Jean-Marc Ayrault, Député -Maire de Nantes et président du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, dans un courrier adressé à Mme M. Françoise Marais (téléchargeable ici au format pdf) , présidente de la HADOPI, s’étonne que les députés de son groupe soient sollicités par la Haute Autorité sur des questions relatives à la communication alors que de nombreuses questions d’ordre juridique restent en suspend.
Il semble que la Haute Autorité ait sollicité les députés (et c’est tout à son honneur) de l’opposition (et surement pas qu’eux) en leur soumettant un questionnaire.
Je vous ai souvent parlé des carences démocratique pendant les débats… et bien ça n’a pas manqué, après que les internautes, puis la presse, aient maintes fois souligné que la Haute Autorité ne pouvait jouir d’une légitimité reconnue après ces parodies de débats parlementaires où toute opposition a savamment été muselée… voilà que les députés s’y mettent. Et ils ont bien raison ! Combien de questions de parlementaires sont encore sans réponse ? PCinpact a dressé un inventaire et c’est franchement pas très beau à voir.
Le député Ayrault qui s’exprime au nom du groupe parlementaire, n’y va pas avec le dos de la cuillère : il rappelle que le délit de négligence caractérisée est intimement lié, par le décret 2010-695 du 25 juin 2010, au fait de ne pas avoir mis en place un dispositif de sécurisation de l’accès Internet, ce qui n’a pas empêché la HADOPI d’envoyer sa première vague d’email de « recommandation ». Pour ceux qui n’ont pas suivi, le mail de la HADOPI recommande à l’Internaute de sécuriser sa connexion Internet en se gardant bien de lui dire comment ou encore ce qu’elle entend par connexion Internet… et oui, c’est l’un des « petits bugs » du texte de loi. Jean-Marc Ayrault s’intéroge « des logiciels capables de sécuriser totalement un accès Internet existent-ils réellement ?« … et paff ! Il est évident qu’aucun logiciel de ce type n’existe… et n’est pas prêt d’exister… il y en a bien un qui a essayé, une entreprise du nom de Tegam qui vantait son antivirus capable de bloquer « même les virus qui n’existent pas encore »… et bien devinez quoi ? Un jour Tegam a croisé la route d’un certain Guillermito… puis du coup, Tegam n’existe plus.
La suite du courrier est succulente, le député Ayrault souligne que l’offre légale se fait toujours attendre et nous rappelle au passage que les offres légales seront « labellisées » pffffft krkrkrk… veuillez m’excuser, c’est nerveux, j’étais juste en train de m’imaginer un beau logo « HADOPI compliant, 100% warez Free » sur le site de la FNAC. Il en profite également pour s’interroger sur le coût de la carte musique jeunes.
Toujours sur les questions budgétaires, le député Ayrault revient sur les 12 millions accordés dans la loi de finance 2012 à la Haute Autorité, il rappelle que le budget initial au vote était de 6,7 millions. En toute logique, ce budget pourrait encore augmenter, car on ne le dit pas assez, mais civiliser Internet… ça coûte cher. En outre le député se demande où en sont les négociations avec les fournisseurs d’accès Internet concernant le dédommagement des frais liés à l’identification des internautes (et ça on risque d’en entendre reparler dans peu de temps).
Le député Ayrault manifeste aussi son intérêt, et celui de ses collègues, sur la volumétrie des envois de mails. Et là comment vous dire… le député fait mouche. Il a de nombreuses fois pendant les débats, puis dans la presse, été question d’envoyer 10 000 mails par jour, soit 3,65 millions de mails par an. Dans une hypothèse d’un coût de 1,5 euros par identification, ça nous fait quand même du 5,47 millions par an. Autant vous dire que si la HADOPI compte envoyer 10 000 mails par jour et qu’elle se résigne à payer les FAI pour ces identifications, elle va ruiner le contribuable. Pour moi, ce chiffre de 10 000 mails par jour, c’est du flanc, destiné à faire peur. Pour tout vous dire, si je reçois un mail HADOPI, je file aussitôt au PMU du coin remplir une grille de lotto.
Pour conclure, le groupe socialiste rappelle que comme prévu, HADOPI ne rapporte pas un centime de plus aux créateurs, et c’est donc bien que le vote même de ce texte se fondait sur un postulat de départ erroné… ou disons le carrément, un mensonge. D’ailleurs le député Ayrault s’interroge sur la liste des oeuvres protégées et comme lui, je serais curieux de savoir combien d’indépendants (des vrais, pas des filiales de majors) sont surveillés par les radars de TMG.
Tout semble indiquer que Nicolas Sarkozy ait confondu la filière disque avec le terme « création ». Le vrai nom de la loi « Création et Internet » serait en fait « filière disque et Internet ».