HADOPI : son pire échec

Alors qu’HADOPI s’apprêtait à montrer son vrai visage, pas celui de la pédagogie, mais celui de la répression des internautes partageurs par voie de justice, la Haute Autorité s’est récemment retrouvée malgré elle au coeur de l’actualité. Je vous disais donc que tout commençait par la transmission de dossiers à la justice, c’est le Point qui a révélé la mise en place de l’artillerie répressive, invoquant des sources judiciaires. Numerama a eu le bon goût de publier un petit guide utile aux avocats qui auront à défendre certains internautes, pointant du doigt quelques courants d’air de procédure. Un peu partout en France, les procureurs de la République vont donc maintenant voir affluer ces dossiers au motif d’un délit d’un affligeant ridicule, le fameux « manquement à l’obligation de surveillance de l’accès à Internet« . Rappelons qu’à ce jour, les internautes ne disposent toujours pas des moyens de sécurisation promis, et pour tout vous dire… ils ne sont pas prêts de voir le jour. Pire, on ne sait toujours pas ce qu’il faut sécuriser exactement, attendu que le décret d’application omet finement de définir ce qu’est une connexion Internet. C’est donc à ce moment clé que tout le monde se pose la question légitime : « il y a quoi exactement dans ces dossiers transmis à la justice ?« . Contre toute attente, ce ne sont pas les plaignants (les ayants droit) qui allaient fournir des éléments, ni TMG, mais l’HADOPI.

 ☠ Y’a quoi dans cette boite noire ?

Peu après, la Haute Autorité publiait le rapport de David Znaty. Le rapport de monsieur Znaty a d’ailleurs été attentivement lu et critiqué de manière constructive par Zythom, expert judiciaire lui aussi dont je ne saurai trop vous recommander de lire régulièrement le blog.

A l’époque je m’étais insurgé du manque de transparence autour de l’audit réalisé par le cabinet HSC, qui compte parmi les tout meilleurs. J’avais d’ailleurs fini par publier ce que j’étais parti présenter à la commission de protection des droits de l’HADOPI suite à la découverte d’un serveur ouvert aux 4 vents qui nous indiquait assez de choses déjà à l’époque pour savoir comment TMG travaillait au flicage des internautes. Les auditeurs étant soumis à des closes de confidentialité, ces derniers n’avaient pas pu publiquement s’exprimer autrement que par une petite phrase assassine en réponse à une question en off du SSTIC « TMG était déjà avant ça à classer dans la catégorie charlots« .

L’audit d’Hervé Shauer a très probablement révélé de graves anomalies. L’enfumage de la CNIL n’y fera rien. Elle donna son accord à TMG pour reprendre ses activités. Oui mais voilà… ça coince. Et ça coince au niveau de l’HADOPI qui n’a pas voulu rétablir l’interconnexion entre son système de traitement de données et celui de TMG. Les IP aujourd’hui flashées par TMG transitent donc en train entre Nantes et Paris, sur un disque dur, dans les mains d’un coursier.

☠ Pwn1ng TMG for fun profits

L’affaire TMG avait sérieusement entamé le capital confiance déjà pas folichon qu’on pouvait porter au dispositif de riposte dite graduée. Le capital confiance en TMG, ses processus de contrôle bien sur, mais également le capital confiance envers les ayants-droit qui ont toujours marqué certaines prédispositions à cacher la misère.

Il faut bien avouer qu’en période de campagne électorale, c’est quand même plutôt gonflé. La politique numérique de Nicolas Sarkozy se dévoile au plus mauvais moment. De la répression qui marchouille, des délits mal définis techniquement et s’appuyant sur un chunk de 15 secondes tirant son checksum dans les métadatas d’un master. Derrière ce jargon technique, certains d’entre vous auront parfaitement compris qu’il suffit donc de remasteriser une oeuvre pour que ses copies numériques deviennent indétectables par TMG, vu que ces derniers n’auront pas les metadatas d’une oeuvre remasterisée si personne ne leur transmet.

Nous attendons tous avec une grande impatience de découvrir le contenu des dossiers transmis à la justice. Ayants droit, vous êtes prévenus, les internautes sont joueurs, vous commencez à le savoir…

☠ De la porosité de la citadelle pseudo imprenable

Et c’est désormais une tradition, quand le Net est agressé, il se défend. L’occasion était trop belle, il fallait marquer le coup et « fêter » la mise en place de la machine répressive. Anonymous a donc bondi sur l’occasion en interceptant des correspondances de l’HADOPI avec les ayants droit. Nous y avons découvert les petites colères des ayants droit suite à la publication du rapport Znaty. Si vous n’avez pas compris pourquoi, veuillez relire attentivement la phrase en gras avec du jargon technique dedans un peu au dessus.
Cette histoire de petite fuite présentée comme étant issue de l’HADOPI a de quoi surprendre, je ne serai personnellement pas surpris qu’elle émane plutôt d’un maillon faible, au hasard de chez les ayants droit.

☠ Une seule offre légale : iTunes

Au détour d’une conversation, je suis retombé sur ce billet prémonitoire qui date de 2008. Presque 4 ans plus tard, le constat est pour le moins acide. Apple règne comme prévu en leader incontesté de la distribution. Les majors ne veulent toujours pas ouvrir leur catalogue ou le font via des deals exclusifs en demandant des tickets d’entrée surréalistes afin d’empêcher l’arrivée de tout nouvel entrant sur le marché. Non contents de se goinfrer de la sorte, les majors continuent à pratiquer des prix sidérants pour des supports matérialisées ou non, et poussent pour certaines les cynisme jusqu’à augmenter leurs tarifs quand un artiste de leur catalogue meure, en prévision de ventes accrues.

… Et comme prévu en 2008, Google, avec un peu de retard, arrive, lentement, mais surement… et avec une stratégie bien à lui.

Rien n’y fera, nous le savons, les majors sont bien en train de perdre la distribution. Comme je le prédisais en 2008, cette époque où les commerciaux d’Universal se pointaient dans des magasins physiques et imposaient des quantités pour une implantation, négociant les rachats des invendus à des prix bien en dessous du prix de vente à leur distributeur… est terminée. Sur du dématérialisé, pas d’invendus. Une marge en moins qu’HADOPI et toutes les études plus bidons les unes que les autres n’ont probablement jamais pris en compte.

☠ La colère d’Internet contre les ayants droit monte

Les ayants droit sont les premiers à fustiger l’HADOPI, alors que les dossiers de justice n’étaient pas transmis au parquet, ces derniers disaient avoir des moyens de se mettre à lutter contre le direct download aux côtés de TMG. Quid des procédés techniques ? Là encore on risque de bien rire. Mais là n’est pas le problème. Le problème, c’est qu’à l’époque du DADVSI, l’ancien dirigeant de la CNIL, Alex Turk, faisait passer un cavalier législatif autorisant, en prévision d’HADOPI, la privatisation d’un pouvoir judiciaire, déléguée à des charlots… TMG. Normal me direz vous car ce n’est certainement pas l’autorité judiciaire qui va s’amuser à traiter la traque des internautes qui partagent le dernier Lady Gaga alors que ces derniers, qui traquent quand même la pédo pornographie, les arnaques sur le Net, les intrusions (…) ont moins de budget que l’HADOPI ! Le paquet est donc mis sur les internautes partageurs, les criminels, eux peuvent dormir sur leurs deux oreilles.

La fermeture de Megaupload a une fois de plus soulevé Anonymous, signe d’un pourrissement de la situation qui commence, par effet ricochet, à avoir des conséquences importantes, qu’elles soient médiatiques ou qu’elles le soient moins. Aujourd’hui, c’est trop tard, HADOPI a bien échoué sur un point : internautes et ayants droit sont irréconciliables. En entrant dans sa phase de répression par les tribunaux il ne nous reste plus qu’à constater qu’HADOPI a échoué dans son rôle soit disant préventif, et c’est là son pire échec. Si les 35% de Nicolas Sarkozy tenaient une ombre de vérité, HADOPI n’aurait jamais eu besoin d’entrer dans cette phase et aurait continué à être ce qu’elle était jusque là, la machine à spams la plus chère du monde au profit d’une clique d’évadés fiscaux.

HADOPI n’est qu’une étape, vers la lente régulation orwellienne d’Internet, des entreprises françaises sont très dynamiques dans les technologies de surveillance de masse, mais manque de bol, leur activité n’est ici pas légale, ou difficilement. Vous découvrirez sur Reflets très prochainement la « malédiction Amesys » qui illustre très bien ce dernier propos… stay tuned.

N’oubliez jamais une chose : il suffit souvent de 5 gus dans un garage pour que….

2 réponses sur “HADOPI : son pire échec”

  1. Le doute monte chez les ayants droits par rapport à l’Hadopi qui dans les faits ne surveille pas grand chose, au point que 40 % des français serait prêt à la garder. Cela fait cher « le machin qui ne sert à rien » mais au moins c’est inoffensif. Ca doit bien couter en année pleine pas loin des 100 millions d’euros (carte musique comprise)

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