ACTA la vista baby

lolcatIl y a quelques semaines maintenant je vous disais que l’ACTA était une bataille gagnable. Mercredi dernier, ce sont 377 sur 736 députés, soit une petite majorité, qui ont signé la Déclaration 12, un texte dénonçant « l’absence d’un processus transparent et la présence d’un contenu potentiellement controversé ». Le texte met aussi en garde sur la responsabilité des hébergeurs qui ne doivent pas être tenus pour responsables de ce qui circule sur leur réseau car ceci pourrait les inciter à poser des dispositifs de filtrage.

« L’accord proposé ne doit pas imposer de restrictions à la procédure judiciaire ni affaiblir les droits fondamentaux tels que la liberté d’expression et le droit au respect de la vie privée ».

On sent bien que la Déclaration 12 tranche un peu avec ce que défend actuellement le gouvernement français comme ligne sur la LOPPSI, ça risque de devenir assez drôle si nous nous retrouvons un jour obligés de transposer une directive européenne sur la neutralité du Net (à défaut de s’inspirer de l’exemplaire Islande), avec un passif  comme le nôtre… on aurait l’air malins avec notre Net ouvert par Alcatel ou notre Internet par Orange. Si nous partons avec un passif aussi chargé que celui qui se met actuellement en place, ça nous promet une chouette transposition et de longues heures à expliquer qu’avec la deep packet inspection, ça fonctionne beaucoup moins bien la neutralité et le respect de la vie privée.

Si Déclaration 12 n’a évidemment pas valeur de loi, elle n’en est pas moins un message très clair en direction des négociateurs de l’ACTA. Par ce texte les eurodéputés affirment leur volonté de défendre les libertés individuelles des citoyens européens. Ceci est un signal encourageant.

Chapeau bas à la Quadrature qui s’est beaucoup investie dans l’action de sensibilisation des eurodéputés.

ACTA : une bataille gagnable

Et si tout basculait grâce à 5 gus dans un garage ? Et si l’Union Européenne était finalement capable de dire non ? La Déclaration 12 voit son échéance repoussée au 9 septembre 2010. Du temps supplémentaire afin de recueillir le nombre de signatures nécessaires soit 369 pour faire de la Déclaration 12, une déclaration officielle du Parlement Européen. La prochaine plénière de septembre sera donc décisive, mais on peut considérer que c’est plutôt très bien parti. Ces signatures de membres du Parlement Européen appuient la Déclaration 12 qui incite à plus de transparence et qui rappelle subtilement certaines libertés fondamentales sur lesquelles l’Union Européenne doit montrer une vigilance extrème et sur des points aussi cruciaux que la responsabilité des fournisseurs d’accès Internet, la liberté d’expression, l’innovation, la procédure judiciaire… elle ne devrait pas avoir à transiger.

Jeudi dernier à l’issue de la session parlementaire, Numerama rapportait qu’il ne manquait que 16 signatures pour atteindre les 369 nécessaires. Si cette déclaration s’officialisait, elle jetterai comme un froid sur cet accord commercial multilatéral à l’initiative de lobbys des industries culturelles. Portée depuis début mars par les eurodéputés Françoise Castex (S&D, FR), Alexander Alvaro (ALDE, DE), Stavros Lambrinidis (S&D, GR) et Zuzana Roithová (EPP, CZ), la Déclaration écrite n°12, résolument anti ACTA, pourrait faire date et redevenir ACTA comme un texte du passé. L’Union Européenne pourrait alors construire un cadre moins anachronique.

La déclaration n°12, même dénuée de valeur juridique, porte sur 7 points qui sont une attaque à visage découvert d’ACTA et qui ne sont pourtant que des rappels de principes généraux adoptés par l’Union Européenne et qu’elle est donc sensée défendre :

A. considérant les négociations en cours concernant l’accord commercial anti-contrefaçon (ACAC),

B. considérant que le rôle de codécision du Parlement européen en matière commerciale et son accès aux documents de négociation sont garantis par le traité de Lisbonne,

1. considère que l’accord proposé ne doit pas imposer indirectement l’harmonisation de la législation européenne sur le droit d’auteur, les brevets ou les marques et qu’il convient de respecter le principe de subsidiarité;
2. déclare que la Commission devrait immédiatement mettre à la disposition du public tous les documents relatifs aux négociations en cours;
3. estime que l’accord proposé ne doit pas imposer de restrictions à la procédure judiciaire ni affaiblir les droits fondamentaux tels que la liberté d’expression et le droit au respect de la vie privée;
4. souligne qu’une évaluation des risques économiques et d’innovation doit précéder l’introduction de sanctions pénales dans les cas où des mesures civiles sont déjà instaurées;
5. considère que les fournisseurs de services internet ne doivent pas être tenus responsables des données qu’ils transmettent ou hébergent par l’intermédiaire de leurs services dans une mesure qui impliquerait une surveillance préalable ou le filtrage de ces données;
6. signale que toute mesure visant à renforcer les compétences en termes de contrôle transfrontalier et de saisies de marchandises ne peut porter atteinte à l’accès à des médicaments légaux, abordables et sûrs à l’échelle mondiale;
7. charge son Président de transmettre la présente déclaration, accompagnée du nom des signataires, au Conseil et à la Commission, ainsi qu’aux parlements des États membres.

Il faut mettre en perspective cette déclaration en pleine période de vote du rapport Gallo qui fait bien tâche à côté de cette déclaration en affichant des recommandations pro HADOPI et acquises à la défense d’un copyright de manière aussi aveugle que dangereuse. Récemment repoussé pour la rentrée le rapport Gallo s’attaque à la responsabilité des FAI sur les contenus qui transitent sur leur réseau et dissimule mal ses multiples atteintes à la neutralité du net.