Il nous avait promis un site révolutionnaire qui allait changer le monde, on a au final une usine à gaz dont tout le monde parle mais sur laquelle, au final, très peu de gens ont réussi à uploader le moindre fichier. Il nous avait promis un système de partage sécurisé qui allait devenir le temple de l’échange de particulier à particulier, et on se retrouve avec un site bien commercial qui sera sous peu agrémenté de publicités… et manque de bol, une vulnérabilité faisait que le seul truc qu’on aurait pu réussir à partager était sa clé privée RSA sensée assurer « votre sécurité ». Le respect de la vie privée des utilisateurs est elle aussi sujette à extrême prudence, sachez qu’il n’y en a tout simplement pas.
Indisponibilités à répétitions, sécurité hasardeuse, privacy inexistante, mécanismes cryptographiques comme argument commercial implémenté avec les pieds, tout juste bon à se dédouaner face à une justice qui le tient à l’oeil… mais comment Kim Dotcom arrive t-il encore à berner son petit monde avec ce site ?
C’est simple… le FBI a fait de lui un martyr. En décidant il y a un an d’éradiquer Megaupload de la toile, les copyright trolls et le FBI lui ont donné une visibilité rêvée. Cette visibilité, c’est son plus gros capital, et il sait s’en servir. Bien fait a t-on presqu’envie de dire. Et très franchement, je le dirais s’il n’y avait pas les utilisateurs au milieu. La fermeture de Megaupload a donné lieu au coup de départ des ayants-droit d’une offensive sur le direct download. Ce n’est quelque part pas un mal car ces sites, tous bien commerciaux, ne peuvent décemment se faire les chantres de l’échange non commercial.
Et pourtant, c’est bien un tour de force que Mega est en train de réussir. Le nombre incalculable d’articles de presse qui vantent l’outil pachydermique de Kim est ahurissant. Ses offres commerciales sont présentées un peu partout, comme parfaitement légales, et effectivement elles le sont telles que présentées dans ses conditions générales de vente et d’utilisation du service. Et il faut dire qu’il a fait profil bas concernant cette volonté de devenir la Mecque du warez qu’il affichait un peu plus ostensiblement à l’époque de Megaupload.
Mega se veut plus « respectable ». Kim n’offre pas les outils de recherche de fichiers contrefaits sur son site, il est plus malin, il fournit juste l’API qui permettra à des tiers de le faire. Il offre bien une possibilité de partager sur le papier mais ne nous y trompons pas, la manière dont il a restreint la mise à disposition au public des fichiers n’est qu’une posture juridique.
Le site n’était d’ailleurs pas encore officiellement lancé que l’url d’un site de recherche, Searchonmega, tournait déjà un peu partout sur le Net. Ce site vous allez le voir partout ou Mega sera. C’est un peu ce que le débrideur de liens premium était à Megaupload, vous allez en voir des dizaines fleurir, il s’agira de sites bien commerciaux eux aussi, Kim ne sait que trop bien comment se créer un petit microcosme très rentable.
Si le succès est bien là pour Mega, le site ne manquera pas de cristalliser un peu plus la petite guéguerre des infrastructures que se livrent les FAI français, les éditeurs de contenus et les transitaires, comme Cogent, qui assure le transit de Mega. L’incident entre Cogent et Orange n’était qu’un apéritif, et ce dernier risque de ne pas être le seul à monter au créneau cette fois ci.
En attendant, Kim Dotcom a réussi son coup de communication, il peut sans problème affirmer que le lancement de Mega est une opération réussie, mais l’engouement du lancement en grande pompes, c’est une chose. La piètre expérience utilisateurs offerte par Mega aura vite raison du site si ce dernier ne trouve pas LE truc qui assurera sa prospérité.