#DCRI vs #Wikipedia : traitement médiatique indigne et fantasmes paranoiaques

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Quand on voit le traitement médiatique réservé à l’affaire Wikipedia vs DCRI et les commentaires qui fleurissent avançant la théorie du complot, on se rend compte qu’un climat de défiance malsain est en train de s’installer entre les autorités et les citoyens. Quelque chose ne tourne pas rond. Je vous expliquais hier que je commençais à m’alarmer d’observer le traitement médiatique fait à cette affaire sans que personne ne semble vouloir se poser des questions les plus basiques pour juger de la légalité de l’action de la DCRI. Une immense majorité de la presse semble n’avoir que faire de ces questions et préfère se focaliser sur l’effet Streisand engendré par ce qui demeure, j’en suis convaincu, de l’ordre de la boulette d’une entité tierce (que je soupçonne plutôt grande et plutôt muette).

Comment la taupinière a t-elle accouché d’une montagne ?

Ça commence par de multiples imprecisions : la presse martèle que la demande de la DCRI ne s’appuyait sur aucune justification légale et que la DCRI n’avait argué que du sacro saint secret défense. Combien de journalistes ont mis en perspective le fait que des explications plus appuyées à la Fondation US Wikimedia reviendraient à révéler le secret défense (ou à donner de sérieux indices) qui est justement l’objet de sa demande ? Il y a ensuite ce petit détail qui semble échapper à tout le monde; la place Beauvau dans son communiqué en réaction à la dépêche AFP précise :

« Dans un état de droit, on ne peut pas assimiler à une menace l’engagement d’une procédure judiciaire »

Allo la presse ? une « procédure judiciaire » ! Chère presse, tu dis un peu de la merde quand tu fais passer la DCRI pour des cowboys. Si cowboy il y a, peut être faut-il gratter un peu pour savoir qui a vraiment pris la décision d’écouter Wikimedia France qui n’a aucun autre rôle que de promouvoir et soutenir Wikipedia, une personne physique et non morale, dont le seul tort était d’avoir les droits d’administration du site et donc le pouvoir de retirer une page. Un pouvoir bien dérisoire quand on connait un peu l’organisation et le mode de fonctionnement de Wikipedia puisque la page est très vite revenue en ligne et à même été traduite dans plusieurs langues.

Chère presse, pourquoi ne te demandes tu pas s’il y a une plainte de déposée et de qui elle émane ? Pourquoi ne te demandes tu pas pourquoi Wikimedia n’a pas fait l’objet d’un référé judiciaire, comme il est de coutume quand on veut gérer l’urgence ?

Pourquoi ne te demandes tu pas si la boulette ne peut pas venir d’ailleurs que la seule DCRI ? C’est parce que c’est la DCRI qui s’est occupée de l’affaire et que généralement, on aime bien mettre la DCRI au centre de tous les lulz avec pour référent culturel les Barbouzes que l’on aime associer à des pieds nickelés ?

Tu ne crois pas un instant plausible qu’une autre instance de l’état, ou même qu’un magistrat ait pu se fourvoyer au point d’ignorer ce qu’est un effet Streisand (et par là même en sortant de ses prérogatives qui n’ont jamais été de faire cesser une infraction) ? Tu te crois plus geek que les enquêteurs de la DCRI pour penser qu’ils ne connaissent pas ce genre d’effet sur Internet alors que tu n’as pas toi même un quart de leur compétence technique ?

Ou peut être t’amuses tu tout simplement d’un raté sans avoir l’honnêteté de mettre en perspective les 99% d’affaires dont tu n’entendras jamais parler… et oui quand la DCRI fait bien son travail, elle ne te passe pas un coup de fil pour te dire « mission accomplie », c’est donc bien facile pour toi de la stigmatiser attendu que ce n’est certainement pas elle qui te demandera un droit de réponse.

Quand tu claironnes qu’il s’agit d’une « tentative de censure injustifiée », c’est à croire que tu es dans le secret des dieux. Pourquoi ne parles tu pas des FAITS, à savoir une tentative de censure (ou plutôt de retrait abusif de contenu)  non motivée, non expliquée, qui ne pointe pas du doigt un contenu manifestement illicite, de manière précise et probante pour l’hébergeur sommé de retiré le contenu litigieux.

Pas un seul journaliste, pas un… pour évoquer un probable bug de procédure du à l’insistance d’une instance qui tait son nom et qui serait à l’origine de ce monumental fail médiatique ?

La théorie de l’écran de fumée

Cette théorie est probablement celle que l’on relève de plus dans des centaines de commentaires. Elle me semble tout bonnement ridicule et ce à plusieurs titres :

Si la DCRI avait envie de créer des écrans de fumée pour détourner l’attention des scandales qui agitent la classe politique en ce moment, elle n’utiliserait certainement pas Internet comme fondement du dit écran de fumée. Elle choisirait une histoire bien plus en vue qui ne se cantonne pas au petit monde des geeks, et désolé de le dire : au petit monde d’Internet.  Attention, scoop : Internet n’est pas le centre de l’univers, il en serait plutôt les extrémités.

Malheureusement, cette théorie conspirationniste particulièrement tenace n’est qu’une réponse logique aux errements de certains politiques qui jouent les traders off-shore. Un climat de défiance malsain qu’on ne manquera pas de retrouver à toutes les sauces, pour d’autres affaires et ici à mes yeux entretenu par de nombreux articles de presse.

Quelqu’un a bien merdé

Quelqu’un, quelque part a bien merdé, c’est un fait. Pointer du doigt la DCRI qui agit dans le cadre d’une enquête judiciaire est la solution de la facilité, celle qui fera loler allègrement tout le monde… mais cette solution n’est fort probablement pas celle qui ira dans le sens de la manifestation de la vérité judiciaire. Pire, elle entretiendra un climat de défiance vis à vis de l’autorité, un climat malsain du genre « tous pourris la DCRI aussi » qui au final, fait le jeu des extrêmes.

 

L’effet DCRI

dcriVous n’avez probablement pas manqué le surprenant épisode de cette fin de semaine entre la DCRI et l’encyclopédie collaborative Wikipedia. La Direction du Renseignement Intérieur a convoqué le président de la Fondation Wikimedia France pour exiger de lui le retrait de l’article concernant la station hertzienne de Pierre sur Haute. Celui ci n’a eu d’autre choix que de s’exécuter sous la menace (on va reparler de ce mot) de poursuites à son encontre. La station hertzienne de Pierre sur Haute assure les communications militaires inter-armées et jouit à ce titre d’un statut particulier car elle accueille bien évidemment des activités classées secret défense. La défense nationale, ce n’est pas quelque chose avec lequel on transige.

Sur le fond tout le monde sera d’accord : si la sécurité nationale est menacée par une publication il n’est pas choquant que l’Etat en demande le retrait. C’est bien sur la forme que Wikimedia France a exprimé son malaise. Mais jusque là, nous n’avions qu’un seul son de cloche. La dépêche AFP reprise par toute la presse, a entrainé une réaction de la place Beauvau. Du coup, on en sait un peu plus. Le passage incriminé dans l’article concernait « l’organisation de la composante nucléaire de la défense nationale »… et là effectivement, on comprendra que ça puisse poser problème.

Reprenons depuis le début

Le renseignement intérieur est lui même composé de plusieurs services, avec leur prérogatives respectives, ce petit détail à son importance dans cette affaire mais nous allons y revenir un peu plus loin à la lumière des nouveaux éléments dont nous disposons depuis la réaction de la place Beauvau. La violence perçue par la Fondation Wikimedia provient de plusieurs facteurs :

  • Le fait que ce soit la DCRI qui soit saisie de l’affaire : elle est pourtant légitime puisque la station de Pierre sur Haute est une installation appartenant à l’Etat français. La défense des intérêts de la nation, c’est parfaitement dans le scop de la DCRI.
  • Le fait que ce soit le président de Wikimedia France qui soit incriminé alors qu’il n’est ni auteur de l’article, ni hébergeur de Wikipedia, ni même ne pouvant revendiquer un statut officiel d’éditeur attendu que les éditeurs sur Wikipedia sont par définition les contributeurs.

En toute logique, et c’est bien ce qui a été fait, la demande aurait du s’adresser à la Wikimedia Foundation, de droit américain. Devant le refus de cette dernière, la DCRI s’est donc retournée vers Wikimedia France. Est-ce normal ou pas ? La réponse à cette question est ici plus compliquée. Compliquée car nous ne connaissons pas les dessous de l’affaire, pire, nous ne savons pas quel service de la DCRI a été chargé de l’affaire, ni même dans quel contexte juridique. Les questions à se poser sont les suivantes :

  • Y a t-il eu une plainte ? De qui ?
  • La DCRI agit-elle dans le cadre d’une enquête judiciaire ?
  • La convocation de Remi Mathis a t-elle été décidée par la DCRI elle même ou par un magistrat ?

Sans des réponses précises à ces questions il est impossible de se faire une opinion juste pour critiquer sérieusement l’action de la DCRI, ni même les répercussions médiatiques que l’on connait aujourd’hui.

Pour l’instant le communiqué de la place Beauvau laisse à penser qu’il y a bien eu une plainte et qu’un magistrat chargé d’instruire le dossier a demandé à la DCRI de convoquer Rémi Mathis, donc que la DCRI agirait dans le cadre d’une enquête judiciaire. Attention ce ne sont la que des supputations extrapolées de cette déclaration :

« Dans un état de droit, on ne peut pas assimiler à une menace l’engagement d’une procédure judiciaire »

Il y aurait donc une procédure judiciaire, la DCRI n’aurait pas agit façon cowboy, il semble important et honnête de le préciser. Et ce petit détail pourrait bien changer pas mal la perception de beaucoup dans cette affaire : la DCRI n’aurait alors qu’exécuté une requête d’un magistrat pas trop geek qui n’a jamais entendu parler de l’effet de Streisand.

EDIT : @Maitre-Eolas souligne que le rôle d’un juge d’instruction n’est pas de mettre fin à une infraction et que pour y mettre fin, la bonne méthode aurait été un référé, la fondation Wikimedia se serait alors probablement exécutée.

Pourquoi Wikimedia France et l’opinion ont assimilé cette convocation à des menaces ?

  • Quand on parle de la DCRI, on le voit dans certains commentaires faisant écho aux articles qui ont relayé l’information, ceci réveille les fantasmes de certains, et les acerbes critiques d’autres. Le caractère secret inhérent aux activités de la DCRI n’est pas étranger à ces « sur-réactions ».
  • Wikimedia France est une association française de loi 1901 dont le rôle est de soutenir et de promouvoir Wikipédia. Et là, on comprend que Wikimedia marque son étonnement car la fondation ne peut en aucun cas être assimilée à un intermédiaire technique aux yeux du droit français.

Pourquoi la DCRI a convoqué Remi Mathis ?

Ce qui a causé sa convocation est probablement un autre point d’incompréhension entre les deux parties. Remi Mathis jouissait des droits d’administration de Wikipedia comme beaucoup d’autres personnes. Sa « particularité » est d’être président de Wikimedia France. Il est donc à ce titre visible et identifiable et a la capacité « technique » de supprimer l’article au moment où il est convoqué. Sauf que sur Wikipedia, ça ne se passe pas comme ça. Cette encyclopédie collaborative mondiale répond à un diagramme organisationnel plus complexe ou les utilisateurs sont placé au centre de toutes les décisions. L’encyclopédie appartient aux utilisateurs et Wikimedia France n’a aucunement le « droit » de censurer un article de manière unilatérale. Chaque décision de retrait doit être expliquée aux utilisateurs, elle doit donc être motivée par des faits précis et argumentés. C’est sur ce point que la DCRI n’a pas pu faire plus qu’elle n’avait déjà fait et là encore on peut comprendre sa position puisque motiver plus précisément la demande sur un point qui vise à la sécurité national la conduirait à révéler des informations sensibles… Et c’est là que le dialogue de sourd s’installe.

Ce n’est pas parce qu’il est président de Wikimedia France que Rémi Mathis a subi la pression de la DCRI justice mais c’est parce qu’il était identifiable et qu’il avait les droits d’administration. N’importe quel autre administrateur de Wikipedia aurait pu se retrouver à sa place.

Peut-on parler de menaces ?

La définition d’une menace dans la langue française, c’est un

« signe qui indique quelque chose que l’on doit craindre ».

Dans sa définition, le Littré énonce :

« Parole ou geste dont on se sert pour faire craindre à quelqu’un le mal qu’on lui prépare ».

Quand des agents de la DCRI exposent les faits à Remi Mathis, sous peine de poursuites à son encontre, quoi qu’en pense la place Beauvau, en français on appelle ça des menaces.

« Si tu ne supprimes pas l’article alors tu t’exposes à des poursuites » : il s’agit bien d’une menace puisque tu risques une condamnation. Un juriste trouvera peut-être une interprétation différente du mot « menace », mais en français, on peut le retourner sous tous les angles, c’est bien une menace.

Cette amicale convocation était-elle bien inspirée ?

Cette question touche plus à la polémique autour de l’affaire qu’à l’affaire elle même. Les agents de la DCRI ne sont pas des crétins, je pense être en mesure d’affirmer qu’elle comporte en son sein quelques nerds qui ne pouvaient ignorer ce qu’est un effet Streisand. Ce point m’invite à penser que la convocation de Remi Mathis et les menaces qui lui ont été faites ne sont pas du seul fait de la DCRI. Le buzz généré par cette convocation et par les pressions exercées sur le président de Wikimedia France n’était pas que prévisible, il était inéluctable.

Le fait que ce dossier touche à des questions « secret défense » n’en faisait qu’une plus belle proie, d’une splendide ironie.

Même si la procédure est « normale », une petite analyse de la situation aurait probablement conduit les autorités à agir de manière différente. Bref, à mon sens, il y a eu un dysfonctionnement décisionnel, ou pour être plus clair, une splendide boulette qui a conduit à un naufrage médiatique.

Le comble du ridicule dans cette histoire, c’est qu’au final, Rémi Mathis a été convoqué pour une seule raison : parce qu’il avait les droits d’administration. La pirouette pour se dégager de toute responsabilité et de se « protéger » des foudres de la justice, c’est tout simplement d’abandonner ses privilèges administrateur sur le site. Cette situation est parfaitement ubuesque au regard du travail fait par les admins de Wikipédia qui oeuvrent bénévolement pour la culture et le savoir.

On aurait difficilement pu imaginer plus mauvaise pub pour la DCRI, mais il y a fort à parier qu’elle n’est pas la seule responsable de ce qui reste aux yeux du grand public une belle boulette.

Google paye sa tournée de cacahuètes à la presse française

google-mysteryC’était l’information à la con de la semaine, j’hésitais un peu à en causer tellement c’est pitoyable. Google a finit par débloquer une enveloppe de 60 millions d’euros à la presse française. Un accord ridicule pour une problématique qui l’est tout autant mais qui épargnera un moment encore aux parlementaires des maux têtes. Quand on voit le niveau de compréhension d’Internet de certains d’entre eux, on se dit qu’au final, ce n’est probablement pas un mal. Je vais à tout hasard tenter de me lancer dans une explication un peu détaillée de ce à quoi nous échappons pour le moment.

☠ Why Google is evil

Google est connu comme étant LE moteur de recherche plébiscité par une immense majorité d’internautes. Mais il est aussi à l’origine de dizaines de services en ligne et de quelques produits qui rythment le quotidien de millions de gens à travers le monde. Google est également le plus gros aspirateur à données personnelles du monde. Ce qui a permis à Google de tant prospérer, c’est Internet. Et Internet, on ne le répètera jamais assez, vous allez voir que ce détail à son importance pour ce qui va suivre, c’est une machine à copier de l’information. Chaque mot que vous lisez actuellement se copie de routeurs en routeurs, de serveurs en serveurs, pour finir copié quelque part sur votre disque dur, à minima, dans un cache obscur.

Internet, en plus d’être une machine à copier des informations, est un réseau public. La notion de réseau public est quelque chose qui échappe pas mal à la presse.

Ce qui a fait le succès de Google, c’est qu’il a utilisé Internet en lui demandant de faire ce qu’il sait faire de mieux, copier des informations pour les rendre plus facilement accessibles, plus facilement copiables par d’autres. Google, à grand renfort d’algorithmes a ensuite hiérarchisé les informations qu’il avait copié.

Il faut bien comprendre ce que la presse reproche à Google, le comble du ridicule étant de stigmatiser Google qui affiche dans sesrésultats de recherche les titres des actualités, éventuellement une photo en illustration et les quelques mots du début de l’actualité. Les éditeurs de presse y voient un vol, un transfert manifeste de valeur et une atteinte au droit d’auteur. Une page de résultats de recherche affichant un titre et quelques mots, c’est insupportable à leurs yeux.

Google est aussi montré du doigt pour sa position hégémonique.

☠ L’erreur de la valeur

C’est quelque chose que je répète assez souvent, mais visiblement pas suffisamment. Internet étant une machine à copier, doublée d’un réseau public d’échange (sous-pesez bien ces mots avant de lire la suite), il faut comprendre que ce sont les internautes qui tolèrent les « commerçants » sur Internet, pas le contraire.

  • La valeur d’un réseau se définit très bien par la loi de Metcalfe qui énonce « L’utilité d’un réseau est proportionnelle au carré du nombre de ses utilisateurs« .
  • La valeur d’une information peut en toute logique se calculer en fonction du nombre de noeuds du réseau Internet sur lesquels elle aura été répliquée… copiée.

Nous venons de voir ensemble qu’une page de resultats de recherche Google contient le titre d’une information, quelques mots d’introduction et quand l’information apparait dans gooogle actu, la première affiche même une image. Ça ressemble à ceci :

google search

L’ordre sous lequel ces pages apparaissent, c’est la recette interne de Google, autre fois appelé pagerank, aujourd’hui Panda, il s’agit d’une suite d’algorithmes prenant en comptes de nombreux paramètres qui ont pour fonction de déterminer une pertinence d’affichage des résultats. Fréquentation, nombre de liens pointant vers la page ou le site en question, âge et fréquence des mises à jour du site (…)

Si ces algorithmes ne sont pas publics -et on comprendra pourquoi- ces derniers évoluent régulièrement et ont pour objectifs d’assurer une certaines « neutralité »… et non je sais un algo n’est jamais « neutre ». Mais au moins, la règle est la même pour tous.

La dernière grosse évolution, le passage à Panda, a été quelque chose de « dramatique » pour de nombreux sites marchands. Là où ils apparaissaient en première page sur certains mots clés, ils se sont vu relégués en 4e ou en 10e page sur les mêmes mots ou produits. Là on comprend bien la problématique de la valeur d’un référencement Google puisqu’elle impacte directement le portefeuille des commerçants. Google a sacrifié la rentabilité de certains au profit des internautes, pour leur offrir des résultats de recherche plus pertinents. Les marchands ont beau gueuler, on s’en fout, Google est chez lui, il fait ce qu’il veut, aux marchands de ne pas concentrer l’intégralité de leur CA sur ce moteur de recherche.

Commençons par une lapalissade : plus les actualités ou les pages de votre site apparaissent dans les premières positions, plus votre site a des chances d’être visité.

C’est là que nous abordons les arguments fallacieux des éditeurs de presse. Selon eux, et ça les agace particulièrement sur Google News… Il y aurait un « transfert de valeur ».  :

google news

Google News est un agrégateur de titres d’informations, il affiche un titre avec le lien vers la news, quelques photos, et toujours notre description. La différence avec Google Search la plus évidente, c’est les algorithmes qui accordent une importance plus grande à la fraicheur de l’information.

L’autre différence notable, et ça nous allons y revenir, c’est que tous les sites n’apparaissent pas dans Google News. Par exemple, si vous connaissez nos travaux sur Reflets à propos d’Amesys, vous vous dites que Reflets devrait très naturellement apparaitre dans Google News. Et bien non, ce n’est pas le cas. Reflets a beau être un média très lu, avoir le dossier le plus complet sur Amesys, être à l’origine des révélations sur la vente par cette société d’un système d’écoute global taillé sur mesure pour Kadhafi… Reflets n’apparait pas dans Google News. Il est en revanche en bonne position dans Google Search.

Voici pour Google News

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Et voici pour Google Search

amesys google search

Conclusion 1 : Google choisi lui même (sur quel critère ?) qui va apparaitre dans Google News. Et donc qui est éligible à une part de la cagnotte de 60 millions ?

Conclusion 2 : le transfert de valeur dont les éditeurs de presse parle, Reflets en est victime puisque Google ne daigne pas afficher les articles de Reflets dans Google News alors que la presse elle même se goinfre régulièrement de nos actualités ou de nos infographies sans même prendre soin de nous citer.

Question : Faut sucer qui pour apparaitre dans Google News ?

C’est cette même presse qui accuse donc Google, via ses pages de résultats de recherche de lui « voler de la valeur ». Et là… désolé mais je me marre car si la presse se sentait si lésée que ça, elle mettrait en place un robots.txt pour interdir les bots de Google qui indexent son contenu. La presse veut le beurre, l’argent du beurre, et le cul de la crémière. En d’autres termes, elle veut

  • Etre visible pour être visitée et donc générer des revenus publicitaires,
  • Etre rémunérée pour avoir mis sur un réseau public de partage une information accessible au public  (SIC!). En fait, c’est un peu comme si le gratuit Métro déposait des exemplaires de son gratuit dans les transports en commun et demandait à la SNCF ou la RATP de passer à la caisse !

Déjà, vu d’ici, ça sent le foutage de gueule…

Google est le site qui draine le plus de trafic, même si ceci est de moins en moins vrai et ça aussi nous allons y revenir pour que vous preniez conscience de l’hypocrisie de ces gens là.

Google n’est pas qu’un agrégateur d’information ou un moteur de recherche, il est aussi et surtout, c’est son fond de commerce, la plus grande régie publicitaire du monde. Et c’est à ce titre que nos amis de la presse d’en haut pourraient justifier d’un transfert de valeur. Car dans leur tête, les lecteurs sont tellement cons, qu’ils s’arrêtent à la lecture du titre et de la description affichée sur Google News. Faut dire que le lecteur il en a un peu raz la casquette de lire des dépêches AFP remixées… mais non, le coupable pour elle, c’est Google.

En « captant » les lecteurs dans ses résultats de recherche, la presse affirme donc que Google s’octroie des revenus publicitaires qui lui sont destinés… OH WAIT ! Il n’y a PAS DE PUB sur les pages de résultats de Google News !!

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Mais alors ? S’il n’y a pas de publicité sur les pages de Google News, comment peut-on affirmer que Google « vol » des revenus publicitaires à la presse alors que Google facilite l’accès aux dépèches AFP remixées de cette même presse pour qu’elle puisse se goinfrer avec sa régie publicitaire qui dans bien des cas est … Google. Et voilà la boucle bouclée.

Conclusion : Tranfert de valeur… MON CUL !

☠ Des cacahuètes pour calmer la presse française

L’affaire était tellement sérieuse que la présidence de la République elle même est intervenue pour négocier avec Google un sachet de cacahuètes (une enveloppe de 60 millions d’euros sur 3 ans), histoire de calmer la presse d’en haut. C’était ça ou une loi. Une loi Google… Une loi qui aurait été un naufrage parlementaire, une loi qui aurait porté un grave coup à Internet, cette machine à copier, ce réseau d’échange ouvert.

Car après Google Facebook, après Facebook, Twitter, puis comme le réseau social chinois QQ Zone ne paye pas, on aurait, pourquoi pas… décidé de bloquer les informations de la presse française sur la Chine… tant et si bien qu’Internet ne serait plus Internet mais un ensemble de réseaux locaux régis par des accords commerciaux entre réseaux sociaux friands de partage d’information et sites de presse. Le FFAP donne le ton, toujours en arguant d’un transfert de valeur (WTF?!), et vous verrez que ce n’est que le début… une bande de vautours décomplexés.

☠ Et si la presse rémunérait sa vraie source de valeur… comme Google le fait pour elle ?

Google n’est pas le seul à générer du trafic. Les internautes qui partagent des informations sur Facebook et sur Twitter … voilà l’origine première de la valeur des sites des presse aujourd’hui, car ce sont eux qui permettent à la presse d’accroitre le plus considérablement leurs revenus publicitaires. Est-ce pour autant que la presse va décider de reverser une partie de ses revenu publicitaires aux internautes qui partagent le plus leur information ? Ceci serait pourtant légitime…

L’enveloppe de 60 millions, c’est un moindre mal. C’est une fleur de Google, rien ne l’y obligeait, et si l’affaire était portée devant les tribunaux, je ne donne personnellement pas cher de la presse française. D’autres pays européens vont suivre et malheureusement, une loi c’est bien ce qui nous pend au nez. Et une loi, ce sera forcement une tragédie pour Internet.

Et quand loi il y aura, Google sera en véritable position de force, car il pourra, comme il l’avait fait en Belgique, déréférencer les sites de presse de Google News et peut peut-être référencer des sites comme Reflets.info qui ne lui demandent rien et qui ne passent pas leur temps à remixer des dépêches AFP.

Là où ça sera plus coton, ça va être pour des sites comme Facebook qui regorgent de pub. Oui sur Facebook, la presse a un coup à jouer, c’est même surprenant qu’elle s’en prenne à Google et non aux utilisateurs de Facebook ou de Twitter qui comme Google, contribuent à sa valeur… mais eux, avec de la pub, donc un pseudo transfert de valeur.

Des milices associatives pour faire la police sur Twitter ?!

BlackTwitterIconOn se demandait ce qu’elle allait bien pouvoir nous pondre notre Fleur Pellerin. La polémique faisait rage puisqu’une poignée de gros malins a trouvé opportun de médiatiser des hashtags à caractère raciste. Du coup, des hastags dont on avait jamais entendu parler ont été relayés par toutes les chaines de télévision… tandis que ça par exemple la télé et bien elle s’en fout, tout comme Bercy d’ailleurs. Cette polémique m’agaçait déjà car elle stigmatisait Twitter. Comme si la bêtise humaine s’était donnée rendez-vous sur Twitter et nul part ailleurs.

Une fois tout ceci copieusement médiatisé, il fallait bien trouver une « solution » à un problème monté en épingle de toute pièce. Et la « solution », je la découvre sur Numérama ce matin. Mon écran et mon clavier en sont encore tout maculés de café.

Pourtant un problème, il y en a bien un. Twitter est connu pour être peu enclin à collaborer avec les autorités françaises lorsqu’il s’agit de fournir des données sur un utilisateur. Twitter se cachait derrière son petit doigt en arguant qu’elle est une entreprise américaine répondant au droit américain. Mauvaise défense… car Twitter délivre un service de communication au public tel que définit dans la loi de Juin 2004 sur la confiance en l’économie numérique (LCEN).

Mais le plus grave n’est pas là, en fait le vrai  problème, c’est la « solution » trouvée par le gouvernement. La solution, c’est donc de contraindre Twitter prioriser les demandes de retraits de contenus litigieux émanant d’associations(!). A aucun moment au gouvernement une personne ne semble avoir eu l’idée de faire appliquer la loi… tout simplement.

Des associations ? Lesquelles ? Pour des délits qui relèvent du pénal ? WTF !?

Les insultes, les injures, les incitations à la haine raciale dont des délits qui relèvent du pénal. La jurisprudence est déjà bien fournie, la justice dispose de tout les outils nécessaires pour poursuivre un internaute. Au lieu de poursuivre les personnes se rendant coupables de délits qui relèvent du pénal, le gouvernement a choisi de se masquer les yeux : la censure, le retrait de contenu. Les associations concernées (tiens lesquelles d’ailleurs ? Comment sont elles choisies ? Par qui ? Est-ce que je pourrai monter ma propre association pour dénoncer les tweets discriminants anti GNU Linux et à la gloire de Lèpre OS ? Twitter va vraiment procéder à des retraits de contenus, de la censure, sur simple dénonciation d’une association ? sans intervention d’un juge ? pour des délits relevant du pénal ?

Suis-je le seul à voir là une inquiétante dérive ? Là on ne parle pas de haute autorité avec un collège composé de magistrats. On parle de personnes qui vont « juger » au doigt mouillé les tweets, « juger » de l’opportunité d’entraver la liberté d’expression et de communication des internautes. C’est un précédant qui m’inquiète sérieusement. La régulation d’Internet se fait par les internautes, les exemples de comptes abjectes sur twitter qui disparaissent en quelque minutes sur simple signalement des utilisateurs sont légion. En quoi des associations visées et tamponnées par le gouvernement seraient elles plus aptes que les internautes eux-mêmes à signaler des contenus ?

Rapport Colin & Collin : recherche dividende fiscal numérique désespérément

bercyFiscaliser les géants, souvent américains, du Net, n’est pas une idée nouvelle. Elle est, aujourd’hui, plus que jamais, d’actualité. Le gouvernement s’attelle donc à trouver la bonne formule pour lutter contre les optimisations un peu trop optimisées des Apple, Google ou Facebook (…). Ces derniers ont pris la fâcheuse habitude de faire beaucoup de business dans nos contrées tout en évitant soigneusement d’être imposés de manière réaliste au regard du profit qu’ils dégagent.

Pierre Collin, conseiller d’Etat et  Nicolas Colin inspecteur des finances, ont donc été nommés l’été dernier pour produire un rapport visant à proposer des pistes pour remédier à cette situation. Le bien nommé rapport  Colin & Collin a donc exploré de nouvelles pistes pour tenter de refiscaliser nos gros « optimiseurs ». Dans la ligne de mire, et il faut avouer que la piste est assez intéressante, la taxation pourrait s’indexer sur les données personnelles collectées (souvent de manière massive et franchement limite sur la forme… cf. Facebook). L’enjeu pour la France comme pour l’Europe est de faire valoir ses droits dans le cadre de conventions fiscales régissant les règles de taxation des activités, bilatéralement, entre deux états.

Initialement dévoilé par Les Echos, l’approche du rapport Colin & Collin consiste à indexer la fiscalité de ces entreprises sur les volumes de données personnelles des citoyens français qu’elles collectent et exploitent :

« mais au lieu d’appliquer aux émissions de gaz à effet de serre, cette fiscalité s’appliquerait aux pratiques de collecte, de gestion et d’exploitation commerciale de données personnelles, issues d’utilisateurs localisés en France »

Cette approche arrive alors que l’OCDE planchait déjà sur la fiscalité issue des activités du numérique. Le gouvernement semble donc avoir bon espoir de les inscrire dans la loi de finance de 2014.

Fleur Pellerin avait d’ailleurs laissé entendre que cette piste était envisagée en confiant au Monde  :

« Nous ne pouvons pas continuer à nous laisser piller ainsi éternellement. Les données de citoyens français et européens sont exploitées, à leur insu, outre-Atlantique, et rapportent des centaines de millions de dollars aux géants du net ».

La bonne approche ?

Ce n’est probablement pas la seule, mais le mécanisme de collecte et d’utilisation de données personnelles, de manière massive, à des fins commerciales, me semble une approche fort intéressante. Les modalités restent évidemment à définir, mais je dois avouer que je ne suis pas réticent à cette idée. C’est toujours moins idiot qu’une « taxe Google » sur la publicité (même si dans les fait, ça reste relativement peu éloigné, attendu que la publicité se base exclusivement sur des données personnelles collectées et exploitées). Dans le cas de Google précisément, la taxation est rendue difficile par la constellation de produits et services de la firme, en constante évolution. Les pratiques de Google en matière de données personnelles que j’avais déjà pas mal évoqué ici, me semblent un critère qui tient la route. Pour une entreprise comme Amazon ou Ebay, ce devrait être encore plus simple. Pareil pour Facebook.

Mais pour une entreprise comme Twitter qui se cherche encore un business model, il faudra bien que nous parlions d’une imposition sur les bénéfices ou le chiffre d’affaires issue des contenus générés par les utilisateurs, leurs données personnelles ou leurs « traces » comme le rapport les appelle (logs exploitables commercialement).

Le seul volume de données personnelles ne devra pas cependant pas être le seul levier, nous allons voir qu’il y en a au moins 3 autres qui peuvent être pris en compte pour une fiscalité plus équitable et incitant ces entreprises à manipuler nos données avec un peu plus retenue qu’actuellement.

Données personnelles vs infrastructure

L’épisode du AdGate de Free nous a tristement rappelé qu’Internet était devenu dans l’inconscient de beaucoup « un marché à conquérir ». L’asymétrie des volumes échangés ne signifient cependant pas qualité des données échangées et encore moins une monétisation proportionnelle au mégabit. Une vidéo Youtube en HD est elle plus rentable que les données de 2 ans de surf d’un CSP+ ? A l’approche tuyaux vs contenus, on introduit donc un paramètre fort intéressant car à forte valeur ajoutée,et donc monétisable. Concernant les données personnelles, il y a en fait 4 leviers sur lesquels nous pourrions jouer pour établir nos barèmes fiscaux :

  • La collecte des données ;
  • Le traitement des données (processing) ;
  • L’utilisation des données (exploitation) ;
  • La durée de conservation des données (rétention) ;
  • L’éventuelle cession commerciale à des tiers.

Bref encore une fois, on voit qu’on a une latitude intéressante pour répondre de manière intelligente à la guerre se jouant entre diffuseurs de contenus générés par les utilisateurs et les fournisseurs d’accès à Internet qui ont pris l’habitude de « sponsoriser » les internautes qui souhaitent accéder à ces services tout autant que les sociétés qui les délivre. Cette approche me semble donc prompt à être respectueuse des principes fondateurs du Net, comme la neutralité des réseaux.

L’imposition du volume de données sortant

Il y a quand même un point qui a de quoi rendre un peu perplexe. En cas de non collaboration avec l’administration fiscale, les entreprises pourraient se voir taxées sur le « volume de données sortant ». Là c’est un peu plus fumeux. Même si ce n’est pas la règle, ceci impliquera un dispositif de mesure du trafic sortant qui risque d’être un peu coton à mettre en place. Des accords avec les transitaires pourraient ajouter une couche d’opacité et même si ce n’est pas « impossible » , ça restera complexe à mettre en place et surtout, à contrôler. En outre c’est le meilleur moyen de mettre en place des outils dont certains abuseront en finissant par brider l’accès à certains services ou à poser des quotas sur les volumes échanger puis appliquer du packet shaping… attention donc à la mise en oeuvre. Ceci implique aussi que l’administration fiscale devra se rapprocher des fournisseurs d’accès pour que ces derniers leur fournissent en toute impartialité les chiffres de volumes échangés.

Il va également sans dire que dans ce cas précis on va vers l’officialisation de la mort du peering attendu que fiscaliser au volume, ça ne se fera pas à sens unique sans que les services en questions n’opposent contrepartie.

C’est bien ?

La piste des données personnelles est fort intéressante car les volumes collectés, l’utilisation (pour tous les services proposés, services en perpétuelles évolution), les traitements faits (cession à des tiers pour croisement par exemple) et enfin la durée de conservation, vont nous permettre de nous baser sur quelque chose de « juste », incitant ces entreprises à se conformer avec la vision européenne de ce que doit être une manipulation « saine » de données personnelles.

On sent que l’harmonisation au niveau européen pourra se faire relativement aisément puisque nous sommes déjà dotés de textes et règlement encadrant la protection des données personnelles des citoyens européens, même si ces derniers sont largement perfectibles. La fiscalité pourrait même presser les parlementaires européens à parfaire notre arsenal autour de la protection de la vie privée.

Je reste donc un peu suspendu à l’accueil que le gouvernement fera à ce rapport surtout à son éventuelle mise en place pour la loi de finance 2014, ainsi qu’à l’accueil que nos voisins européens lui feront, et dans quelle mesure ils le suivront.

Deux bien saines lecture sur le sujet à sons de cloches très sensiblement différents (thx @fano):

L’inquiétante dérive du CSA

vaderOn savait que le CSA avait des vues sur la régulation des contenus sur Internet. Jusque là, l’institution avait pour rôle de réguler les contenus diffusés par les chaines de télévision. L’arrivée du streaming et des réseaux sociaux sur lesquels les internautes postent leurs propres contenus a donné une idée au CSA, celle de réguler les contenus diffusés par les particuliers.

C’est donc Michel Boyon, son président, qui, une fois de plus, monte au créneau pour faire valoir son institution une légitimité à censurer les contenus privés des internautes !

 « Il est impossible que nous ne répondions pas à un souhait croissant des opinions publiques française et européenne, qui aspirent à une régulation des contenus audiovisuels privés sur internet »

Cette idée a de quoi inquiéter car le CSA se poserait alors en censeur des contenus postés par les internautes… difficile de ne pas y voir une atteinte à la liberté d’expression en ligne. Mais surtout, et c’est là où la position du CSA devient parfaitement hallucinante, l’autorité entend par ce biais lutter contre

  • « les atteintes à la protection de l’enfance »;
  • « le racisme, l’antisémitisme »;
  • « les appels à la haine et à la violence ».

… et voilà qu’on nous refait le coup des nazipédoterroristes. Mais depuis quand une autorité de régulation se soustrait au pouvoir judiciaire pour lutter contre des infractions qui relèvent de la justice ? Que compte faire le CSA au juste lorsqu’il se trouve face à ce genre d’infraction ? Il compte censurer pour fermer les yeux ? Expliquer que le contenu mis en cause n’a jamais existé ? Leurs auteurs on en fait quoi ? On explique aux enquêteurs judiciaires que le contenu n’a jamais existé, et que de toute façon ça ne relève pas de leur compétence  ? Cette nouvelle charge du CSA est tout bonnement stupide et délirante. L’autorité ne peut en aucun cas s’inscrire dans une logique de régulation des contenus privés des internautes au motif de la lutte contre des crimes et délits.

Le CSA milite aussi activement pour l’activation de filtres de controle parental « par défaut », opéré en toute opacité par les fournisseurs d’accès. Pour avoir étudié l’une d’entre elles en long en large et en travers, je pense être en mesure de vous dire que cette idée est tout simplement terrifiante. Opérant sur des mots clés ou directement sur des urls, ces solutions sont par définition bancales et responsables de sur-blocage. La protection de l’enfance passe par l’éducation, aux parents de surveiller leurs enfants quand ces derniers accèdent à Internet, aux parent de les avertir, de leur expliquer qu’Internet n’est pas un monde de « bisounours hémiplégiques ».

Si vous passez lire de temps en temps ce blog, vous avez probablement retenu qu’en ce moment, la question se posait d’une fusion CSA/ARCEP/HADOPI qui pourrait donner vie à une monstruosité administrative. Et c’est justement du côté de l’HADOPI qu’il faut creuser un peu pour se rendre compte du délire de Michel Boyon. Ce dernier milite de longue date pour la labellisation des sites web et des contenus des internautes. Et là, on ne vous parle pas du label PUR de l’HADOPI, on parle bien de labelliser vos sites, vos blogs, vos contenus postés en ligne. Imaginez sur ce blog un petit logo agréé CSA/HADOPI « interdit aux moins de 12 ans ». L’étape suivante, en toute logique pourrait par exemple être le déréferencement dans les moteurs de recherche des sites non labellisés. Se pose aussi en parallèle cette histoire devenue comique des moyens de sécurisation qui pourrait trouver un second souffle lulz dans les divagations de monsieur Boyon.

Le CSA s’aventure donc sur un terrain franchement hasardeux, la régulation des contenu des particuliers est par définition une atteinte grave à l’exercice de la liberté d’expression. Les motifs invoqués par Michel Boyon sont plus que fallacieux et ne sauraient sérieusement tenir la route dans un état de droit.

La super hyper giga haute autorité pseudo indépendante des intertubes… c’est maintenant

Une véritable catastrophe pour Internet semble être en route. Matignon aurait demandé à Arnaud Montebourg, Aurélie Filippetti et Fleur Pellerin d’étudier les modalités d’un rapprochement entre le CSA et l’ARCEP, et probablement l’HADOPI également même s’il n’en est pas encore explicitement fait mention. Dans son communiqué, le Premier Ministre s’exprime en ces termes :

« Face à la convergence des infrastructures numériques, des services et des contenus qu’elles acheminent, des réseaux et des services fixes et mobiles, et des terminaux à l’usage du public, il est aujourd’hui essentiel de s’interroger sur l’efficacité des modes de régulation des communications électroniques et de l’audiovisuel, à l’heure où les contenus audiovisuels sont de plus en plus diffusés par l’internet fixe et mobile. En particulier, la diffusion des programmes audiovisuels acheminés par voie hertzienne est assortie d’une régulation des contenus destinée notamment à en assurer la qualité et la diversité, alors que les contenus diffusés via internet font l’objet d’une régulation plus limitée et parfois inadaptée« .

Internet, ce machin dont personne ne sait quoi faire

Ça ne fait jamais de mal de le répéter, Internet est un bien commun. En France cependant, aucun gouvernement n’a su lui attribuer la place qui lui convient. Internet a toujours été une dépendance plus ou moins directe du ministère des finances et du ministère de la culture. Internet, c’est une patate chaude. Reconnu par le conseil des sages comme un outil essentiel à l’exercice de la liberté d’expression. Aujourd’hui encore, le gouvernement au pouvoir ne voit en Internet qu’une sorte de vache à lait qu’il va bien falloir traire. Mais au lieu de traire la vache, ce dernier marque une obstination à traire le veau. Oui internaute, c’est bien de toi que je parle, c’est bien toi le veau… et on s’apprête à te traire. Pas financièrement, ça ce sera pour les Google, Youtube et autres gros consommateurs de bande passante. Du moins pas directement, car ça, c’est donner le feu vert aux FAI pour vous facturer l’utilisation de Google ou Youtube (en plus de celle d’Internet). Ne riez, pas ceci existe déjà dans les forfaits de téléphonie mobile. Mais il y a pire : c’est vos libertés que l’on va traire.

Les hautes autorités pseudos indépendantes

Commençons par les acteurs, ces « hautes autorités » vachement indépendantes et dépendant surtout des nomminations du président et de la majorité parlementaire en exercice. Pour le sujet qui nous anime aujourd’hui, elles ne sont pas deux, mais 4 (il y en a deux en embuscade) :

  • L’ARCEP, nous le savons, c’est le « gendarme des telecoms » dont le rôle aujourd’hui c’est surtout de demander chaque année aux fournisseurs d’accès Internet et aux opérateurs telecom « Alors ton réseau cette année il marche bien ?« . Une fois que l’opérateur lui a répondu « oui, ça fonctionne au poil« , l’ARCEP consigne dans son rapport annuel « l’Internet en France est le meilleur du monde, notre ADSL fonctionne tellement bien que personne ne veut passer au très haut débit« .
  • Le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) de son côté régule le « business des ressources rares ». Le CSA est en fait une sorte d’étiqueteur de rayon du supermarché des fréquences hertziennes, c’est tout de suite moins sexy que Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, mais en pratique, son boulot, c’est étiqueteur.
  • L’ANFR (l’Agence nationale des fréquences) : comme la technique et le CSA, ça fait 4, il faut bien une autorité qui sait de quoi elle cause. Une fois que le CSA a mis un prix sur une fréquence, techniquement, c’est l’ANFR qui les attribue et vérifie qu’on déborde pas sur les fréquences du voisin.
  • L’HADOPI : celle ci je ne vous ferai pas l’affront de vous la présenter. Pour résumer, nous nous arrêterons sur la définition suivante : « la machine à spam la plus chère de l’histoire d’Internet ».

Chronologie d’une catastrophe annoncée

Ce rapprochement entre entités de régulation est malsain à bien des égards mais il n’est pas nouveau. Je vous en parlais dans ces pages en 2010, mais ça date en fait de fin 2006.

19 décembre 2006 : le rapport parlementaire Blessig ouvre les hostilités en préconisant un rapprochement entre régulateurs. Les concernés sont le CSA, L’ARCEP, et l’ANFR. Déjà en 2006 l’argument était d’amorcer le virage de la convergence entre Internet, téléphonie et télévision. On ne pouvait à l’époque lui prêter de mauvaises intentions.

Cette idée fut vite récupérée à d’autres fins que la simple convergence vers laquelle tout le monde s’accorde. L’un des plus fervents partisans de cette incongruité n’était autre que Frédéric Lefèbvre… en soi déjà, ça a de quoi foutre la trouille quand on se souvient de sa conception assez particulière d’Internet.

24 Novembre 2008 : Frédéric Lefèbvre présente un cavalier législatif (un article additionnel qui n’a rien à voir avec la choucroute) dans une loi sur l’audiovisuel public. Il vise à Introduire un peu de CSA dans Internet. Il défend son point de vue en arguant d’une nécessité de ce rapprochement pour la protection de l’enfance. Il le fit en en ces termes :

« Un nombre important de services de communication au public en ligne propose des contenus audiovisuels. Néanmoins, seuls les services de télévision et de radio ainsi que, grâce à la présente loi, les services de médias audiovisuels à la demande, offrent de réelles garanties en matière de protection de l’enfance et de respect de la dignité de la personne, grâce à la régulation du Conseil supérieur de l‘audiovisuel (CSA), qui dispose d’une vaste expérience dans ce domaine. »

« Il est donc proposé d’assurer, selon des modalités adaptées au monde de l’internet, la protection des mineurs par les autres services en ligne qui fournissent, dans un but commercial, des contenus audiovisuels à la demande. Cette protection doit être assurée notamment sur les sites de partages de vidéo dès lors que l’éditeur du service assure lui-même un agencement éditorial des contenus générés par les internautes. Ces modalités feront largement appel à l’auto-régulation. Le CSA pourra, après une large concertation avec les acteurs concernés, élaborer une charte de protection de l’enfance sur ces services et délivrer des labels à ceux d’entre eux qui la respecteront. Afin d’assurer l’efficacité de ce dispositif, il sera demandé que les logiciels de contrôle parental que les fournisseurs d’accès à internet doivent proposer à leurs abonnés, en application de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, soient en mesure de reconnaître ces labels pour filtrer – si les parents le souhaitent – les sites qui n’en possèdent pas. »(…)

« Par ailleurs, il est proposé, par souci de cohérence et d’équité, que les services mentionnés ci-dessus, qui pourraient être définis comme des « services audiovisuels de partage et de complément », participent également au financement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles dès lors qu’ils font concurrence aux autres services audiovisuels à la demande qui contribuent à ce financement. »

Décembre 2008  : Manque de bol, la protection de l’enfance n’avait su trouver une oreille assez attentive, le Frédéric passe donc la seconde… en fait non, il passe direct en cinquième avec nos fameux violeurs psychopathes nazis proxénètes qui planquent des médicaments contrefaits dans les armes  (à cette époque Frédéric nourri des ambitions autres que celle de député par concours de circonstance). Il revient donc à la charge avec sa fameuse tirade :

« La mafia s’est toujours développée là ou l’État était absent ; de même, les trafiquants d’armes, de médicaments ou d’objets volés et les proxénètes ont trouvé refuge sur Internet, et les psychopathes, les violeurs, les racistes et les voleurs y ont fait leur nid  » .

Et d’enfoncer le clou pour aller dans le sens d’une « régulation » :

« L’absence de régulation du Net provoque chaque jour des victimes ! Combien faudra-t-il de jeunes filles violées pour que les autorités réagissent ? Combien faudra-t-il de morts suite à l’absorption de faux médicaments ? Combien faudra-t-il d’adolescents manipulés ? Combien faudra-t-il de bombes artisanales explosant aux quatre coins du monde ? Combien faudra-t-il de créateurs ruinés par le pillage de leurs œuvres ? Il est temps, mes chers collègues, que se réunisse un G20 du Net qui décide de réguler ce mode de communication moderne envahi par toutes les mafias du monde  ».

Le Frédéric, il avait bien envie de te le réguler ton Internet, de te le civiliser même. La mafia, les psychopathes, les violeurs, les pédophiles, les terroristes… si avec ça tu veux pas que je te régule, « comment comment veux-tu que je t’#@!%$ule ?  ».

Mi-Janvier 2011 : Eric Besson reprend la patate chaude d’Internet de l’économie Numérique, un ex-secrétariat d’Etat noyé quelque part entre le ministère de la culture et Bercy. Il émet alors une fausse nouvelle idée en ajoutant une autre autorité, il s’agit maintenant de fusionner non pas deux mais 3 hautes autorités : l’ARCEP, le CSA et l’ANFR… comme en 2006. Sacré Éric, et avec ça il a voulu nous faire croire qu’il bossait. Bon ok, il a un peu plus bossé que NKM en demandant l’interdiction d’héberger Wikileaks en France (Eric Besson échoue avec un certain succès, puisqu’en 2012, la France a finit avec grand mal à dépasser la Roumanie en taux de pénétration du THD (très haut débit).

Avril 2012 : Michel Boyon, président du CSA, nous explique sa conception d’un Internet régulé à la sauce CSA, et il pue son Internet, il n’est pas que régulé, il est surtout fiscalisé. Il l’exprime en ces termes :

« on ne pourra pas indéfiniment faire coexister un secteur régulé, celui de l’audiovisuel, et un secteur non régulé, celui d’Internet  »

Pour lui la convergence est un danger et seul le CSA pourra voler au secours des chaines de télévision car le développement des téléviseurs connectés, toujours selon ses propos, créent :

« une menace pour l’équilibre économique des chaînes  ».

Une fois de plus, on sent bien qu’il n’est plus question de « régulation » mais de fiscalisation. Le CSA son truc à lui c’est les pépettes rien que les pépettes et tout pour les pépettes.

Ensuite, un ange passe, Internet fait la fête, François Hollande est élu, on se dit qu’HADOPI du Fouquet’s c’est bientôt terminé, que la Neutralité du Net sera bientôt inscrite dans la loi… bande de gros naifs.

Début juillet 2012 : Après la fête, la gueule de bois… Aurélie Filippetti sur RTL émettait l’idée d’une extension de redevance sur l’audiovisuel public aux écrans d’ordinateurs ! Taxer un support matériel d’accès indispensable à Internet au lieu de taxer les bidules box des FAI qui donnent accès à cet « audiovisuel public »… déjà, ça ne sentait pas bon du tout. Le projet se fait plus précis, le gouvernement veut taxer Internet, la convergence média n’est en fait qu’une convergence fiscale déguisée.

Mi-juillet 2012 : sur Reflets je tentais d’expliquer pourquoi un tel rapprochement était une erreur incommensurable guidée par un appétit fiscal au risque de dynamiter un bien et un intérêt commun.  Au final, ni l’État, ni les entreprises qui pensent « être Internet », ni les internautes qui le sont vraiment (Internet), on t quelque chose à y gagner.

22 juillet 2012 : toujours sur Reflets, cette fois, c’est Fleur Pellerin qui annonce la mise à mort de la neutralité du Net, pour elle, ce machin est un concept bien américain fabriqué de toutes pièces pour favoriser les américains. Ça a mis du monde en colère chez nous, Fabrice Epelboin en tête.

Un rapprochement qui s’appuie sur deux erreurs techniques

L’argument principal d’un tel rapprochement, c’est ce qu’on appelle la convergence. Entendez convergence du média des médias Internet avec les média télévision, radio ou tout ce qui peut être allègrement taxé usuellement mais que l’on a beaucoup de mal à taxer sur Internet.

Internet ne converge pas, il est, avec sa neutralité, la condition indispensable à toute convergence.

La première erreur, c’est la définition que l’on pose sur le terme « convergence » appliqué à Internet. Ce que l’on appelle convergence chez quelques technocrates, les techniciens eux, appellent ça une absorption. Le terme est d’ailleur mal choisi, mais Internet est devenu la glue, le réceptacle de ces médias. Il offre des ressources non rares, ces mêmes ressources autrefois rares, qui en d’autres temps, justifiaient l’existence d’une autorité comme le CSA. Il faut bien comprendre que les ressources rares sur Internet, comme l’attribution d’une fréquence hertzienne, ça n’existe pas… Sur Internet, les ressources rares, ce sont des noms de domaines et des blocs IP comme je l’expliquais ici. Mais là encore, ce n’est surement pas au CSA de les gérer, c’est des jouets pour les grands ça, pas pour un étiqueteur de supermarché. Les ressources rares d’Internet ont un truc bien à elles qui est génial :  quand il n’y en a plus et bien il y en a encore.

La seconde erreur (en rapport avec la première à cause des ressources rares) c’est une incompréhension technique de ce qui rentre et qui sort d’un tuyau et qui tient en deux notions : le broadcast et le multicast.

Le broadcast, c’est comme ça qu’un fourniseur d’accès à Internet vous vend de la VOD ou vous propose 4 fluxs HD simultannés. Le FAI émet, l’internaute reçoit, point final. Le FAI appelle ça pudiquement un service géré, un internaute averti appellera ça du minitel en 16 millions de couleurs.

Le multicast, c’est un peu plus fin, c’est la définition même d’Internet, dans lequel chaque Internaute peut recevoir ce qu’il demande à Google, Bing, Yahoo, Bittorrent ou Usenet ce qu’il SOUHAITE et non ce que son FAI lui PROPOSE DE CONSOMMER MOYENNANT FINANCES. Seconde subtilité, notre internaute qui fait de l’IP multicast comme monsieur Jourdain fait de la prose, il peut aussi et surtout émettre des données. Et oui, ça complexifie la donne de la régulation de comprendre qu’il y a en Internet le moyen de broadcaster en basant sur un réseau par définition multicast. Il y a aussi une difficulté à comprendre qu’en IP, sur notre Internet « moderne », le broadcast dépend du multicast.

Notre nouvelle autorité aura donc pour rôle de réguler quoi au juste s’il n’y a pas de ressources rares à réguler ?

La réponse est dramatiquement simple : elle va réguler les contenus, les contenus que VOUS produisez, que NOUS produisons. Cette autorité ne va pas réguler des entreprises qui seront autant de netgoinfres à l’affut du moindre brevet pour s’accaparer commercialement un bout d’Internet, cette autorité, elle va NOUS réguler.

Fiscalisation, protection de la propriété intellectuelle et protection de l’enfance sont les trois nouvelles mamelles de la surveillance du Net

La protection de l’enfance, c’est le cyber cheval de bataille du CSA. L’autorité est d’ailleurs parfaitement claire sur la question, elle s’est maintes fois prononcée pour une labellisation des sites web, et même, IMPOSER le FILTRAGE de sites non labellisés ! On voudrait tuer Internet en France qu’on ne pourrait pas mieux s’y prendre. Fusionner ARCEP, CSA, ANFR, HADOPI, et pourquoi pas la SPA ? (Internet est plein de zoophiles!).

Ramener Internet, un bien commun, sur lequel nul gouvernement, nulle entreprise n’a de droit de cuissage, à un nouvel eldorado fiscal, est probablement la plus belle escroquerie intellectuelle que les politiques peuvent jouer aux internautes.

Il ne viendrait pas à l’idée du gouvernement de créer une haute autorité de régulation de l’air que nous respirons, c’est pourtant bien ce qu’il s’apprête à faire avec Internet. La première escarmouche gouvernementale sur le terrain fiscal, c’est ce qu’annonçait Aurelie Filippetti en voulant étendre la redevance sur l’audiovisuel public aux écrans d’ordinateurs. Il ne lui serait pas par exemple passé par la tête l’idée de renforcer la fiscalisation des biens culturels vendus par les fournisseurs d’accès Internet qui par ce biais menacent en permanence la notion de neutralité du Net, une notion qui est un dû aux internautes et non une option comme certains aiment à tenter de nous le faire gober… oui Orange, c’est bien de toi que je parle.

Une autorité de régulation des médias sur Internet, c’est un peu comme si on créait une autorité de régulation de la presse. Quel rôle positif pourrait jouer une telle autorité ? Aucun. Son rôle est exclusivement fiscal. Cette fiscalisation va permettre la petite mort en France de la Neutralité du Net. Les industriels n’auront plus qu’à se partager le gâteau sous la bienveillante connivance de cette nouvelle super hyper giga haute autorité pseudo indépendante.

– « Et alors ? Ça va me coûter combien mon truc gratuit ? »
– « Oh trois fois rien, juste ta liberté d’expression »

Fiscal ? Vous avez dit juste fiscal ? Oui… enfin… pour le moment. Vous vous doutez bien qu’en embuscade se cache l’HADOPI et surtout, les moines copistes de DVD et tous les adorateurs de saint-copyright. Concentrer tous les pouvoirs dans une seule autorité pseudo indépendante qui mettra le paquet sur la chasse aux téléchargeurs de MP3 ? « Jamais » vous dira un gouvernement socialiste (quoi que)… mais que se passera t-il au prochain changement de majorité ? Et bien le gouvernement socialiste aura créé malgré lui (ou pas) un splendide outil de surveillance et de censure d’Internet dont il remettra les clés à ces moines copistes de DVD.

Ce genre de rapprochement, c’est une idée vraiment lumineuse, surtout quand on sait comment sont constitués nommés les collèges de ces autorités.

 

L’Europe souhaite encadrer l’exportation de ventes d’armes numériques

Si l’on devait compter sur la nature humaine pour faire preuve de la plus élémentaire des morales dans le business, on trouverait bien une entreprise française ou allemande pour aller déployer une centrale nucléaire en Corée du Nord ou en Iran. Si les armes numériques sont moins médiatiquement « dignes d’intérêt » que les centrales nucléaires, jusque là, il faut bien avouer que dans certains pays elles ont fait surement bien plus de victimes.

Il fallait bien une loi pour moraliser ce business d’armes qui ne sont pas même reconnues comme telles. C’est finalement le parlement européen qui envisage de légiférer sur les exportations de ces « jouets » à des gens comme Kadhafi ou Bachar El Assad. Ce n’est pour l’instant qu’une résolution visant à encadrer légalement les exportations d’outils de censure et de cyber surveillance aux régimes autocratiques… un premier pas.

Je suis en revanche profondément choqué par la méprisable indifférence de la classe politiques française sur ce sujet, en dehors d’une infime poignée, à l’image de Christian Paul, personne ne s’est soucié des morts et des torturés grâce à nos belles technologies françaises, financées à coups de millions par le fond stratégique d’investissement pour ne citer que lui. Plus cynique encore, la dizaine de questions de parlementaires n’aura trouvé comme réponse qu’un Gérard Longuet, qui après avoir fait chevalier de la légion d’honneur l’un de ces vendeurs de mort (le PDG d’Amesys/Bull), se paye le luxe de lire dans l’hemicycle  un communiqué de presse rédigé par sa propre fille, directrice de la communication chez Bull.

Je me sens assez partagé sur cette résolution du parlement européen. Je suis dans un premier temps déçu qu’il faille une loi pour ça et que les commerciaux capables de telles ventes arrivent à se regarder dans un miroir. D’un autre côté, j’ai l’impression que le travail fourni avec les copains de Reflets, Telecomix, FHIMT, ou d’Owni pour démonter ces business nauséabonds n’aura peut être pas été du temps perdu. Et on se prend à rêver qu’une loi épargnera quelques vies… Merci au Parlement européen pour cette initiative.

Vers une HADOPI du Jihad ou le jour où Nicolas Sarkozy a baissé son pantalon face au terrorisme

Voilà le billet que je n’avais aucune envie d’écrire. Que ce soit ici sur Reflets ou ailleurs, je n’avais aucune envie de m’exprimer sur l’acte débile d’un con, psychopathe, et assez lâche pour se cacher derrière un dieu pour assassiner ses semblables, des militaires, des enfants. Difficile de ne pas penser aux proches des victimes, de ne pas leur témoigner notre soutien. Des morts gratuites, oui, tout le monde ne peut que condamner de tels actes.

Que dire de certains médias qui nous ont offert un bien pitoyable spectacle ces deux derniers jours, à tenir l’antenne 24 heures sur 24 avec des « on dirait », des « on m’a dit que », des « je crois que », des « je pense que », alors qu’ils ne savaient strictement rien et n’avaient aucune information pertinente à communiquer ? La palme de la nullité pourrait être attribuée à BFM. Saviez vous par exemple que pendant ces heures médiatiques de vide absolu le gouvernement malien essuyait un coup d’état ?… Non, les chaines de télévision préféraient nous abreuver de vide à l’affut de la moindre goutte de sang, gênant probablement les opérations des forces de l’ordre.

Le pétage de plomb de cet abruti ne pouvait pas tomber à un pire moment… en pleine campagne électorale. A partir du moment où le mot terrorisme a été lâché par les journalistes, je m’attendais, je ne sais pas pourquoi, à ce qu’un pseudo politique, une Nadine Morano, une Muriel Marland Militello, désigne Internet comme le coupable du produit de ses propres échecs. Mais campagne présidentielle oblige, cet honneur est revenu à Nicolas Sarkozy. Comme si le bilan de l’UMP n’était déjà pas assez risible.

Par delà ce que m’évoque le ridicule des propos de Nicolas Sarkozy qui s’est empressé de déclarer que toute personne qui visiterait des sites Internet faisant l’apologie du terrorisme serait pénalement punie, soit disant pour lutter contre l’endoctrinement…

C’est vrai que niveau endoctrinement, l’UMP en connait un rayon. Prenons au hasard le cas clinique bien connu dans nos pages de la député Muriel Marland Militello et voyons ce que ça donne en image…

Et oui… l’endoctrinement c’est moche hein? Et alors ? On va interdire tous les sites de l’UMP parce qu’une député confond Staline avec Nicolas Sarkozy ?

Mais il y a bien pire. Nicolas Sarkozy par cette déclaration, une fois de plus, baisse son pantalon devant le terrorisme. Il baisse son pantalon devant un fou en appliquant des lois de terreur à l’ensemble de sa population, par pure démagogie. La réaction du Président est la pire que l’on puisse imaginer.

Techniquement quand des illuminés se donnent rendez-vous sur un forum, l’avantage, c’est qu’on sait où il sont. Ils sont faciles à surveiller, à infiltrer. Bloquer des sites web, en plus d’être aussi crétin que de faire fermer les bibliothèques dans lesquelles on trouve Mein Kampf, on sait en outre que ça ne fonctionne pas. J’en avais déjà parlé à l’époque de la LOPPSI. Ces milieux, c’est pas sur leurs propres forums qu’ils recrutent ! C’est sur des espaces bien publics, comme les réseaux sociaux, et dans le cas précis du Jihad, c’est sur FACEBOOK, YOUTUBE, DAILYMOTION… que ça se passe! Concernant l’inéficacité du blocage de sites, voici un tableau récapitulatifs des techniques que pcinpact avait publié un moment et qui est toujours d’actualité.

Donc au lieu de les bloquer, ce que vient de proposer Nicolas Sarkozy, c’est une sorte d’Hadopi du Jihad, avec un TMG qui va devenir la police de la pensée du Net et qui sera chargée de coller des PV à toute personne qui voudra chercher à comprendre ces milieux… ou par exemple aux journalistes qui cherchent à les infiltrer pour les étudier. Ridicule et consternante, la déclaration électoraliste de Nicolas Sarkozy sera au mieux ce que je viens de vous décrire, au pire l’argument idéal pour placer de puissants moyens de surveillance en coeur de réseau qui seront autant de dispositifs qui violeront H24 les correspondances privées de tout le monde, en se passant parfaitement de l’avis d’un juge.

Ces outils existent, la France est même pas loin d’être championne du monde en la matière. Ces outils on les a bien testé en Libye grâce à Kadhafi, maintenant que ça fonctionne, pourquoi pas faire de la France une vitrine internationale de la surveillance de masse.

Ma conviction c’est donc qu’au lieu du blocage, si Nicolas Sarkozy est élu, nous aurons droit à ce qu’Orwell lui même n’imaginait pas. Dans la droite continuité de son oeuvre numérique sur ces 5 dernières années, comme le fichier des gens honnêtes s’il ne fallait citer que lui. Bref, la déclaration de Nicolas Sarkozy n’est qu’une manière de vous expliquer que non seulement ces outils sont déjà en place, mais qu’on va maintenant s’en servir pour écouter TOUTE la population…

Je ne sais pas ce qui m’écoeure le plus entre cette démagogie et l’honteuse récupération électoraliste. C’est brillant monsieur le président, vous venez de renoncer, vous venez de faire gagner la terreur en cherchant une fois de plus à restreindre de manière idiote les libertés de l’ensemble des citoyens, vous venez de céder face à un illuminé… il faut partir maintenant.

Gérard Longuet en VRP de la mort en Libye

Même pas étonné. Écoeuré, dégouté, indigné, mais même pas étonné. Aujourd’hui Le Point par la plume de Jean Guisnel, nous fait part du petit périple de Gérard Longuet en Libye. Notre ministre est parti y vendre des armes. C’est à gerber. Gérard Longuet est en politique ce qu’on appelle une anguille un truc visqueux que personne n’a envie de toucher mais assez fin pour passer entre les mailles d’un filet. Et cette vocation n’est pas nouvelle. Pour comprendre le bonhomme, il faut commencer par jeter un oeil à son passé.

Gérard, sa vie son oeuvre (source)

Gérard Longuet commence en politique à la droite de la droite, à Occident, où il s’illustre plutôt dans la ratonnade anti rouges que pour ses idées. Il est à ce titre condamné en 1967 à 1 000 francs d’amende pour complicité de « violence et voies de fait avec armes et préméditation ». La petite blague d’étudiants aura quand même laissé une personne dans le coma. Gérard Longuet fait donc partie des repris de justice du Gouvernement de Nicolas Sarkozy, un point de détail à méditer pour toutes les personnes qui se retrouvent dans l’impossibilité aujourd’hui de se présenter à un concours administratif pour des faits mineurs inscrits dans leur casier. Si votre casier n’est pas vierge, ne visez pas un poste d’enseignant ou de gardien de la paix, recherchez plutôt un poste de ministre.
A la dissolution d’Occident, Gérard Longuet poursuit son oeuvre en élargissant son champs de personnes à ratonner, au GUD pour être plus précis. Le Gud c’est une bande d’étudiants, plutôt d’ASAS, sympas, et qui aime bien casser du rouge, de l’homo, du bronzé… Le GUD a comme toute bande de jeunes en pleine crise identitaire un goût prononcé pour les poses photos en famille dont je vous laisse juger du rafinement affiché sur le drapeau qu’ils exhibent :
Gérard Longuet prend ensuite la tête d’Ordre nouveau avec son bon ami Claude Gouasguen, un autre groupuscule extrémiste qui sera d’ailleurs dissout par décret du Conseil des Ministres pour « atteinte à la sureté de l’État ». Après l’ENA, en 1972, Gérard Longuet sera même à l’origine du premier programme économique du Front National.

Gérard « Lord of War » Longuet en Libye

La France a bien bombardé tout partout du droit de l’homme en Libye après avoir fourni à Kadhafi de quoi éradiquer toute forme de contestation. La France qui en 2007 recevait Kadhafi avec les honneurs de la République, s’en va maintenant faire copain copain avec les personnes qu’elle aidait il y a quelques mois à  :
  • écouter
  • traquer
  • supprimer
Mais le cynisme de la situation ne s’arrête pas là. Si vous nous suivez sur Reflets, vous avez forcement entendu parler d’Amesys, fleuron français de la technologie de surveillance de masse, entité un peu particulière du groupe Bull, très lointaine de l’image « d’architectes d’un monde ouvert » que le groupe aime à communiquer officiellement. C’est donc Amesys qui a vendu au régime de Kadhafi, de quoi écouter des dissidents, dont un est d’ailleurs devenu ministre de la culture. Il s’agissait d’un système d’écoute globale, dimensionné à l’échelle de l’ensemble de la population libyenne, mais peu importe, Amesys, par la voix de son directeur commercial expliquera devant des caméras de télévision que son système a été détourné de son utilisation. Une vaste blague, particulièrement osée et reprise presque mots pour mots par Monsieur Longuet, mais qui ne trompera personne.
Mais cette position, au bout d’une bonne dizaine de questions de parlementaires au gouvernement, c’est Gérard Longuet lui même qui va la relayer dans l’hémicycle en tenant mot pour mot la position officiel du directeur d’Amesys. Il existe une explication très simple à cela. La personne qui a rédigé ce qui ressemble fort au communiqué de presse officiel du groupe n’est autre que sa fille,  Tiphaine Hecketsweiler, directrice de la communication du groupe Bull, ce depuis le 3 janvier 2011. Et là, paff, coup du hasard, Gérard Longuet prend moins de deux mois après le poste de Ministre de la défense. On comprend l’intérêt que peut avoir Bull à embaucher la fille du Ministre de la défense quand on connait un peu les activités d’Amesys, et même celles de Bull d’ailleurs, mais juré craché Bull ne pouvait pas être au courant que Gérard Longuet se verrait attribuer ce poste (c’est le genre de truc qui vous tombe sur le coin de la tronche au moment où on s’y attend pas Ministre d’État).
A regarder les dernières photos de voyage de Gérard Longuet en Libye, en tant que VRP de la mort, pour y vendre des armes, bras dessus bras dessous avec les personnes dont sa propre fille justifiait il y a peu la traque par un « spanou, on traque du pédophile« , il y a quand même de quoi se sentir, au bas mot, indigné.
Monsieur Longuet en Ministre repris de justice de la Défense, c’était déjà gonflé, mais là, on a encore passé un cap, entre cynisme, conflit d’intérêt et népotisme.
Une honte pour la République, voilà ce que m’inspire le voyage de Monsieur Longuet en Libye. Mais qui d’autre pouvait aussi bien représenter les intérêts français dans une kleptocratie tribale que Monsieur Gérard Longuet après tout ?