Wikileaks Statelogs : vent de panique chez les diplomates du monde entier

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Wikileaks Statelogs

Les diplomates du monde entier sont sur les dents depuis quelques jours… et il y a que quoi : le site Wikileaks qui n’en est pas à son coup d’essai, serait sur le point de diffuser pas moins de 251 287 documents secrets issus du réseau SIPRNet (Secret Internet Protocol Router Network) de l’administration américaine. Le documents ont déjà été transmis par Wikileaks à de grands journaux internationaux, selon une méthode éprouvée lors de la publication des Warlogs. Ce sont pour l’instant 5 médias qui seraient en possession de ces documents : le New York Times, Der Spiegel, le Guardian, El Pais et Le Monde.

Sur le Net, et en Live, c’est l’excellentissime Owni qui assure le live blogging des Statelogs

Il y en aura pour tout le monde (ou presque)

En plus des USA, de nombreux pays sont concernés par ce qui ressemble à la plus grosse fuite que l’histoire n’ai jamais connue : le Royaume-Uni, l’Australie, le Canada, le Danemark, la Norvège, Israël, la Russie, la Turquie, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, la Pologne, la Finlande, l’ Afghanistan, l’Inde, la Chine et la France (la liste s’allonge d’heures en heures). Rien que pour la France, Owni rapporte que ce serait entre 500 et 1000 documents qui devraient être publiés par Wikileaks. Owni fait référence à des échanges entre les autorités britanniques et américaines susceptibles de vexer la France, visiblement en proie à certaines railleries de la part des alliés anglo-saxons.

La plus grosse catastrophe diplomatique de l’histoire

Selon Jean-Marc Manach, on s’orienterait tout droit vers la plus grosse catastrophe diplomatique de l’histoire. Les lignes téléphoniques des ambassades du monde entiers sont encombrées, l’administration américaine, se préparant au pire, contacte en ce moment même les diplomates de très nombreux pays. De son côté, la presse britannique affirme que les documents seraient, pour ce qui concerne le Royaume Unis, plus embarrassants que dangereux pour le précédent gouvernement. Concernant les autres pays, il se pourrait bien que les choses soient un peu plus qu’embarrassantes, les ambassades craignent par exemple pour la sécurité de leurs civils et de leurs troupes dans certaines zones à risque. Chaque message issu du SIPRNet se compose de la date, de l’auteur, du destinataire, de la classification et enfin du message lui même. Le corps des messages contiendraient pour certains les noms des informateurs.

L’administration américaine mise en déroute par son propre bébé : Internet

Le Département d’État américain est en train de faire les frais, à grande échelle, d’un signe des temps. Les vieux internautes le savent bien, Internet a une influence directe sur nos sociétés, une influence bien perceptible qui sort du cadre de l’Internet lui même et qui modifie des pans entiers de nos usages, de nos conventions dans la vie réelle. Une telle fuite, sans un outil comme Internet, n’aurait jamais pu être rendue possible. Du coup, dans le monde, les réactions sont partagées, si les américains sont globalement furieux, à l’image du cofondateur de Wikipedia, Larry Sanger, qui hurle comme un putois sur Twitter que Wikileaks est l’ennemi du peuple américain. Dans d’autres pays, on est plutôt massivement favorable à la publication des Statelogs. Ainsi au Canada, un sondage réunissant plus 50 000 votants est sans appel : ce sont presque 85% des votants qui sont favorables à la divulgation de cette fuite majeure.

Peu importe le contenu de ces documents, Wikileaks aura prouvé une fois de plus qu’Internet est en train de changer la face du monde et que nul ne peut l’en empêcher, pas même ses géniteurs.

Deep Packet Inspection au Canada

privacyMichael Geist est professeur de droit à l’Universite d’Ottawa, c’est un fervent défenseur des libertés numériques, plaidant entre autres pour une réforme du copyright à l’heure d’Internet. Sur son blog, le professeur nous apprenait la semaine dernière que le Canada s’apprêtait à voter une loi terriblement dangereuse, c’est un lecteur de Numerama qui l’a relevé, elle se décompose en 3 volets :

  • Le premier oblige les FAI à transmettre les informations  personnelles d’abonnés à l’autorité judiciaire en se passant de l’avis d’un juge. La loi actuelle les y autorise, sans pour autant les y contraindre.
  • Le second incitant tous les fournisseurs d’accès à modifier leur infrastructure réseau afin de rendre possibles des écoutes légales ciblées. Ceci signerait l’arrêt de mort des plus petits fournisseurs d’accès canadiens. Les exigences semblent particulièrement précises et très contraignantes : il s’agit notamment de pouvoir intercepter les communications, d’isoler les communications d’un individu en particulier, et être en mesure de réaliser simultanément de  multiples interceptions. Les employés des FAI impliqués dans les interceptions de données devront en outre montrer patte blanche et pourront être soumis à des vérifications de leurs antécédents judiciaires. Pour mettre en place ce dispositif, un délai de 3 ans est donné aux fournisseurs d’accès, mais pour les plus petits d’entre eux qui n’auront pas les moyens de les mettre en place, ces dispositions n’en font que peu de cas.
  • Le troisième et dernier volet confère de nouveaux pouvoirs à l’autorité judiciaire, lui permettant notamment d’accéder en temps réel aux données interceptées, ce qui suppose une interconnexion directe entre les FAI et l’autorité judiciaire. Ces données concernent la création, la transmission, la réception, le type (protocole), la route, l’heure, la durée, l’origine et la destination de la communication… la totale. Le délai de rétention de ces informations serait fixé à 90 jours. Enfin les fournisseurs d’accès sont évidement tenus de ne pas communiquer aux abonnés d’information les alertant d’une écoute.

Selon Michael Geist, le coût de ces mesures est très important, tant financièrement qu’en terme d’impact sur la vie privée. On parle bien ici de surveillance par des sociétés privées (des fournisseurs d’accès Internet), sans mandat du juge.

Je vous présente le blog d’un nouveau copain

sécuritéCher Gnuzer,
Tu as pris le temps de répondre, de manière argumentée, à certaines de mes positions. Je trouve ta démarche honorable, du coup, je vais te donner un petit coup de pouce en te répondant publiquement et surtout en te donnant la visibilité que mérite ta réponse. Je suis assez embêté de ne pouvoir linker l’article lui même mais ceci est du à la redirection de ton nom de domaine, un AName aurait été préférable. Là le pointage de ton nom de domaine n’observe pas la première des bonnes pratiques du web, à savoir une URL par contenu.
Je passe sur tes attaques personnelles, je ne m’abaisserai même pas à y répondre. Je vais me concentrer sur ton contre-argumentaire…

1° « Thèse : Le VPN, Çaylemal. »
Là tu as soit un problème de lecture, soit tu tombe dans le travers que tu me reproche dans le premier couplet de ta chanson.

2° « Ça, c’est le bruit de la claque que prend dans la tronche un cyberrésistant récemment converti au crypto-anarchisme comme moi »
Si tu as besoin de mettre en avant tes talents de crypto anarcho pour contourner HADOPI c’est que tu n’as pas compris grand chose :

  • ni à la loi HADOPI
  • ni à Internet

Tu te qualifies de cyber résistant ? En te cachant pour downloader un MP3 ? C’est où que tu résistes dans l’histoire là ?
Tu fais la bêtise de confondre clicodrome VPN et cryptoanarchisme, là on est carrément dans l’amalgame de noobs qui va pas tarder à nous dire qu’il est rentré dans la matrice pour échapper à HADOPI.

3° « le lectorat de Bluetouff’s blog n’est finalement pas aussi élitiste que peuvent le faire croire ses articles très pointus sur la sécurité informatique. »
Je n’ai pas la prétention de m’adresser  aux l33tz, d’ailleurs je doute qu’ils trouvent des choses intéressantes dans mon blog, mon action se situe plutôt au niveau de la sensibilisation, et à te lire, je vois que j’ai encore du travail.

4° « N’oublions pas qu’avec HADOPI et LOPPSI nous sommes tous des criminels… »
Tu te présente aux élections présidentielles ? Tu es déjà en campagne là ?

5° « Remarque : Bluetouff clarifie sa pensée dans sa réponse à Korben : selon Bluetouff, il ne faudrait pas se cacher pour exercer notre activité illégale »
Ok c’est donc que tu as bien tout compris de travers, selon moi cette activité ne devrait pas être illégale, et te cacher c’est comme bloquer un site web, ça s’appelle fermer les yeux, c’est une attitude de couille molle.

6° « Tout délinquant essaye d’échapper à la répression. Si désormais nous sommes tous des délinquants, il est naturel que nous essayions tous d’échapper à la répression. »
Tu te considère comme un délinquant ? Bravo, moi pas et j’essayais de me battre pour expliquer que tu n’en étais pas un… ton billet me refroidit pas mal…

7° « je donne d’avantage de chances de survie aux “planqués” qu’aux héros contestataires. »
A chacun son truc mais en dehors du fait qu’on a pas besoin d’être un héro pour dire qu’on est pas d’accord avec une loi débile, il va falloir que tu m’explique comment un planqué peut faire changer une loi injuste. Ce qui me fait dire que tu n’es pas du tout un cyber résistant, tu es juste une personne qui ne pense qu’à sa tronche et à pouvoir télécharger tranquilement… planquée. Ce qui compte ici c’est ta survie à toi, surement pas le respect des libertés d’autrui.

8° Je ne reviendrai pas une fois de plus sur les usages du VPN, mais la « panacée » c’est :

  • un darknet privatif où on accorde confiance à chaque node
  • l’utilisation de protocoles non standards multiplexés, bien évidemment chiffrés, end to end (on est loin du VPN à papa là)
  • une connaissance juridique sur les points d’entrées et de sorties
  • Le tout dans une VM avec un OS fait pour (au pif OpenBSD)
  • Un serveur X over SSH
  • Pas de plugin à la con dans le navigateur
  • … et accessoirement allumer son cerveau pendant qu’on surf.

9° Sur la suite c’est amusant car tu as une bonne compréhension technique de la problématique, c’est donc bien sur la philosophie que nos avis divergent. Le hic c’est que j’ai du mal à percevoir ton contre argumentaire philosophique dans tout ça. Enfin il y a quand même une erreur technique « Ceux-ci sont renvoyés par le VPN et atteignent leur destination finale par le chemin le plus court. » Quand tu visite le site de la HADOPI derrière un VPN dont le noeud de sortie est à HongKong, j’ai le sentiment que tu dis une bêtise… je sais pas pourquoi…

10° « c’est en revanche parfaitement raisonnable dans un pays où le gouvernement a des tendances orwelliennes. »
Tu prêtes des facultés au gouvernement qu’il n’a pas, ce qu’il a mis en place jusque là atteste plus de son e-gnorance que de quelques volontés orweliennes. Le blocage des sites sur LOPPSI, c’est pas orwerlien, c’est de la lâcheté qui vise à dire « la pédopornographie n’existe pas ».

11° « Je vois ces sûrcoûts engendrés plus comme un effet collatéral du système répression + résistance. »
Encore une fois, tu ne résistes pas, tu te planques.

Facebook mérite des claques

facebookOn doit l’information à Geek.com Facebook, le réseau social, depuis peu de temps, c’est aussi un service de messagerie unifié (mails, SMS, pigeon voyageur…). C’est un service que je n’ai pas essayé et que je n’essaierai pas. Figurez vous que Facebook épluche vos mails et tous les messages personnels qu’il « unifie », si votre communication personnelle contient un lien sur un site que la « morale Facebookienne » réprouve (par exemple un lien sur The Pirate Bay) Facebook décide purement et simplement de vous censurer et prend la décision de ne pas acheminer votre message. Est-il besoin de rappeler que le tracker Torrent référence (aussi) des contenus parfaitement légaux.  Pour faire bref, Facebook s’adonne au niveau zéro du filtrage albanélien. Que diriez vous si Orange coupait vos communications téléphoniques à chaque fois que vous prononcez une grossièreté ?

Facebook se rend-il coupable de quelque chose d’illicite ? Un intermédiaire de ce type, en sa qualité d’opérateur de messagerie personnelle est prié de transporter des données, on ne lui demande strictement rien d’autre. L’article L32-1du code des Postes et Télécommunications qui cause de neutralité du transporteur explique que les opérateurs sont contraints à une neutralité absolue sur le réseau. Je cite :

« 5° Au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis, ainsi que de la protection des données à caractère personnel »

La Poste n’a ainsi pas le droit de décider si elle va acheminer votre courrier en fonction de ce qui est écrit dans vos lettres. Facebook, lui, a décidé de s’arroger ce droit. De là à dire si ceci est légal ou pas, seule une jurisprudence portant sur la notion de neutralité des réseaux pourrait commencer à apporter un bout de réponse. Il faut dire que les décisions de justice à ce sujet ne se bousculent pas, cependant, avec les réseaux (sociaux ou pas) nés d’Internet, certains opérateurs s’arrogent des droits (parfois divins) et cherchent maintenant à s’ériger en gardien de votre morale, Facebook réussissant même ici à immiscer sa morale à lui au cœur de vos discussions privées. Ceci n’est pas tolérable, c’est au mieux une atteinte manifeste à la neutralité au pire un viol tout aussi manifeste de vos correspondances privées.

Nous assistons donc ici à une dérive particulièrement inquiétante, si tous les opérateurs de services en se mettent à décider d’appliquer des filtres en fonction de ce qu’eux même jugent légal ou pas, moral ou pas, convenable ou pas, on va vite se retrouver avec un Net aussi pourri que celui du député Myard. D’ailleurs, qu’est-ce qui empêcherait un fournisseur d’accès Internet de filtrer Facebook sous prétexte que le réseau social rend la bêtise humaine plus accessible ?

EDIT : On me souffle également que le code pénal, en son article 226-15 puni assez lourdement ce genre de pratiques, ce que fait ici Facebook semble donc bien illégal :

« Le fait, commis de mauvaise foi, d’ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers, ou d’en prendre frauduleusement connaissance, est puni d’un an d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende.
Est puni des mêmes peines le fait, commis de mauvaise foi, d’intercepter, de détourner, d’utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications ou de procéder à l’installation d’appareils conçus pour réaliser de telles interceptions. »

Normalisation européenne d’outils de filtrage du Net : la position de officielle de l’AFNOR

afnor logo
AFNOR

L’AFNOR a souhaité réagir officiellement sur le billet précédent. Relevant plusieurs erreurs le Groupe AFNOR nous apporte quelques précisions tout en réaffirmant ses divergences avec le projet de normalisation européen : « Le député Mignon dit que la norme européenne s’inspire de la norme française. Ce n’est pas exact, les normes française et européenne ont été élaborées complètement indépendamment l’une de l’autre. »

Elle réagit également sur l’adendum de 21h dans lequel je tentais de donner des précisions sur le dispositif de filtrage où j’indiquais (…) elle s’est opposée (au nom de la France) à cette norme expérimentale visant à transmettre les blacklists aux FAI afin de laisser à ces derniers le loisir de filtrer sans que le particulier ne puisse exercer de contrôle de lui même… Mes propos étaient inexacts et l’AFNOR précise sur ce point : « En fait, une des différences repose sur le fait que les logiciels de filtrage définis par la norme française s’installent en local, tandis que les solutions de filtrage définis par la norme européenne sont hébergées à distance mais restent néanmoins activables par l’utilisateur (le parent n’a pas de visibilité sur le contenu filtré, et le risque dénoncé par les experts français est que le contrôle parental s’exerce sur le parent lui-même). La question n’est en tout cas pas de transmettre les listes aux FAI (à noter que la norme européenne s’applique à tout type de solution de contrôle parental, là où la norme française est limitée aux solutions des FAI).
L’AFNOR ajoute également qu’elle ne sait pas quand exactement cette norme est sensée sortir. Elle insiste enfin sur le fait qu’elle ne participe plus au projet de normalisation européen : « A noter que dans le cadre de la création de la commission pour élaborer la norme expérimentale française les français ont commenté la norme européenne en 2009, mais qu’il n’y a plus en 2010 aucune commission AFNOR active, donc à ce jour aucune délégation française au niveau européen.»

Le Comité Européen de Normalisation n’a pas souhaité transmettre le document de cette norme et n’a pas non plus souhaité transmettre les noms des personnes participant à cette commission sur les outils de filtrage. L’opacité est donc, pour le moment, totale au niveau du CEN.

De nombreuses zones d’ombre subsistent concernant le rôle exact d’OPTENET au sein du comité comme sur ses inclinaisons à être tentée de filtrer des sites parfaitement légaux. Un exemple concret est le filtrage en Australie de sites informatifs sur l’interruption volontaire de grossesse, OPTENET proposait l’une des deux solutions gratuites de filtrage mises à disposition par l’ACMA. Le risque de voir un filtrage du Net opéré par une entreprise proche de milieux intégristes catholiques, normalisant des moyens techniques et définissant ce qui doit être filtré ou non dans la plus grande opacité, est donc plus que jamais d’actualité.

L’ombre de l’Opus Dei plane sur le projet de normalisation européen du filtrage du Net

opus dei
Opus Dei

Aujourd’hui suite à un tweet de @manhack je découvre, dans une réponse du gouvernement que l’AFNOR et son pendant espagnol, l’AENOR plancheraient sur un projet de normalisation de dispositifs de filtrage du Net. Il me faut un petit temps, quelques recherches sur le Net, deux trois coups de fil… et hop, l’évidence est là, sous mes yeux. Quelque chose d’assez pestilentiel plane dans cette histoire de filtrage, creusons un peu cette nébuleuse où s’entremêlent business, politique, contrôle du Net, sectes et lobbying. Une entreprise de sécurité informatique liée à une secte, ce n’est pas quelque chose de nouveau, on se rapelle par exemple de l’éditeur antivirus Panda Software et de ses liens avec l’Église de Scientologie. Nous allons donc tenter de comprendre un peu mieux le background de ce projet de normalisation pour tenter d’y voir un peu plus clair.

Dans la réponse faite au député Mignon, on peut lire « La version expérimentale de cette norme a été publiée par l’AFNOR en janvier 2010. Elle sera présentée devant le bureau technique du Comité européen de normalisation dans le cadre du comité de projet « Filtrage Internet » (Project Committee « Internet Filtering »). Ce comité est animé par l’Agence espagnole de normalisation (AENOR). La publication d’un premier document européen est envisagée d’ici la fin de l’année 2010. Par ailleurs, le secrétariat d’État à la famille et à la solidarité soutient des actions de sensibilisation et d’éducation aux médias menées par des associations tant auprès des jeunes dans les établissements scolaires que des parents. »

L’affaire remonte à 2006, OPTENET, une société d’origine espagnole est accusée d’avoir extrait les listes d’accès d’une solution de contrôle parental d’origine française, celle de la société XOOLOO. Au milieu de cette affaire, on trouve également le nom de grands FAI : ORANGE (à l’époque WANADOO / NORDNET à qui nous devons par exemple un certain failware HADOPI), CLUB INTERNET et TELECOM ITALIA. ORANGE aurait laissé fuiter les listes d’accès (constituées manuellement par la société XOOLOO)… négligence caractérisée ou intention délibérée, même si j’ai bien ma petite idée sur les modalités d’extraction de ce genre de liste, je ne suis pas dans le secret des dieux. Sachez simplement que c’est la solution de XOOLOO qui était intégrée à l’offre Securitoo commercialisée par Wanadoo sur abonnement et packagée par NORDNET… on ne change pas une équipe qui gagne.

Le scandale éclate en mai 2007 dans les pages de Libération qui nous apprend dans un article intitulé « Optenet, chapelle de l’Opus Dei » les liens étroits entre OPTENET et l’Opus Dei, je cite :

« Optenet, créé en 1997, s’appelait avant Edunet. Son siège est à San Sebastián. Elle emploie aujourd’hui «130 professionnels» et possède des antennes en Europe, au Brésil, au Mexique et aux USA. En France, Optenet Center compte parmi ses membres fondateurs Alberto Navarro Mas, gérant de la SARL. Il pilote le bureau d’Optenet à Paris. C’est aussi le gérant des éditions Le Laurier, spécialisées dans les publications de l’Opus Dei, et sise au 19, rue Jean-Nicot, à Paris. Cette ruelle du VIIe arrondissement abrite au numéro 6 le centre Garnelles, le plus fréquenté des treize lieux de rencontre gérés par l’Opus Dei à Paris. C’est à cette adresse qu’est domicilié professionnellement Alberto Navarro Mas. C’est là aussi qu’est domiciliée l’Acut (Association de culture universitaire et technique), considérée comme un des satellites de l’Opus Dei. »

Niant tout lien avec l’Opus Dei, OPTENET s’offre un droit de réponse peu convainquant suite aux révélations de Libération.

En fouillant un peu plus on trouve sur Légalis un résumé complet du feuilleton, l’histoire est passionnante, on y apprend que Xooloo a mis trois ans pour constituer sa base de données de sites filtrés alors qu’Optenet ne mettra que quelques semaines, l’usage d’un crawler est soupçonné. Concernant la fuite de la base de données, Orange est accusé de complicité par la société XOOLOO.

« Attendu que France Telecom n’apporte pas la preuve qu’elle avait reçu l’autorisation de Xooloo pour fournir à Optenet la base cryptée de Xooloo, le tribunal dira qu’en agissant ainsi, France Telecom a eu une application fautive du contrat, qu’elle s’est mise en contradiction avec l’article L.342-1 du code de la propriété intellectuelle et que les moyens présentés par France Telecom pour démontrer qu’elle a exigé d’Optenet des garanties de confidentialité sont inopérants, »

En fouillant même encore un peu plus, il semble que la base de données de XOOLOO, remixée à la sauce OPTENET, se soit vue intégrer des sites dont les contenus n’ont pas de caractère choquant, les critères semblent tout de suite plus « religieux » qu’en rapport avec la protection de l’enfance.

En 2009, on retrouve XOOLOO et OPTENET, aux côtés d’associations de protection de l’enfance (Droit@l’Enfance, E-Enfance, Action Innocence), à l’AFNOR, pour définir une ligne directrice en vue d’une normalisation des solutions de contrôle parental.

Aujourd’hui, je dois vous avouer que l’implication OPTENET dans ce projet me laisse particulièrement perplexe sur les motivations profondes de normalisation des outils de filtrage demandée par Nadine Morano alors en charge de ces questions. Fabrice Epelboin avait mis en garde sur une dérive puritano religieuse de l’exploitation des questions de filtrage du Net, il semble qu’en Europe, elle revête un caractère carrément sectaire, je ne suis qu’au début du fil, et quand je tire, je sens bien la pelote… OPTENET semble très actif dans le lobbying européen relatif aux questions de l’enfance et ses solutions sont assez reconnues pour s’être même vues décerner une récompense européenne, le prix IST de l`innovation (Information Society Technology) par la Commission Européenne. Au niveau français, OPTENET, arbore aussi le logo officiel du ministère de l’éducation nationale. Vu le passif de la société, j’ai le sérieux pressentiment que ça ne sent pas bon du tout.

J’espère en avoir assez dit pour vous donner l’envie de creuser un peu plus le sujet, comme d’habitude, je vous invite à faire vos propres recherches et à être particulièrement vigilants sur cette histoire qui présente tous les ingrédients d’un bon gros scandale. Nous ne pouvons pas laisser un sujet aussi grave et sérieux que la protection de l’enfance devenir une porte d’entrée à une dérive sectaire au plus haut niveau européen, dont le cheval de bataille serait le filtrage du Net.

Si vous avez du temps, n’hésitez pas faire des recherches et à remonter des informations suspectes, mon petit doigt me dit qu’on en est qu’au début.

EDIT : 21h00

  • J’ai contacté l’AFNOR qui a répondu en toute transparence à mes questions, sa position est claire, elle s’est opposée (au nom de la France) à cette norme expérimentale visant à transmettre les blacklists aux FAI afin de laisser à ces derniers le loisir de filtrer sans que le particulier ne puisse exercer de contrôle de lui même (DNS Menteur). Cette norme expérimentale est sensée être adoptée en Janvier 2011.
  • En continuant mes recherches, j’ai découvert que la solution d’OPTENET était l’une des deux solutions gratuites (avec la solution SAFE EYE) proposées par le gouvernement australien. Là bas, les listes de filtrage ont fait grand bruit puisque comme on s’en doutait, on y trouvait aussi des sites dont la nature n’avait pas un caractère répréhensible par le droit australien.
  • En grattant encore, on trouve assez simplement ce billet. On y apprend que OPTENET se nommait autrefois EDUNET. Sur son site, EDUNET proposait des contenus pour le moins assez particuliers comme ces pages : http://web.archive.org/web/20031210143415/www.edunet.es/ideas/index.htm qui ne sont plus en ligne mais que l’on retrouve avec Webarchive. On y apprend que selon cette société, l’homosexualité est une maladie qu’on attrape à la naissance ou plus tard : http://web.archive.org/web/20031005032609/www.edunet.es/ideas/homosexu.htm (point n°6).
  • Au niveau français, OPTENET semble compter l’éducation nationale parmi ses clients et arbore fièrement le logo du ministère sur l’un de ses sites : http://www.education.optenet.fr/
  • Je cherche maintenant des traces sur un éventuel conflit d’intérêts au niveau de la commission de normalisation européenne sur ces dispositifs de filtrage : à son plus haut niveau, on retrouverait encore OPTENET.

Qu’est ce qu’Internet a à perdre du remaniement ministériel ?

remaniement ministériel
Remaniement ministériel in progress

Selon toute vraissemblance, nous devrions connaître dans les prochaines heures, ce dimanche, la composition du nouveau gouvernement. Le site officiel affiche d’ailleurs en ce moment une page de maintenance avec un message annonçant la démission du gouvernement.

Démission du Gouvernement

Le samedi 13 novembre 2010
En application de l’article 8 de la Constitution, M. François Fillon a présenté au président de la République la démission du gouvernement.
Le président de la République a accepté cette démission et a ainsi mis fin aux fonctions de M. François Fillon.
Source : communiqué de l’Elysée

Ce remaniement pourrait bien changer pas mal de choses pour notre « Internet français »… et pas qu’en bien. Il y a un sérieux risque que le Secrétariat d’État à l’Économie Numérique passe dans les mains de son ministère de tutelle, celui des finances et de l’industrie.

En passant sous la responsabilité directe du ministère des finances et de l’industrie, à cette période charnière où la transposition dans le droit français du paquet Télécom (par décret) pourrait bien sceller la petite mort de la neutralité du Net, on assiste à l’abandon d’un trésor culturel aux mains des lobbys industriels,  qui ont tous un intérêt à venir à bout des fondemmentaux qui ont permis à l’Internet de devenir ce qu’il est aujourd’hui.

Neutralité, ouverture et partage, 3 notions fondatrices, complètement antinomiques avec une gouvernance de Bercy. En clair, ça sent salement l’erreur de casting. Non pas que Christian Estrosi qui devrait être reconduit à son ministère soit incompétent en la matière mais j’ai un sérieux doute sur la capacité de Bercy à prendre l’Internet pour autre chose qu’un temple de la consommation qu’il faut impérativement réguler afin que les industriels le façonnent à l’image de ce qu’ils ont à vendre. Ce sentiment est évidemment renforcé par les conclusions de la consultation sur la neutralité où Bercy, tirant les ficelles, a accouché d’une copie conforme des positions d’Orange et SFR, deux fournisseurs d’accès qui réfutent jusqu’à la notion même de neutralité en plaidant pour un « Internet ouvert », et plsu discrètement, de l’une des entreprises qui a économiquent intérêt au filtrage du Net, Alcatel… un pléonasme s’inscrivant dans une stratégie d’enfumage qui masque mal que ces deux FAI sont avant tout des éditeurs de contenus. Ce mélange des genre a bien évidemment la bénédiction de Bercy, et là dessus croyez moi sur parole, le Net a tout à y perdre.

Abandonner Internet à des gens qui ont tout intérêt à le transformer en minitel, voilà ce que nous risquons.

Quand on connait le zèle de Christian Estrosi sur les questions sécuritaires et répressives tout ça est particulièrement préoccupant, rappellons que le ministre par ailleurs maire de Nice a récemment inventé la « vidéoprune », un usage détourné de la vidéo « protection » qui montre bien l’hypocrisie du terme et surtout la dangerosité de voir une justice automatisée se mettre en place. Vous n’avez surement pas manqué de noter que l’argument roi pour toute atteinte à la neutralité des réseaux (ou à la liberté en général), c’est la sécurité. Pas la sécurité comme je peux l’entendre moi ou vous les geeks qui lisez ces lignes, mais la sécurité autoritaire et répressive visant directement à amputer le Net de fonctions, de contenus, de services, de protocoles…

Autre sujet bouillant qui passerait sous la responsabilité de Bercy, la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (ou LOPPSI 2) qui semble avoir été mise en standby en attente de ce remaniement. Là encore, si Christian Estrosi est maintenu, nul doute qu’il s’appliquera à faire passer les mesures les plus contestables (celles que l’on trouve dans l’article 4 du projet de loi) relatives au filtrage.

Internet mérite mieux que Bercy, Internet mérite son propre ministère, c’est là la seule manière de lui assurer des perspectives d’évolutions cohérentes.

iHackLaw: et si on ouvrait les données de Légifrance ?

L’Open Data ou l’ouverture des données citoyennes est l’un des nouveaux enjeux de l’administration française. De nombreuses données publiques sont assez difficilement accessibles, même si elles sont en ligne.

Nous avons donc décidé aujourd’hui avec les ours de Bearstech de releaser iHackLaw, une petite API très simple qui ne demande qu’à être enrichie de vos contributions, pour s’inscrire dans la dynamique lancée entre autres par des collectifs citoyens d’advocacy comme la Quadrature du Net ou Regards Citoyens.

iHackLaw se concentre sur les données du site Legifrance.gouv.fr et cette première contribution devrait par exemple à terme permettre à des juristes de se créer aisément un outil de veille, ou même à des entreprises, soucieuses d’être informées de l’évolution de la législation sur leur métier, de s’offrir un outil à la fois simple, utile et technologiquement souple. Le code de cette API peut évidemment servir pour d’autres sources de données.

iHackLaw est libre, sous licence BSD, libre à vous de vous amuser avec, d’améliorer le code, de vous en servir pour créer une application mobile métier.

Faut-il réguler la Neutralité du Net ?

neutrality

Je ne pensais pas avoir un jour à me poser cette question : faut-il que le législateur intervienne pour préserver un semblant de neutralité des réseaux ? J’ai plus de 15 ans de net derrière moi, mes Internets à moi se portent très bien et j’ai un peu de mal à me figurer que le fait que des politiques s’en mêlent puisse apporter quoi que ce soit de positif. Cette question m’est simplement venue au détour d’un tweet de Ludovic Penet (si vous ne le connaissez pas encore et que ces questions de neutralité vous intéressent, faites chauffer votre reader RSS, le monsieur sait de quoi il parle et il en parle très bien).

Tout est parti de ce billet où je revenais sur la réponse de CCIA à la consultation de l’HADOPI sur les moyens de sécurisation. Les poids lourds du Net (Yahoo, Google, Microsoft, Facebook…) mettaient les deux pieds dans le plat en contestant la légitimité de l’HADOPI dans sa mission toute neuve de sauver les internautes des méchants pirates qui utiliseraient leur connexion Internet pour downloader le dernier Lady Gaga. Dans ce billet, je m’amusais un peu de voir ces géants du Net se réveiller 2 ans après la bataille alors que Christine Albanel criait à qui voulait bien gober ses sornettes, que les accords Olivennes, à l’origine de la loi création et Internet, étaient issus d’un large consensus. Manque de bol, il semblerait que les principaux acteurs du Net (les internautes, les grosses entreprises du Net, ou encore l’ASIC) n’aient pas été invités à participer à ce large consensus… et oui, un consensus c »est toujours plus simple quand on est tous d’accord avant de commencer à causer… évidemment il y en a toujours un pour l’ouvrir mais quand on a une licence 3G à troquer, c’est assez simple de le faire plier. Le soucis c’est qu’une fois votée, il faut bien l’appliquer cette loi… et c’est là qu’on s’étonne de voir des entreprises, comme Google, Yahoo ou Microsoft, que l’on pensaient toutes « consensualisées à mort », fustiger de manière véhémente le produit direct de ce consensus… voilà pour le contexte.

La discussion de fond maintenant

Quand Ludovic a réagi à ce billet, il m’a fait remarquer que je soutenais implicitement une atteinte à la neutralité. Je n’aurais pas relevé si ceci ne venait pas de Ludovic. S’il dit ça, c’est qu’il y a forcément un fond de vérité et quelque chose aurait donc échappé à mon analyse… ok, creusons.

Attention, sur les questions de neutralité, Google, Microsoft et Yahoo ou Facebook ne sont certainement pas à mettre à la même enseigne. Quoi qu’on en dise, Google s’est toujours montré très respectueux de la neutralité du Net, et pour cause, c’est en grande partie grâce à cette neutralité que Google est devenu ce qu’il est… et que d’autres, un jour, pourront aspirer à le détrôner. A contrario, Microsoft a très longtemps mené une politique de fermeture, il aura par exemple fallu attendre 2010, pour que dans sa grande mansuétude, Microsoft se décide à faire un navigateur qui respecte les standards du W3C.

Ce que Ludovic voulait me faire remarquer, c’est que tout ce petit monde a forcément un intérêt à être contre toute régulation. Les sociétés privées ont envie de continuer à tenir les rennes, à innover et à… brider un peu à leur manière le Net pour diriger les utilisateurs sur leurs services et pas celui du voisin… Et oui, Ludovic à raison, mais je reste assez perplexe, quelque chose me chiffonne dans ce raisonnement…

Toujours est-il qu’en désignant HADOPI comme illégitime dans sa mission de spécification d’un logiciel de sécurité labellisé et créant une incitation légale à acheter tel dispositif plutôt que tel autre, la CCIA met le doigt sur une entrave à l’innovation et sur un petit soucis de distorsion concurrentielle assez intéressant. Or la CCIA oppose cet argument qui est de dire que dans une société qui se dit libérale, on laisse le marché faire, on ne lui impose pas de ligne directrice susceptible de nuire à l’innovation et d’entraver la concurrence. Je vois par exemple assez mal la HADOPI préconiser le pare-feu par défaut de Windows comme une solution fiable de protection, mais est-ce bien l’efficacité de la protection des utilisateurs qui est recherchée par la HADOPI ? N’est-ce pas plutôt la protection du droit d’auteur qu’elle cherche à protéger en incitant vivement l’utilisateur à installer un moyen de sécurisation ?

Alors on régule ?

Au moment où je suis en train d’écrire ces mots, je n’ai pas la réponse à cette question et bien malin celui qui peut m’en donner une parfaitement argumentée. En revanche j’ai quelques observations assez factuelles à formuler  :

  • Premier constat : avant que les politiques ne commencent à y mettre leur nez, le Net fonctionnait très bien sans eux, ouvert et neutre, personne ne se posait d’ailleurs la question il y a une dizaine d’années, on bouffait du kilo-octet tout neutre et ça ne perturbait personne.
  • Second constat : en France, TOUTES les lois qui concernent Internet ont eu pour seul effet (voulu ou pas) d’entraver son ouverture et sa neutralité au bénéfice de quelques uns et au détriment du plus grand nombre.
  • Troisième constat : les atteintes à la neutralité sont jusque là du fait de deux entités, il s’agit soit d’états, soit de FAI (systématiquement du côté de ceux qui détiennent des infrastructures… en toute logique). Un état porte atteinte à la neutralité généralement pour de mauvaises raisons (fliquer ou materner sa population), les FAI, eux, le font pour des raisons économiques.

Il y a deux points capitaux qu’il semble donc de bon ton de dissocier :

  • l’infrastructure (les tuyaux)
  • et les services (le contenu).

Nous avons une particularité en France, c’est que ceux qui détiennent les infrastructures sont également éditeurs de contenus. Il est donc facile de comprendre, partant de là, qu’un opérateur préfère qu’on utilise SON infrastructure pour accéder à SES contenus plutôt qu’à ceux des voisins… et comme tous les éditeurs de services ne sont pas FAI, le rapport de force peut très vite tourner en la défaveur des entités qui ne possèdent ou n’ont accès à aucune infrastructure.

Je vois ici 3 issues possibles :

  • On régule en interdisant aux FAI d’être éditeurs de contenus (on peut toujours rêver).
  • On régule uniquement au niveau des infrastructures physiques, particulièrement si elles sont financées tout ou partie par des fonds publics. Il s’agirait d’inscrire dans la loi que n’importe quel acteur puisse accéder à ces infrastructures pour délivrer un service, qu’il soit local ou national. C’est de loin la solution la plus séduisante à mon sens et c’est surtout celle qui répond le plus intelligemment à cette problématique complexe.
  • On ne régule rien du tout et on laisse faire.

De ce que j’ai vu en 5 ans d’acharnement des politiques pour tenter de briser cet espace de liberté qu’est Internet (à coup de filtrage, blocage, croisade contre l’anonymat, ou encore cette escroquerie intellectuelle du droit à l’oubli numérique) m’incite à penser qu’on ferait mieux d’attendre que certains de nos élus ne prennent leur retraite avant que l’on envisage de pondre une loi sur la neutralité du Net… au risque de se retrouver soit avec un texte qui n’a ni queue ni tête, à l’image d’HADOPI, soit avec une super occasion pour l’Elysée d’officialiser la fin en grande pompe d’un Internet neutre, outil indispensable à l’exercice de la liberté d’expression… pour paraphraser le Conseil Constitutionnel.

Un marché de la sécurité complexe

Il faut d’abord distinguer les solutions qui s’adressent aux FAI, aux grandes entreprises, aux PME, puis aux particuliers. On distinguera également les solutions matérielles des solutions logicielles… et les charlots des gens sérieux mais ce n’est pas trop le débat. Nous allons nous concentrer sur deux niches :

  • Les solutions de sécurité ISP class : je parle ici de solutions, souvent matérielles (firewall/routeurs de service…), visant à prémunir le réseau des fournisseurs d’accès d’attaques diverses (dénis de service, vagues de spam, propagation de vers…). Ici, les solutions dites de Deep Packet Inspection ont une utilité certaine car elles servent le bon fonctionnement du réseau en luttant contre des attaques susceptibles de le perturber. Concrètement, des sondes ou des routeurs de services reconnaissent les signatures des attaques et stoppent leur acheminement. Le marché du DPI représente à horizon 2013 environ 1,5 milliards de dollars à lui tout seul. Un routeur de service capable de traiter un flux terabit coûte entre 120 et 250 000 euros. Là si vous m’avez bien lu, vous devez comprendre tout de suite que tout ce qu’on raconte sur le DPI est entièrement faux… fliquer toute le population française ne reviendrait certainement pas des centaines de millions d’euros… à la louche ça doit coûter entre 10 et 15 millions d’euros, à peine la moitié de ce que le gouvernement vient de mettre dans la carte musique jeune.
  • La sécurité des particuliers : là par contre, il faut bien l’avouer, c’est le Far West. L’offre se concentre principalement autour d’un système d’exploitation, Microsoft Windows qui en bon leader est le plus attaqué. Et sur Windows, on trouve de tout : antivirus, firewall, solutions de contrôle parental, solutions anti fishing… Open Office …. De ces solutions nous en retiendrons principalement 2 vu que toutes les autres peuvent être remplacées par un usage simple du cerveau (user side). Nous conserverons donc l’antivirus et le firewall. L’antivirus étant par définition utile quand c’est déjà trop tard (une fois que la machine est infectée), il nous reste le firewall qui contrôle ce qui rentre et ce qui sort de la machine.

Ici, on s’interroge donc sur quel(s) type(s) de solution(s) la HADOPI va pouvoir jeter son dévolu. Procédons de manière simple en nous remémorant ce que stipule le texte de loi : « moyen de sécurisation de l’accès Internet« … et ben on est pas dans la merde. On ne vous demande pas de sécuriser votre ordinateur, ni votre box… mais votre « accès Internet ». Si l’HADOPI veut prendre le texte au pied de la lettre, je vois assez mal comment elle pourrait ne pas se laisser tenter par compléter le dispositif de sécurisation situé chez l’utilisateur par un autre dispositif, placé sur le réseau de l’opérateur, et qui viserait à « dépolluer » l’Internet ou policer les internautes.

La CCIA s’inquiète donc à juste titre car de tels outils, par exemple à l’échelle d’un cloud ou pour du du Software as a Service (SaaS)… on a beau jurer par tous les grands dieux que le filtrage  que c’est totalement transparent… et bien permettez moi d’en douter. Jean-Paul Smets de la société Nexedi a déjà mis en garde à ce sujet après une expérience grandeur nature contre son gré, suite à la mise en place d’un filtrage par Eircom en Irlande : “il y a deux semaines environ, nous avons constaté que l’accès aux serveurs d’application en France s’était dégradé de façon inimaginable pour l’un de nos clients situé en Irlande. Nous sommes ainsi passé d’un temps d’accès de 1/2 sec à 4 sec.” (…) “Ce que nous avons remarqué, c’est que cet incident est arrivé au même moment que le filtrage mis en place par le fournisseur d’accès Irlandais Eircom que notre client utilise” .

L’invective de la CCIA me semble donc parfaitement légitime, ce qu’elle demande c’est un laissé faire, mais là où je vais rejoindre Ludovic, c’est qu’il ne faut pas non plus que ce laisser faire se transforme en laisser aller.

La vaste escroquerie des services gérés.

Après des années années de « ranafout' » voici que les fournisseurs d’accès s’intéressent maintenant à l’acheminement de communications prioritaires. Et là comment vous dire ça sans ménerver… cette histoire de services gérés qui nécessiteraient l’usage d’outils comme le QoS et le trafic shaping afin de préserver l’usage d’un service (dans 99,99% des cas, payant) au détriment d’autres services (dans 100% des cas gratuits oui dans lesquels le FAI n’a rien à gagner), est dans certains cas une splendide escroquerie intellectuelle. Si pour l’Internet filaire on ne rencontre pas encore de manifestations inquiétantes de FAI trop zélés, il en est tout autrement sur les services d’accès à l’Internet mobile

Non vous ne me ferez pas croire qu’il est nécessaire, sur le réseau d’un opérateur mobile, de filtrer la voix sur IP ou que le surf en tethering, sous prétexte que cela consomme de la bande passante et met en danger le bon fonctionnement d’un réseau 3G. La vérité est toute autre, si la VOIP ne fonctionne pas c’est que l’opérateur mobile est avant tout un opérateur téléphonique qui se rémunère à prix d’or sur un réseau qui ne lui coûte quasiment rien. Ce même opérateur, pour que vous puissiez utiliser votre navigateur de votre ordinateur en 3G, préfère évidemment que vous achetiez chez lui une clef 3G avec un abonnement dédié alors que votre téléphone peut tout à fait remplacer votre clef 3G. Bref, ces opérateurs se foutent complètement de vous. Pas convaincus ? Alors expliquez moi pourquoi tous proposent  des abonnements mobiles GSM/3G /EDGE (aux environs de 2 fois le coût d’une connexion ADSL) qui vous proposent de la TV en illimité sur les réseaux 3G. La vidéo, streamée est évidemment bien plus consommatrice de bande passante que surfer sur le web en tethering. En aucun cas le fait d’assurer une qualité de service ne saurait justifier le bridage de la voix sur IP ou du tethering. Il s'(agit d’une atteinte manifeste à la neutralité des réseaux et en plus, les opérateurs se payent le luxe d’appeler ça de l’Internet illimité (une situation qui en pratique ne change pas vraiment depuis les déclarations de bonnes intentions à l’issue du colloque de l’ARCEP.

Un traitement de faveur pour le DPI ?

A l’heure actuelle de nombreux opérateurs expérimentent ou utilisent le DPI pour manager leur réseau, ceci est un usage correct de ces technologies, mais pour franchir le cap de la discrimination des contenus et des services de tiers, il n’y a qu’un pas. Et pour ne pas le franchir, il faudra que le législateur se prononce. Le seul hic, c’est que je le vois très mal dire aux FAI de ne pas détourner l’usage du DPI à des fins de discrimination des contenus du voisin si par malheur il autorisait aux ayants-droit un usage contre nature de ces mêmes outils à des fins de reconnaissance des contenus pour nettoyer Internet des contenus dit illicites car soumis à droit d’auteur. Et comment déterminer si un contenu est illicite ? C’est simple, il suffit par exemple de dire que tout mp3 sur un réseau P2P est illicite, que tout fichier vidéo entre 650 et 720 Mo est un divx piraté… C’est donc la négation parfaite d’une exception au droit d’auteur, le DPI se fichera bien de faire la différence entre un divx mal acquis et un divx légalement acquis et encodé par son propriétaire qui transite sur le réseau pour que ce dernier puisse par exemple le visionner sur son lieu de vacance. Tout fichier est suspect, tous les internautes sont coupables…

Conclusion

Oui, il faudra que le législateur intervienne (et ce n’est pas fait pour me réjouir) en se prononçant sur la neutralité des infrastructures. Une concurrence locale accrue est une bonne garantie, les petits acteurs pourront surveiller les gros et plus nombreux seront ces acteurs, plus le service gagnera en qualité et plus nous aurons des chances de conserver un Net ouvert et neutre. Autre effet bénéfique, les collectivités ne se trouvant pas en zone assez denses pour que les « gros » opérateurs ne daignent s’y établir, auront le loisir de confier des délégations de service public à des acteurs locaux, impliqués au sein de leur région, de leur département, et même de leur commune… tout le monde a donc à y gagner et c’est même peut-être là l’occasion de rattraper notre retard dans l’accès au très haut débit.

Il me semble aussi impératif de fixer légalement des limites à l’usage de technologies de Deep Packet Inspection et d’inscrire dans la loi que ces dernières ne doivent en aucun cas servir à des fins de discrimination, ni a toute pratique susceptible de violer les correspondances des utilisateurs du réseau. En pratique, je doute que le moment soit opportun car je n’ai qu’une confiance très limitée en notre représentation nationale pour comprendre toute la mesure des enjeux de ces questions, et je crains fort que nos députés et sénateurs ne se limitent à une vision franco française d’une problématique de nature internationale dont les enjeux sont capitaux pour notre compétitivité à l’international.

/-) Un énorme merci au channel IRC de FDN

Fibre optique : Numericable persiste à se foutre de la tronche des internautes

pipeau très haut débit
Le pipeau très haut débit by Numéricable

Souvenez vous le plan Numerique 2012 d’Eric Besson, un plan ambitieux dans lequel la France prenait le leadership numérique européen… ah sur le papier ça claquait bien ! Fin 2010 où en sommes nous ?

Et bien il faut noter dans un premier temps que le plan Numérique 2012 a eu à patir de 2 choses qui l’ont sérieusement plombé :

  • La crise économique et financière qui a freiné les investissements des fournisseurs d’accès, même si ces derniers le nient et continuent à raconter des balivernes à la presse…
  • Une Nathalie Kosciusko-Morizet complètement aux fraises sur le déploiement de la fibre optique (tout comme sur les autres dossiers où elle était d’ailleurs attendue : Hadopi, article 4 de la Loppsi, RGI ….)

Pourquoi je suis pas content ?

Et bien mes alertes Google me remontent ce matin une nouvelle communication de Numéricable qui est un superbe pipeautage. Figurez vous qu’à en lire ce billet, Paris serait la capitale européenne de la fibre optique… rien que ça. Je cite :

« Numericable a annoncé avoir raccordé son millionième foyer parisien au Très Haut Débit par la fibre optique, valant à Paris de devenir « la capitale européenne de la fibre optique », a ajouté le câblo-opérateur. »

Bon on arrête tout de suite les idioties

Tous opérateurs confondus, en juin dernier, il y avait en France moins de 80 000 foyers qui bénéficiaient effectivement de la fibre optique. 365 000 comptes Internet pouvaient accéder à des connexions de 100 Mbit/s, ce qui veut dire que seulement 285 000 foyers bénéficiaient du 100 mégas Canada Dry de chez Numéricable.

Encore plus fort, certains fournisseurs d’accès prétendent que c’est le public qui est long à adopter la fibre, comprenez que les gentils opérateurs l’installent et que vous, abonnés Internet, préférez rester sur votre bonne vielle connexion 20 mégas. Mais de qui vous foutez vous là au juste messieurs ?

Les faits c’est que la France n’est pas loin d’être bonne dernière en Europe sur le déploiement de la fibre optique, c’est une véritable HONTE ! Le très sérieux FTTH Council Europe place la France en 15e position du classement des pays européens les plus fibrés… 15e sur 17 ! Soit avant, avant dernier !!

Et vous venez nous parler de leadership européen ?

Numérique 2012 ? Mais quelle blague ! La France est tellement à la traîne qu’elle ne trouve rien de mieux que de proposer dans un rapport parlementaire, de taxer dés 2012 les abonnements à l’Internet fixe… et ceci viendra en plus de la hausse des prix déjà prévue, et qui sait, un jour, en plus d’une licence globale.

Explications :

Quand un opérateur dit qu’il a raccordé un foyer, ceci veut dire 8 fois sur 10 que la fibre ne passe pas loin de l’immeuble, mais en aucun cas que ce même opérateur à entammé son déploiement vertical (installation des prises optiques chez les particuliers et tirage de la fibre dans les fourreaux de l’immeuble).

Certe pour Numéricable, c’est très différent, l’opérateur, avec sa technologie Canada Dry, n’a pas même besoin de rentrer dans les immeubles puisqu’il ne fait pas du FTTH mais du FTTLA (Fiber to the last amplifier) : la fibre arrive quelque part près de chez vous mais pas chez vous, les derniers mètres utilisent le réseau coaxial du câblo opérateur. Il en résulte que Numéricable déploie plus vite que les autres, à moindre coût, mais surtout, au final il propose un service ridicule pour ce qu’on serait en droit d’attendre de la fibre optique : 100 mégas en vitesse descendante, et 5 pauvres petits mégas indignes en envoi de données. Le cuivre ne sait pour l’instant pas faire mieux, du coup on a bien de la puissance fibre en download, mais on aussi et surtout de la puissance cuivre en upload. La technologie utilisée par Numericable ne fait en rien de la France une grande nation du très haut débit, ou alors du « semi très haut débit ».

N’essaye même pas !

Pas la peine de me justifier ce choix technologique par une excuse du style « oui mais les internautes ils downloadent plus qu’ils n’uploadent« , si c’est le cas c’est du au choix historique de l’ADSL, il ne s’agit aucunement d’un usage naturel du Net. Maintenant avec HADOPI qui prohibe le P2P, ils vont même uploader beaucoup moins. Mais il est évidemment préférable pour un opérateur d’avoir plus de débit descendant vers l’utilisateur pour  lui vendre des beaux contenus HD, que de lui laisser de l’upload et que l’abonné finisse par comprendre qu’Internet c’est pas « que » une télévision HD.

La raison du choix de Numericable uniquement guidée par des impératifs économiques, le FAI est détenu par des fonds de pensions américains, et c’est de la rentabilité qu’on lui demande, surement pas d’offrir un accès Internet neutre et de qualité.