterminant les caractéristiques d’un modèle valide de rémunération ; et, si un tel modèle semble exister, ses conséquences économiques et son encadrement juridique.

Un premier document de travail balayant les différents usages va être rendu public prochainement. Il a pour objectif de clarifier et préciser ceux d’entre eux susceptibles d’être qualifiés d’ « échanges non marchands ». Il sera soumis à remarques et contributions.

Les résultats seront présentés au Collège de l’Hadopi qui, sur le fondement de ses compétences légales, décidera des suites qu’il choisit de leur donner.

#BullshitOfTheDay : Toi aussi fais toi ton #PRISM… chez #Google !

research-cat-lolcat-706798Il y a des jours comme ça où on se demande pourquoi  on s’emmerde à essayer de comprendre et d’expliquer de manière à peu près sérieuse un sujet aussi complexe que  PRISM. Derrière les 5 PowerPoints d’Edward Snowden, la presse du monde entier a réussi à atteindre des sommets de conneries. La plus belle d’entre elles pourrait bien revenir à Computerworld sur lequel je suis tombé grâce à BigBrowser qui ne m’avait pourtant pas habitué à relayer ce genre d’article totalement débile. L’objet du délit s’intitule « How to run your own NSA spy program » que BigBrowser a évoqué ici : « Créer votre propre programme Prism à la maison« .

Outre le fait que l’article navigue entre absurdité technique et sensationnalisme parsemé de buzzwords 2.0 qui ressemblent à un billet sponsorisé par une agence de comm’, on se demande bien ce qui a pu passer par la tête de l’auteur pour tenter de faire gober à ses lecteurs qu’il est possible, pour le péquin moyen, de se créer un système de surveillance de masse grâce à un simple compte Gmail. Pourtant, en s’arrêtant au titre, on se dit que l’article va parler d’outils sympas comme mmnt, ShodanHQ ou les excellents Maltego et Casefile de Paterva… Je me disais qu’on allait nous fournir un patch SQLMap pour dorker différents moteurs de recherches, le tout plugué sur un bruteforcer de services en ligne et de réseaux sociaux qui réutilise les dumps de tables passwords en mode automatisé… ben non !

Au lieu de ça, toute la démonstration de l’auteur porte sur « comment créer son programme PRISM en reposant à 100% sur les services de… Google ». Une sorte de Prism dans le Prism ! Fallait y penser.

Et c’est un véritable festival :

One easy way is to use integrated Google services together.

Google now offers 15 GB of free storage that can be divided any way you like between Gmail, Google Drive and Google+ photos. And they’ll give you more if you pay for it.

Google also offers an Alerts service that searches the Internet and mails you the results. Most people set up only the number of Alerts that they can read. But that’s not the NSA way.

The PRISM approach would be to harvest far more Google Alerts than any human could possible process, then use Gmail filters to automatically skip the inbox and send them straight to a specially created folder within Gmail. You can set up new Alerts every day each time you think of an area of interest. These can include people you know, companies to watch, ideas to keep up with.

Repris par BigBrowser, on se rend compte de l’absurde marmelade que l’on obtient :

L’un des moyens les plus simples pour collecter un grand nombre de données, c’est encore d’utiliser de manière intégrée tous les services Google. Avec une offre gratuite de stockage de 15 Go, bon nombres de possibilités s’offrent à vous.

Google Voice (restreint aux internautes américains), un service de télécommunication en ligne, permet ainsi de sauvegarder tous vos appels téléphoniques et chats. Il suffit de cocher l’option de « sauvegarde » pour recevoir toutes vos informations par e-mail et le tour est joué.

Petit rappel, PRISM sur le papier, c’est pour collecter les communications des autres… pas ses propres communications (ça chez les gens normalement cortiqués, on appelle ça une sauvegarde domestique, pas PRISM). A lire l’auteur, on a l’impression qu’il suffit d’avoir un compte Google pour accéder aux communications de tous les utilisateurs de Google… du grand n’importe quoi. Mais la comparaison entre Google Drive, Google Hangout, Google Scholars, Google Vibromassor® et PRISM ne s’arrête pas là. Très sérieusement, l’auteur nous explique que pour se la jouer comme la NSA, il faut tweaker votre code pour bénéficier au mieux de Google Alert (sûrement pour mieux dumper vos flux RSS sur Google Drive !). Bon sang mais c’est bien sûr ! :

The key to great NSA-style data harvesting, by the way, is to constantly tweak your code. Keep adding, deleting and modifying your Google Alerts and RSS feeds to make sure they deliver the kind of data you want.

Mais l’auteur peut encore creuser, il en a sous le pied. Point d’orgue de son article : le filtrage algorithmique. Avons nous sous les yeux l’article du seul journaliste qui semble avoir eu un accès complet aux différents programmes du GCCS-J … dont la presse semble se foutre éperdument en préférant reprendre le premier énorme bullshit qui passe sur « comment sécuriser ses communications mobiles grâce à des programmes diffusés sur l’AppStore d’Apple et maintenant comment jouer à la NSA grâce à Google ? » :

There’s one ironic caveat to using the NSA’s methods for wide-scale information harvesting and algorithmic filtering, which is that the NSA may theoretically know everything you’re doing.

The NSA’s domestic surveillance programs are controversial and possibly unconstitutional. But let’s face it: They work.

« Wide-scale » avec ton compte Gmail ?… on ne doit pas avoir la même notion de ce qu’est le wide-scale.

Tempora : le premier dommage collatéral de l’affaire Prism

vaderVous pensiez que seuls les américains avaient la possibilité de s’adonner à de l’écoute massive ? Et voilà Tempora révélé au grand public par le Guardian. L’affaire a de quoi faire sourire et il y a fort à parier que c’est le premier d’une longue liste de noms. Les autorités Allemandes ont officiellement demandé des explications au gouvernement britannique. Ce qui est amusant car il n’y a pas bien longtemps… je vous parlais de quoi et de qui ? Ah oui… de l’hypocrisie des allemands et des britanniques.

Et les allemands, ils en ont des raisons de ne pas être contents, car figurez vous qu’ils découvrent tout juste que les britanniques ont aussi leur programme d’interception de masse, Tempora. La ministre de la justeice ne semble pas avoir de mot assez fort pour qualifier cet affront. Et tout ça dans leur dos, à eux, leurs copains européens.

The Guardian said documents from Snowden showed that Britain’s Government Communications Headquarters (GCHQ) began « Tempora » 18 months ago to tap and store world phone calls and Internet data traffic for 30 days « without any form of public acknowledgement or debate. »

Alors que l’on date PRISM de 2004, le programme britannique n’aurait lui que 18 mois. Et comme nos copains anglais sont connus pour avoir un plus petit zizi que nos amis américains, ils ne stockent les communications que 30 jours… oui juste 30 jours. Et si vous pensiez que Prism c’était LE gros zizi ultime, je vous invite à lire cet article de Kitetoa sur Reflets (si tu es journaliste et que tu as découvert PRISM dans des dépêches AFP, et que tu as envie de briller lors de soirées mondaines, la lecture de cet article est indispensable)… bref vous allez vite comprendre pourquoi depuis le début de cette affaire nous n’avons de cesse d’expliquer que Prism est en fait un tout petit bidule.

Et bien on a pas finit de rigoler. Allez avant que nos euros députés ne fassent mine de s’étonner, on va les aider un peu :

La Suisse fait pareil, le programme se nomme Onyx. Quand à la Suède, elle n’est pas en reste, elle a une loi dédiée qui se nomme FRA… Mais nous en France, on ne fait pas ce genre de trucs, il se peut que de temps en temps, on refourgue un système ou deux de surveillance à l’échelle d’une nation à des des dictateurs, de manière complétement désintéressée, il va de soi, mais ce n’est évidemment qu’un produit d’exportation. Puis tant qu’à y aller franchement, quand on voit tout ce qui passe comme tuyauterie optique aux Pays-Bas, on se dit que les autorités locales seraient bien bêtes de ne pas en profiter…

Il est d’ailleurs assez amusant de voir que Fleur Pellerin, loin d’aller demander des comptes aux américains ou aux anglais, s’empresse de raconter n’importe quoi à la presse en préconisant un cloud souverain là où il faudrait éduquer le public à chiffrer et anonymiser ses communications. Peut-être est-ce parce qu’en rendant sourds et aveugles les services étrangers, nous nous rendrions sourds et aveugles nous même ?

Bref à l’ouest rien de nouveau depuis 2010 : à force de vouloir écouter tout le monde, on finit par ne plus entendre personne.

PRISM, l’Europe et l’hypocrisie des britanniques et des allemands

lolcat_internetjpgNous vous en avons déjà parlé sur Reflets ou sur ce blog…. l’hypocrisie des politiques européens semble sans borne. Mais la palme des faux culs européens revient sans hésitation aucune au gouvernement britannique. Historiquement, il faut revenir à 1946, époque à laquelle le Royaume Unis et les USA signaient un accord, l’ UKUSA, qui allait donner naissance au premier réseau de renseignement par interception de signaux d’origine électromagnétique : Echelon. Le Canada, l’Australie, la Nouvelle Zélande allaient vite rejoindre le Royaume Unis les USA. Mais comme au royaume des faux culs, plus on est nombreux et plus on intercepte, l’Autriche, la Thaïlande, le Japon, la Corée du Sud, la Norvège, le Danemark, l’Allemagne, l’Italie, la Grèce et la Turquie sont autant de nations qui vinrent se joindre à Echelon.

Vendredi, nous apprenions que Edward Snowden accuse le Royaume-Unis, plus exactement le GCHQ (Government Communications Headquarters), de s’adonner à de l’écoute de masse de ses citoyens… et aussi, c’est un peu le principe d’une communication, avec un émetteur et un récepteur, de collatéralement écouter des millions de citoyens du monde entier, et donc européens. Je ne vais pas vous faire un dessin, mais voilà la gueule du scoop ! Dés 1946, c’est ce même GCHQ qui déployait des bases relais d’Echelon sur son propre territoire, comme par exemple ici, à Menwith Hill… une station d’interception, directement opérée par la … NSA !

Menwith Hill google maps - Google Maps 2013-06-22 18-05-06

Nos gros faux culs de britanniques qui opèrent eux-mêmes la plus grosse station d’interception d’Echelon à Morwenstow en Cornouailles.

Morwenstow, Großbritannien - Google Maps 2013-06-22 18-08-44

By 2010, two years after the project was first trialled, it was able to boast it had the « biggest internet access » of any member of the Five Eyes electronic eavesdropping alliance, comprising the US, UK, Canada, Australia and New Zealand.

… tiens c’est marrant car on retrouve les mêmes zigotos que dans l’UKUSA !

Mais ce n’est pas tout, car à n’en pas douter, les Allemands aussi vont jouer leurs vierges effarouchées à Bruxelles. Sauf que ces gros hypocrites vont probablement oublier de parler à leurs collègues eurodéputés de la base d’interception de Bad Aibling, elle aussi opérée en direct par la NSA, ce jusqu’en 2004.

Bad Aibling - Google Maps 2013-06-22 18-15-19

Vous noterez que les 3 stations que nous venons de visiter ici n’ont pas l’air de vestiges de l’après guerre, elles sont bien toujours en activité pour de l’interception GSM et satellitaire… après ça, vous dire que je suis étonné que Edward Snowden déclare que le Royaume Unis wiretap les câbles de transit IP… comment vous dire ? Ah oui, ça m’en touche une sans faire bouger l’autre.

Ce qui m’agace profondément, vous l’aurez compris , c’est bien cette hypocrisie des politiques qui font mine de découvrir aujourd’hui qu’ils disposent sur leur propre territoire de stations d’interception de la NSA alors qu’elles collaborent depuis des années avec cette même NSA sur ces programmes qui sont issus d’accords bien connus, auxquels le 11 septembre a permis de donner une seconde jeunesse, avec la bénédiction des pays européens concernés.

En bref, mesdemoiselles, mesdames, messieurs les eurodéputés, attention de ne pas trop vous payer la tronche de vos concitoyens, parce que ça va franchement finir par se voir.