ARJEL : même pas peur du ridicule

arjelLe blocage de l’accès à des sites web de jeux en ligne mis en place par l’ARJEL et exigé aux fournisseurs d’accès à leurs frais ne fonctionne pas. Bon, ce n’est franchement pas un scoop, ça fait des années que l’on essaye de l’expliquer, mais rien à faire, le législateur persiste et signe, s’enfonçant un peu plus dans le ridicule. Un récent jugement en référé invitait les 7 plus importants FAI (en nombre d’abonnés) à « bloquer par tous les moyens » les sites de jeux ne disposant pas de licence française. Seul problème, il n’existe aucun moyen fiable de bloquer l’accès à un site et on assiste donc à la mise en place de mesures que les fournisseurs d’accès eux mêmes savent inopérantes. Le schéma ci-dessous montre que non seulement c’est inefficace mais qu’en plus il existe dans de nombreux cas un important risque de dommages collatéraux et que tout ça a un coût souvent élevé pour un résultat minable. Tellement minable que l’Australie l’abandonne et que l’Allemagne n’a même pas voulu s’y essayer.

Le cas du site StanJames est assez emblématique. PCInpact s’en fendu d’un excellent article sur le blocage de ce site. C’est en fait un véritable cas d’école, le site est bloqué au niveau du nom de domaine par Bouygues (je confirme que c’est la même chez Numéricable qui lui a pris soin de bloquer le .be et le .ch alors que la décision de justice ne portait pourtant que sur le .com), ainsi, il suffit de placer l’IP du serveur de StanJames à la place de son nom de domaine dans la barre de son navigateur pour accèder au site sans encombrement. En modifiant sa configuration DNS et en optant pour les DNS de Google, il est également possible de contourner ce blocage. Ici, nul besoin de VPN ou de TOR pour passer à travers ce blocage ridicule, c’est à la porté de tout le monde, même des moins techniques d’entre nous.

Maintenant sur le fond, vouloir empêcher les joueurs français de se mesurer aux joueurs d’autres pays est une idée assez saugrenue qui a bien peu de chance d’être respectée. Internet n’a jamais été conçu pour que l’on puisse empêcher des machines de communiquer entre elles, c’est en fait tout le contraire… même ça, ce n’est pas assimilé par les gens qui ont porté cette loi crétine.

Enfin, j’imagine à quel point les sites qui se sont acquittés d’une licence chèrement payée vont apprécier l’efficience de ce filtrage, ce sont les dindons de la farce, et il y a de bonnes chances que certains d’entre eux demandent des comptes à l’ARJEL sur l’escroquerie intellectuelle et la désinformation autour du blocage des sites. Quoi qu’il en soit, la rentrée parlementaire avec la LOPPSI qui doit instituer le blocage des sites pédo-pornographiques et surement plus tard une HADOPI 3 qui entend déjà bloquer des sites comme Megaupload s’annonce très drôle. On nous expliquera surement que le DPI est un mal nécessaire « pour notre sécurité »… Gavé.

Blocage de sites web : mieux vaut prévenir que guérir ?

404Alors qu’en Australie le blocage des sites web semble voué à une mort plus ou moins certaine, nous avons vu que petit à petit, le big brother français et la police de la pensée étaient en train de faire leur nid. Pour ce faire, on piétinera sans vergogne des principes que l’on pensait acquis comme la liberté d’expression ou la proportionnalité de la peine.

La récente condamnation en référé des principaux fournisseurs d’accès à Internet sur action de l’ARJEL, l’autorité de régulation des jeux en ligne, a bien ouvert, comme nous le craignions, la boite de Pandore. Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free, Numéricable, Auchan Télécom et Darty devront tout mettre en œuvre pour empêcher les internautes français d’accéder aux sites n’ayant pas obtenu de licence française. S’il vous prenait l’envie de vous mesurer à des étrangers au poker et accroitre vos gains en vous faisant un peu moins ponctionner au passage, il vous faudrait trouver un fournisseur d’accès alternatif qui n’a pas le privilège de faire l’objet de cette ordonnance du tribunal de Grande Instance de Paris.

Pour l’instant, avec l’ARJEL, comme pour ce que l’on attendait avec les sites pédophiles à qui ce traitement était alors exclusivement réservé, on parle bien de blocage de sites. Le blocage de sites, comme stipulé par la décision de justice qui vient de frapper les FAI, doit se faire par « tous les moyens possibles ». Si les fournisseurs d’accès en venaient à appliquer bêtement cette décision, nous assisterions inéluctablement à une surenchère du flicage et à une multiplication des dommages collatéraux induits par les expériences des apprentis sorciers sur des technologies non maîtrisées comme le routage BGP, le Deep Packet Inspection, le blocage DNS… Pour faire une analogie simple, c’est comme si un tribunal avait ordonné aux douaniers français de faire en sorte, par n’importe quels moyens (mazoutage, grenadage, filets dérivants…), que les poissons espagnols ne viennent plus croiser dans les eaux territoriales françaises pour bouffer tout notre plancton d’appellation d’origine contrôlée. En plus d’être inapplicable c’est surtout complètement crétin et on sent bien qu’il y a un danger quelque part, on en a bien un qui finira par bâtir une muraille sous marine et qui réussira à déséquilibrer tout l’écosystème. Et bien je vais vous faire confidence… les internautes, c’est comme les poissons, et Internet c’est bien un écosystème à l’équilibre fragile.

Le vrai danger arrivera quand un technocrate ou un lobbyiste aura l’idée de génie de « prévenir plutôt que de guérir« . En clair, quand il préconisera qu’au lieu de bloquer, on pourrait filtrer. En commençant par habituer les FAI à leur nouvelle casquette de gendarme et en les invitant à la repression, ces derniers auront beau rôle de faire de la prévention, c’est à dire filtrer ou bloquer l’accès à certains sites sans même qu’une plainte ne soit déposée. C’est une dérive logique, une de plus, et si elle n’enchante pas tous les fournisseurs d’accès (on sait que Free est le premier à freiner des deux pieds), d’autres se feront une joie de mettre en place le produits de leurs trouvailles. Les apprentis gendarmes ont donc toutes les cartes en main pour se transformer en garants des bonnes moeurs « par prévention ». Du blocage pur et simple, nous pourrions assister au déploiement de solutions d’analyse statistiques de packets (ou stochastic packet Inspection) dans des points de centralisation (régionaux ?) capable d’altérer l’accès à des sites sur simple suspicion née d’une approche probabiliste d’analyse de données qui transitent sur le réseau d’un opérateur. Un simple mail pourrait alors se perdre ou ne jamais partir s’il vous prenait par exemple l’envie de faire écouter votre serveur smtp sur le port 119. Interdire l’accès à des sites passera forcement par des violations de votre privée, on ne sait pas faire techniquement autrement : analyse de vos communications, filtrage des services … vous êtes maintenant prévenus.

En Australie, où je vous disais que le blocage des sites avait toutes les chances d’être définitivement abandonné, nous avons déjà assisté à des débordements : la liste qui ne devait initialement ne comporter que des sites pédophiles avait fuit sur Wikileaks et nous avions eu la surprise d’y retrouver des sites de référencement de liens torrents ou de jeux en ligne…

Enfin, plus proche de nous l’Allemagne a également dit non au filtrage constatant, comme l’Australie, que ce genre de dispositif ne pouvait fonctionner, tout particulièrement dans un pays qui se veut attaché à certaines valeurs démocrates.

Là tout de suite, si je devais monter un tripot en ligne, je le développerai sur la plateforme de blog Haut et Fort, très appréciée des politiques. Je serais curieux de voir si un FAI est capable de nous poser un deny sur *.hautetfort.com et ainsi rendre inaccessibles les blogs de nombreux députés. Le filtrage et le blocage, tant qu’on y a pas gouté, on trouve ça bon… mais dans la pratique ça va donner quoi à votre avis ?

Filtrage du Net et FAI à la baguette

Un pas de géant a encore été franchi aujourd’hui, le cap est connu, c’est toujours le même. L’ARJEL ou autorité des jeux en ligne est l’une des Hautes Autorités chéries du législteur, celle ci vise à faire la chasse aux « pirates » (oui il y a une certaines constance là aussi), ou plus exactement aux sites de jeux qui n’ont pas reçu l’agrément… une sorte de lettre de cachet frappée du sceau de la haute autorité qui vous autorise à percevoir dîme en sol numérique françois.

Comme il est de notoriété publique que tous les pédonazicommunistes jouent au poker sur des serveurs situés sur l’île de Malte (dans la baie juste à côté de celle rapatriée en France par le groupe Bolloré 3 mois avant que la loi sur les jeux en ligne ne passe devant le parlement…), on a décidé d’appliquer au sites de jeux qui mouillent en eaux hostiles au portefeuille des copains, le traitement qu’on avait juré qu’on appliquerait uniquement contre les cellules terroristes d’Al-Qaïda et les frameux pédonazicommunistes… le blocage des sites. Depuis l’ARJEL, les joueurs en ligne pestent, ils ne peuvent se mesurer à des joueurs étrangers, les joueurs sont coupés du monde, ils évoluent dans une sorte de casino online pékinois.

Jouer sur des sites dissidents (ou plutôt des sites qui font de la concurrence trop visible à notre fière et belle industrie du jeux online) fait depuis aujourd’hui, l’objet d’un cadre d’application plus précis, dicté par une décision de justice qui a le mérite d’être claire. La catastrophe tant redoutée est arrivée. On plaque une lame sous la gorge des FAI en leur demandant de filtrer par TOUS les moyens possibles et imaginables. Une astreinte de 10 000 euros par jours pendant un mois sera même appliquée si les fournisseurs d’accès venaient à manquer d’entrain pour engager des frais sans contrepartie, sur décision d’une Haute Autorité, dont le principe est en plus de porter atteinte à l’intégrité et la neutralité d’un réseau de communication vital qu’ils exploitent commercialement et qu’ils construisent. Tout de suite on s’imagine qu’une délicate attention comme celle ci ne va pas passer inaperçue et que quelques lobbyistes de la propriété intellectuelle ne se dérangeront pas pour demander aux FAI le même traitement (à titre gracieux) de 50 000 authentifications quotidiennes sur la base d’adresses ip saisies par les sociétés mandatées par la HADOPI et les ayants droit.

La plainte remonte au mois de juin suite à une saisine en référé, on attendait la décison, elle est donc assez brutale. Un peu comme si on demandait à la police d’arrêter les pickpockets par tous les moyens (y compris de faire feu au milieu d’une foule dans un métro bondé)… et oui la justice sait faire preuve d’une délicatesse extrême, elle nous le prouve ici autorisant implicitement le deep packet inspection et ses techniques dérivées, qui comme on s’en doutait risquent de faire fureur :

  • Soit cette décision ne mesure pas ses conséquences,
  • Soit les conséquences sont très bien connues car voulues depuis longtemps.

Dans les deux cas c’est une mauvaise nouvelle et Jérémie Zimmerman à bien raison de souligner le caractère catastrophique de la situation. Voici en substance ce qui a été énoncé : Les FAI doivent “mettre en oeuvre ou faire mettre en oeuvre, sans délai, toute mesure propre à empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés sur ce territoire, au contenu du service de communication en ligne (Stanjames.com)“ et “prendre toutes mesures de nature à permettre l’arrêt de l’accès au service en cause, soit toute mesure de filtrage, pouvant être obtenu (…) par blocage du nom de domaine, de l’adresse IP connue, de l’URL, ou par analyse du contenu des messages, mises en oeuvre alternativement ou éventuellement concomitamment“.

C’est amusant comme tout cela s’emboite bien… comme prévu. Mais ce qui est magnifique ici, c’est que le blocage des sites est arrivé dans notre législation par le jeux en ligne, et qu’on lui donne du premier coup les moyens de muter en ce qu’il y a de pire. La proportionnalité des moyens, on s’en contre fiche, ce qu’on veut c’est bien la peau du Net.

Ça va être long de tenir jusqu’en 2012 !