La neutralité à l’ère féodale du Net

Nos camarades américains en sont encore tout secoués. Des rumeurs faisant état d’une entente entre Google et Verizon visant à discriminer l’accès à des contenus dans un but commercial (une définition admise de l’atteinte à la neutralité du Net), fait couler du pixel. Cette pratique, je vous en avais parlé en version longue ici. Hier, c’est Fabrice, sur Read Write Web France qui en collait une. Fabrice rappelle par exemple que l’intégration verticale des opérateurs allait conduire à tuer le principe fondateur d’un vecteur d’innovation incontestable. C’est assez choquant comme information car jusque là, Google a toujours observé une politique très respectueuse de la Net Neutrality. La motivation de Google porterait sur l’Eldorado de la téléphonie mobile sur lequel on lui prévoit un futur radieux, Android dépasserait alors Apple en nombre de terminaux dés 2012.

Cependant, cet épisode nous rappelle que le mélange des genres entre acteur de « l’internet mobile », fournisseur de contenu, … ne conduit qu’à des situations qui ne peuvent être que préjudiciables à l’intérêt commun. Cette concentration, à l’échelle de ce qu’est Internet, est un point d’histoire qui trouve son pendant dans la période féodale ou quelques seigneurs concentraient le pouvoir. Avec le Net il nous faut réapprendre les vertus de la démocratie alors que ce dernier pousse à des instincts assez primitifs. Instincts primitifs qui sont une parfaite transition avec ce qui suit le billet de Fabrice. On y trouve deux commentaires amusants, on voit que Fabrice agace un peu de monde, du coup on panique et on lâche des scoops (ou du FUD), en omettant deux trois choses …

Vraie ou fausse information, motivée ou non, cette technique est déjà déployée dans un pays européen comme l’Allemagne, où un composant physique équipe les box fournies par les FAI. Mais avec une ou deux nuances :

  • il ne peut être utilisé par les autorité que dans un périmètre légal très strict (commission d’enquête rogatoire pour des crimes particulièrement graves ou des activités de terrorisme).
  • il ne bloque pas le trafic chiffré

Qu’une application généralisée d’un tel dispositif puisse voir le jour en France pour la protection de la propriété intellectuelle, c’est quand même assez énorme de naiveté. Là on ne parle même plus de Net neutrality mais bien d’une splendide société de surveillance avec une arme redoutable offerte à qui voudrait en finir avec notre démocratie. Si ce monsieur est vrai lobbyiste de la propriété intellectuelle, il serait curieux de connaitre son point de vue sur le détournement d’un tel dispositif par des personnes pas « aussi bien intentionnées » que lui.

Le lobby de la propriété intellectuelle, on peut se dire qu’il ne pèse pas lourd devant l’industrie du Jeux par exemple. On imagine bien le genre de choses que ces gens là arrivent à obtenir en catimini, sans que ça n’émeuve l’opinion publique. J’ai bien plus de doutes sur l’efficacité du lobby des industries culturelles même s’il peut se targuer de quelques « victoires » intéressantes. C’est prévu pour quand déjà la carte musique jeunes ?

J’ai tout de même un doute sur les véritables fonctions de notre intervenant mystère, car quand il parle de box qui bloquent le traffic chiffré, c’est faire preuve d’une incompétence technique crasse qui tend à confondre une box avec l’Internet comme un débutant confond le bureau de son système d’exploitation et le contenu de son navigateur…

Dernier point, on a beau être le meilleur lobbyiste du monde, on ne peut pas défendre avec succès des choses par nature improbables. En plus de méconnaitre techniquement Internet, c’est omettre totalement un texte poussiéreux daté de 1789.

Pas de panique Fabrice, pour moi c’est un fake 😉

Filtrage du Net : les jeux en ligne seront le prétexte français pour s’attaquer à la neutralité des réseaux

filtrageJe suis depuis hier attentivement les débats d’une autre planète sur la légalisation des jeux d’argent sur le net … pour des entreprises comme Bolloré qui est déjà en train de rapatrier ses serveurs de Malte, assuré qu’il est qu’il obtiendra sa licence et qu’il pourra sortir de l’illégalité dans laquelle il se trouve comme 25 000 acteurs de cette industrie.

D’une autre planète vous disais-je… et oui, il est question de légaliser les jeux d’argent en ligne d’un côté et de criminaliser le téléchargement de l’autre … on marche sur la tête. La prochaine étape, c’est la légalisation du crack et le retrait de la vente du Cacolac ? En dehors du risque socio sanitaire que peuvent représenter ces jeux, il faut y lire en filigrane quelques petits « détails » … trois fois rien vous allez voir.

Points communs entre HADOPI et la légalisation des jeux d’argent :

  • La création du Haute Autorité (lol) : comprenez un organisme de copains nommé par des copains chargé de garantir l’opacité de tout système de distribution … entre copains.
  • La question du « sur référencement » de l’offre légale : en clair, soit Google baisse sa culotte, soit on filtre le moteur de recherche à l’échelle française et on embauche 2 ou 3 marabouts du référencement à l’Elysée.
  • Mais le plus inquiétant, ce n’est pas vraiment ces petites magouilles entre amis dont les acteurs ne cherchent même plus à se cacher, la question en suspend, c’est l’atteinte à la neutralité du net. Il est bien question de filtrer, par toutes manières possibles et imaginables les sites « illégaux », comprenez les sites à qui cette nouvelle Haute Autorité n’aura pas daigné octroyer de licence (actuellement TOUS sont illégaux, mais comme les acteurs sont bien connus, la loi n’a jamais été appliquée). On parle d’une cinquantaine de sites qui obtiendront l’agrément de l’ARJEL, les 24 950 et des brouettes d’autres sites utiliseront surement d’autres canaux  que le référencement usuel pour rester accessibles aux joueurs français.

Le filtrage seule solution ?

Non pas du tout, il suffirait de bloquer les transactions bancaires (c’est bien plus simple à mettre en place), mais là encore, l’objectif n’est pas du tout d’empêcher des sites illegaux, mais bien de légaliser le filtrage.

Comme à son habitude sur toutes les questions du numérique visant à priver les internautes de leur liberté, le gouvernement ne s’appuie sur AUCUNE étude d’impact sur l’ensemble de l’Internet. Des professionnels auraient pourtant pu lui expliquer les effets des mesures de filtrage sur des infrastructures Cloud par exemple … ou encore de la perversion qu’il va initier en instaurant la discrimination des contenus… mais qu’est ce que le cloud et l’internet en face d’un marché qui prévoit d’avoisiner 3,5 milliards d’euros en 2015 et qu’on peut se partager … entre copains.

Je participais récemment à une table ronde pour l’Open World Forum en compagnie de Jérémie Zimmerman (LQDN), Fabrice Epelboin (RWW) et Philippe Langlois (OLPC et /tmp/lab), c’est en cette occasion que nous avons appris que  la Loppsi allait bénéficier d’un texte sur les jeux d’argent en ligne qui sera un prétexte tout choisit pour la mise en place d’un filtrage. Il faut être conscient qu’il s’agit là d’une étape indispensable pour poser la première brique portant sur la discrimination des contenus. Oubliés donc les sites pédophiles (qui ne seront de toutes faon en rien impactés par quelque mesure de filtrage que ce soit comme l’expliquait brillamment Fabrice, ils ont tout prévu, depuis des années, et les autorités le savent très bien).

Les débats à l’Assemblée s’achèveront normalement demain, vous pouvez les voir direct ici, via un flux sale …

En attendant comme l’invite à le faire la Quadrature du Net, contactez votre député pour lui exprimer vos inquiétudes sur les effets non mesurés du filtrage !